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Citation de ClauIonRi


Nous passons là quelques jours à cicatriser nos plaies et nos cœurs. Il
faut d’abord tirer au clair cette étrange fièvre. Mary, le médecin de la
mission, est tout de suite venue me faire un prélèvement sanguin. Elle
revient peu après avec le verdict :
— Malaria cérébrale. Un falciparum corsé ! Vu votre état de choc et
votre faiblesse générale, si vous ne vous étiez pas arrêté ici, vous auriez pu
être emporté en trois jours…
Elle est en Éthiopie depuis vingt ans et s’est spécialisée dans les traitements antipaludéens. Elle se félicite que nous ayons avec nous nos traitements de di-hydro-artémisinine, médicament que j’avais testé lors de ma première crise de palu, à Mitundu2 :
— Vous connaissez l’histoire de la di-hydro-artémisinine ?
— Oui. C’est un médicament chinois…
— Vous savez de quoi on le tire ? Vous voyez ma plantation de fleurs orange, là, dans le jardin ? Celles qui ressemblent à des gerberas ? Eh bien
voilà ! C’est ça qui sauve les vies ! C’est aussi simple !
— Comment ça ?
— Cette fleur s’appelle l’armoise amère. Je fais une simple tisane avec les pétales séchés et je sauve des gens par centaines…
— Et aucun laboratoire occidental n’a trouvé ça ?
— Héhé ! Vous mettez le doigt sur le problème ! Cette molécule est connue des Chinois depuis 1975. Ils l’ont découverte en soignant les blessés vietcongs rapatriés du Vietnam. Ce médicament a eu le malheur d’être
inventé par des communistes en pleine guerre froide : cela fait trente ans
qu’il y a un embargo dessus… Les Chinois ne demandent rien à personne et
soignent toute l’Asie avec. Les Indiens l’ont copié, il n’y a plus que nous qui nous obstinons. Pour le malheur de l’Afrique… Le vrai problème, en fait, c’est que ce médicament ne coûte rien alors que les traitements modernes développés péniblement par nos laboratoires coûtent les yeux de la tête. Entre un dollar et cent dollars, vous choisiriez quel traitement ? D’autant plus que celui à un dollar marche beaucoup mieux, vous l’avez testé vous-même n’est-ce pas ? !
— Mais l’OMS, les organismes internationaux… ?
— C’est là qu’est l’immense scandale, vous allez voir, cette histoire va bientôt nous péter à la gueule. Ils ont mis trente ans à s’intéresser à cette
molécule ! J’aimerais qu’on me dise pourquoi. Moi, par exemple, je dépends des organismes internationaux pour mon approvisionnement en médicaments. Vous le savez, l’Éthiopie est sous contrôle sanitaire de très
nombreux organismes. Et comme la di-hydro-artémisinine n’est pas reconnue officiellement, je n’ai pas le droit de l’importer…
— Mais qu’est-ce qu’ils avancent comme raisons pour la rejeter ?
— Oh ! que les tests n’ont rien prouvé, qu’ils sont toujours en cours, que ce sont des protocoles très lourds et très longs à mettre en place, qu’il faut la synthétiser, que c’est une molécule très complexe…
Nous sommes bouche bée. Comment des enjeux aussi importants
peuvent-ils être bloqués par des intérêts si piètrement marchands ? Mais
Mary positive :
— Remarquez, je me débrouille quand même, avec mes plantations. Mais vous allez devoir boire un litre de ma tisane par jour, et c’est vraiment très mauvais…
Je me remets de ma malaria en quarante-huit heures. Comme à Mitundu. Ça relève du miracle. En effet, ce médicament est vraiment dangereux pour l’Halfan, le Lariam et nos autres merveilles !… Trois mille enfants par jour meurent du palu, en Afrique. Combien, depuis trente ans ?
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