Pendant longtemps, les pâtes furent une nourriture comme une autre. Au XVIe siècle, elles étaient encore considérées comme un caprice ou une "délicatesse" à laquelle on pouvait - ou mieux, on devait - renoncer dans les moments difficiles. (...) Il faudra attendre le XVIIe siècle pour que les pâtes jouent un autre rôle alimentaire. C'est à Naples où, au milieu du siècle, la pression démographique et la crise politico-économique de la ville provoquèrent une situation alimentaire difficile, qui eut de fortes retombées sur la consommation de viande, qu'a lieu le tournant. Entre-temps, une petite révolution technologique (la plus large diffusion du pétrin et l'introduction de la presse mécanique) permit de produire macaronis et autres types de pâtes à un prix beaucoup plus avantageux que par le passé. Les pâtes conquirent donc une place de premier plan dans le régime alimentaire des classes pauvres urbaines; au XVIIIe siècle, les Napolitains dérobèrent aux Siciliens l'épithète de "mangeurs de macaronis" qui leur était jusqu'alors réservée. En 1787, Goethe visite Naples et note que "macaronis de toutes espèces se trouvent partout et à un prix modéré". (...) Vers la fin du XVIIIe siècle, un Goldoni très étonné, invité à déjeuner à Paris par une dame "très aimable", entend un certain La Cloche adresser à la dame ce reproche: "Vous donnez du potage à un Italien? Mais les Italiens ne mangent que des macaronis, macaronis, macaronis."