La haine, quand elle renait comme ça, dans ce genre de circonstances, elle remonte comme une bulle d'air dans un verre d'eau, fine mais solide, déterminée, elle poursuit un objectif et rien ne peut l'empêcher de faire ce qu'elle doit faire. Elle dévie sa route si nécessaire, elle passe entre les filets, elle écarte les molécules autour d'elle. On peut se taire, mais on n'écrase pas la haine comme on écrase un moustique.
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C’est un lac de sable mouvant, pas plus étouffant qu’un nuage de vapeur d’eau, il obère le temps et l’espace, tout s’y dissout. On s’enfonce lentement pour ne pas comprendre que c’est vrai, que c’est arrivé, que ça se passe dans nos vies. Dans la mienne, la tienne que j’ai mise au monde, depuis ce jour où tes premières cellules ont commencé à s’agglomérer en moi, depuis que j’ai choisi que ta naissance aurait lieu. Tout était organisé, jusqu’aux imprévus pour lesquels on a toujours cette marge de sauvegarde, tout était en place et rien n’était parfait mais on pouvait encore exercer une forme de contrôle pour que les nids de poule ne foutent pas les amortisseurs en l’air.
Soudain, on roule sur un magma, on glisse mais on ne comprend pas encore ce qui se produit. Le magma apparaît dans une poignée de secondes, ça s’annonce dans une phrase, exprimée dans ta voix enfantine, hésitante, au téléphone.
La terreur de la solitude et l'orgueil, c'est ce qui dirige les relations amoureuses, qu'elles soient éphémères ou durable. L'amour, c'est autre chose, une rareté qu'on reconnaît à l'infinie liberté qui l'accompagne.
Nous, les mères et les putes, scindées et unes à la fois. Et si on doit en sacrifier une, c’est la pute qu’on cramera sur un bûcher comme on fait rôtir une dinde élevée en batterie. Celle qu’on imagine remplaçable, celle qui ne mérite rien de ce que les hommes s’octroient. Ils font de nous des putes, ils enterrent leurs vices, leurs désirs salaces dans nos vies, ils se délestent pour ne pas les contrôler et ils nous sacrifient, nous, qui n’avons renoncé à rien. Nous qui résistons. Nous, les mères-putes qui n’avons pas obtempéré à leur ordre du monde.
Les enfants n’ont pas à se soucier de qui sont leurs parents, ils n’ont qu’à les aimer, les inventer, les créer comme ils les veulent quand la réalité manque d’ardeur à la tâche.
Mais tout avait été détruit en une nuit comme une fulgurance qu’une autre venait remplacer déjà, et il ne restait plus rien de normal dans la vie de Nohé depuis ce qui était une éternité pour elle.
(...), elle pleurait son fils et je n'ai pas eu l'énergie de lui dire d'aller brûler en enfer avec son rejeton lorsqu'elle a parlé de sa douleur, je n'ai pas dit que c'était bien fait pour elle, que j'espérais qu'elle en chie tellement que son cul explose dans un feu d'artifice pas maîtrisé et qu'il lui ravage le corps tout entier et que ça la consume (...) . p.58
Au fond dans tout ce jeu pathétique, ce qu'il y a d'abord, c'est la peur. De la terreur même, une vague permanente de terreur pure qui nous fait faire n'importe quoi, nous allier au premier ou à la première venue qui semble correspondre à eu près. La terreur de la solitude. p.161
Prends bien la leçon maternelle du jour, par cœur, sur le bout des doigts : jouis ma fille, quand tu seras guérie, va te frotter à d'autres corps, décrypte leurs mouvements, ressens leurs peaux, chacune de leurs odeurs, nourris-toi de l'humanité dans son essence. p.64
Mais on ne régit pas l'humanerie, on la règle, on la cadre, on la canalise comme on peut et puis finalement, on écrit des lois pour ne plus avoir à prendre en compte toutes ces secondes de trop, de trop de vie qui explose et défonce les plafonds. p.34
Rien ne commence jamais selon l'idée qu'on pourrait s'en faire