Il n'y a pas tant de différence entre faire bien ou mal les choses, tu sais ?" lui avait-il dit un jour qu'il avait raboté trop rapidement un morceau de bois. "Mais, si tu le fais bien, tu es satisfait et après tu passes à autre chose ; si tu le fais mal, t'as les nerfs, tu dois recommencer et cela prend deux fois plus de temps. Regarde un peu ce que tu as fabriqué en allant vite !
"Tout ce qui avait constitué sa vie était perdu comme le lest de sable que son grand père jetait à la mer quand il ne servait plus à rien parce qu'il s avaient à bord les filets gorgés d'eau! Ne jamais chercher à avancer avec du poids inutile: c'est une règle importante quand tu as tant de chose à fair. Essentielle pour la survie si tu ne sais pas combien cette route sera longue ni où elle te mène."
Il faisait route depuis des jours déjà, et ce jour-là depuis des heures. Il marchait depuis l'aube sans s'arrêter et son pas était devenu lourd non pas à cause de la durée du voyage mais du chemin qu'il avait encore devant lui et du néant qu'il laissait derrière lui.
Ils empruntèrent pour la dernière fois l'impasse pour aller jusqu'à la barque au bout de la plage, en silence. La forme de la barque se détachait toute sombre de la surface de la mer, illuminée par l'éclat d'un croissant de lune.
Les jours commençaient à passe, l'un après l'autre, en s'écoulant tranquillement. Leur déroulement était plus ou moins toujours le même : il arrivait peu après l'aube, il apportait la focaccia et ils prenaient leur petit-déjeuner ensemble. Puis ils commençaient un travail qu'ils interrompaient vers l'heure du déjeuner. Ils avançaient à bonne allure jusqu'au coucher du soleil. Le vieil homme ressortait alors et revenait avec le dîner puis il lui souhaitait bonne nuit en l'enfermant à l'intérieur. Mohammed n'avait pas réalisé qu'il n'aurait pu sortir d'ici qu'en forçant la porte, pas plus que le vieillard qui répétait ce geste depuis des années sans voir vraiment la nécessité d'en changer.