FLEUR DE VERRE
Rompre le silence
Globe éphémère, bulle immobile
qu'une onde invisible simule !
Songe d'une âme translucide...
Fleur incolore, fragile et nue,
un réseau de reflets est toute ta parure,
fugitive comme un sourire.
Irréelle corolle, qu'une ligne, d'aventure
a tracée
en joueuse de courbes, de clartés grêles,
aux caprices du jour ingénu comme elle
entrelacée,
voici que toute aérienne
ta tige, doucement qui s'incline, ondule,
et d'elle, en détours, le calice érige
sa limpidité de lumière.
Fuyant délice de tes contours
où s'éternise ma songerie !
Es-tu grandie, fleur hyaline, un jour
pâle, — ou parmi les roses des mensongers parterres
que visitent les yeux errants de la lune,
quand Lazuli, la fée écouteuse des brises
éparpille, voluptueuse,
toutes les boucles de sa chevelure,
touche de ses talons légers les graminées
et suscite à ses pieds de reine, sur le sol,
les bouquets de rosée que le matin dévore ?
Ou plutôt n'es-tu pas la fille de la Flamme?
n'as-tu pas fait jaillir ton calice de feu
d'une libre flamme vers Dieu,
quand revivait en elle au sursaut de la mort
l'âme ardente des bois pénétrés de soleil ?
...
Toi qui hantes mes nuits, spectre éternel du Temps,
Ombre énorme et sans voix, monstre aux molles vertèbres
Dont on épie en vain les pas dans les ténèbres,
Je te sais près de moi ; je tremble et je t’attends.
Oh bonté ! ai-je donc peur ? Que tes mépris absolvent
Cette âme où ton regard vertigineux descend...
Et pourtant il songeait, mon front adolescent,
Que toutes les douleurs en ton sein se résolvent.
Mon lâche effroi te hait, Mort, prêtresse du Temps.
Un flot morne se gonfle en tes fureurs profondes,
Et le cri de la chair s’étouffe dans ces ondes
Qui se heurtent parmi tes rires éclatants...
Mais je t’appelle, ô fascinante aux bras de pieuvre ;
J’offre à ton cœur sévère un cœur tranquille et fort, —
S’il est vrai que l’Amour s’érige de la Mort
Comme un lys enlacé dans un nœud de couleuvre.
-A celle qui ne trahit jamais-