Alex Mandon

Cela faisait un petit moment que je ne n’avais pas lu un roman de style policier, et je voulais un peu m’éloigner de la fantaisie et du fantastique. Meurtre sur les Champs-Élysées était depuis un moment dans ma pile à lire et je me suis que c’était l’occasion parfaite de le sortir enfin.



Dans l’ensemble, Meurtre sur les Champs-Élysées a été une lecture que je qualifierai de sympathique. Elle ne restera pas dans les mémoires, même si le roman a plusieurs qualités qui font qu’il sort de l’ordinaire. Mais cela n’aura pas suffi pour moi. L’enquête ne m’a pas transportée. Elle est assez lente, en partie parce que nous suivons deux personnages et donc deux points de vue, et elle n’a pas eu ce petit quelque chose d’émoustillant. Les états d’âme des deux héros, bien qu’intéressants, sabotent à certains moments la dynamique. On nous vend aussi le héros comme un fin limier qui ne s’arrête pas à l’évidence et pourtant à plusieurs reprises, c’est ce qu’il fait alors que les preuves ne sont pas là. Quant au meurtrier… j’ai trouvé la solution assez facile et le coupable manque de développement.



Cependant Meurtre sur les Champs-Élysées a d’autres atouts. Déjà les personnages. Il est facile de s’attacher à Guillaume, Lucie et Jackson. Des héros riches avec chacun une particularité qui font d’eux des êtres à part. Guillaume est un inspecteur très compétent qui a un sens du détail et qui ne se focalise pas sur les premières impressions. Lucie est une courtisane de luxe. Une femme émancipée qui veut vivre sa vie comme elle l’entend et qui ne veut pas d’un homme pour la posséder. Jackson est un médecin légiste américain très doué mais aux manières rustres. Un trio qui fonctionne et on sent vite tout le potentiel qu’ils pourraient avoir dans de prochaines enquêtent. Un fait qui pourrait me tenter si un tome deux sortait un jour.



Alex Mandon utilise aussi des éléments que je trouve super intéressants. On voit aussi qu’il y a eu un temps de recherche vis-à-vis de l’époque, le Paris de 1900, alors que l’auteur est américain (je n’ai pas pu savoir si c’était une femme ou un homme, très peu de détails circulent sur Alex). Je trouve toujours super de voir une part de réalisme dans ce genre de romans. L’auteur traite donc des courtisanes. Des femmes offrant leur compagnie et parfois leurs corps en toute légalité. Un univers que j’ai peu exploré et je trouve que l’auteur les dépeint d’une façon neutre, sans jugement, mettant même en avant leur soif de liberté. Il y a aussi la sexualité. L’homosexualité était un péché, une déviance qui pouvait vous conduire à la prison, voire pire. L’un des protagonistes l’est. On y voit combien sa vie est dangereuse, en un sens, marchant sur une ligne fine qu’il ne faut pas franchir. La solitude, l’angoisse et pourtant ce désir d’avoir une vie heureuse. C’est déchirant, mais explorer ce côté-là de l’histoire donne clairement une autre dimension au roman.



L’enquête navigue donc dans ces deux univers, tout en récoltant des indices par-ci, par-là. La vie privée des héros prenne parfois le dessus, ce qui permettra une suite avec plus de développement, j’en suis certaine, mais qui ici freine l’intrigue. Je me suis sentie ballottée, revenant parfois au point zéro, mais ne voyant pas se dessiner quelque chose de concret. On se focalise même sur un coupable qui n’est pas du tout crédible durant tout le processus, tout en pointant du doigt un comportement malsain d’un autre personnage mais ne fouillant pas cette hypothèse. Une petite déception donc à ce niveau-là.

Tromperie sur la marchandise ! Je plaisante bien sûr, mais c’est vrai que dans ma tête, lorsque j’achète un roman chez MxM Bookmark/Reines-Beaux, je m’attends à lire avant tout une romance ; elle peut être sérieusement mâtinée à la sauce polar ou autre, mais il y a une romance. Mais là, que nenni, ma bonne dame ! Passé plusieurs chapitres à me demander avec qui allait donc finir notre élégant enquêteur Guillaume Devré de la Sûreté générale de Paris, j’ai fini par comprendre que ce n’est pas dans ce premier volume des « Mystères à la Belle Époque » que le bel inspecteur allait rencontrer l’amour avec un grand A. Du coup, il ne me restait plus qu’à me recentrer sur l’intrigue, le contexte historique et les personnages et ma foi, je n’ai pas été déçue.

Côté intrigue : rien à dire ; résolument en premier plan du roman, elle est bien menée et est parvenue à maintenir mon intérêt et même à me surprendre.

Côté historique : je suis loin d’être une experte de la Belle Époque et de ses us et coutumes, donc forcément j’ai appris quelques trucs d’autant qu’on devine que l’auteur a bien potassé son sujet.

Côté personnages : bravo à Alex Mandon qui ose mettre en scène un duo atypique dans le milieu de l’édition dite m/m, à savoir notre policier maîtrisant au mieux ses tourments liés à son homosexualité et Lucie-Geneviève, une prostituée, mais pas n’importe laquelle puisqu’il s’agit de « La Balise », femme de grande beauté et « cocotte » la plus célèbre de Paris. Tous les deux vont se retrouver à enquêter sur des morts mystérieuses ; l’un, parce que c’est son boulot et l’autre, parce qu’elle se retrouve soupçonnée par le premier d’avoir empoisonné l’une des victimes. Ne pas oublier dans les personnages importants, le médecin légiste à la personnalité un peu brute de décoffrage. Je pense que ce troisième larron sera amené à interagir de plus en plus et peut-être de façon plus « intime » avec un de nos deux protagonistes. Lequel ? Mystère, même si mon intuition me souffle une réponse. À voir si elle se concrétise par la suite.

Pas franchement de critique négative, mais plutôt deux réserves concernant ce roman : il est beaucoup trop bavard et son écriture (ou traduction) est parfois aussi un peu étrange. Rien de gênant dans l’absolu, mais j’aurais aimé un peu plus de mouvements dans le déroulé de l’histoire à défaut d’action.

Ma plus grande attente pour la suite ? Je veux que l’auteur prenne tout son temps, mais que l’armure dont s’est entouré l’inspecteur Devré se craquelle enfin et qu’il perde pied de la plus délicieuse des façons. Autre mystère pour la romantique que je suis : Le grand « A » se trouve-t-il dans ce premier opus ou un nouvel intervenant arrivera-t-il par la suite ?

Pour conclure, je dirais que même si ce roman d’Alex Mandon a très peu de chance de paraître un jour chez un éditeur tel que 18/10, collection Grands détectives, je l’ai lu avec plaisir. Je ne peux pas dire que je trépigne d’impatience à lire la suite, mais je le ferai sans problème d’autant que l’inspecteur Devré et la perspicace Lucie-Geneviève ont encore pas mal de choses à nous apprendre. Bonne lecture.

Petit mot sur la couverture : très bien choisie. Aucun des deux personnages n’est en retrait ou ne domine l’autre. Un bon duo (ou duel) qui s’annonce.