C'était au cardinal Jules de Médicis, que Machiavel était assurément redevable de ce retour de faveur. L'envoyé ne resta que peu de jours à Carpi, et ne réussit pas à obtenir ce que désirait la république. Dans cet intervalle, comme si on se fût diverti à mettre Machiavel dans une fausse position, les consuls de l'art de la laine lui écrivirent et le prièrent de leur faire envoyer un bon prédicateur pour l'église métropolitaine de Florence. Il obtint ce qu'il désirait à cet égard. Ensuite, après de nouvelles et d'inutiles insistances pour emporter de haute lutte l'autre faveur, il annonça au cardinal Jules quel avait été le résultat de ses démarches. L'auteur n'avait pas oublié son style de secrétaire Florentin; il détaille avec le même esprit de netteté les premières visites, les arguments de ses discours, les réponses des pères de l'ordre. Tout ce qu'il dit est grave et mesuré.
Ce surnom de Primitifs, en réalité, ne devrait-il pas être réservé aux seuls initiateurs les plus naïfs, les plus enfantins, de l'art de la peinture, renouvelé en Europe aux XIIIe et XIVe siècles? Il nous paraît assez irrévérencieux et fort injuste d'appliquer cette épithète à la plupart des maîtres du XVe siècle qui représentent, avec tant de savoir et d'éclat, soit l'adolescence dans toute sa vivacité et toute sa grâce, soit la virilité dans toute sa force et toute sa conscience, d'un art encore grandissant, mais déjà complet et presque mûr.
On parle à nos jeunes artistes de Raphaël , comme du peintre qui a le plus honoré le seizième siècle. On rend à ce grand génie toute la justice qu'il mérite; mais pourquoi ne pas leur apprendre et leur démontrer que, quatre siècles avant Raphaël , il y avait déjà de la grâce dans les compositions; que dans plusieurs parties, le dessin offrait de la correction et de la pureté, et qu'enfin, avant lui, Orcagna, Starnina, Dello , Frà-Lippi, Pesellino Peselli, avaient peint, sous le nom de caissons d'énormes tableaux sur bois , ou l'on voit les arabesques que , suivant plusieurs auteurs , Raphaël n'aurait vues nulle part; ou l'on trouve une grande fraîcheur de coloris , une assurance de pinceau, qui n'est accompagnée d'aucun repentir; des draperies raisonnées, des morceaux d'architecture éclairés du jour convenable, et même assez d'érudition pour prouver que ces maîtres ont connu les vêtements respectifs des nations, les usages, les animaux et les plantes du climat où la scène se passe?
Toute la conduite actuelle de Machiavel nous le représente comme poursuivi par cette belle réflexion de Plutarque1: aussi il continuait des sollicitations empressées pour parvenir à obtenir un emploi dans la carrière qu'il avait parcourue jusqu'alors avec tant d'éclat et de succès.
1 Plutarque, Œuvres morales. « Si l'administration convient à un vieillard. »
Quant à Cimabué, il a pris un essor plus hardi ; il a composé des fresques d'une grande dimension: aussi, après avoir déclaré que Cimabué n'est venu que depuis Guido de Sienne il faut avouer qu'il a plus mérité de son art que ce dernier. Après Cimabué, que Lanzi appelle le Michel-Ange de cet âge, à cause des fresques d'un beau style qu'on doit à son pinceau, Giotto peut être appelé le Raphaël de ce temps. Sous Giotto, la peinture acquit déjà tant de grâce, qu'aucun de ses élèves, jusqu'à Masaccio, ne put le surpasser : il fut architecte et sculpteur.
Une suite d'invectives est venue accabler Dante et des malices étrangères essayaient d'attirer cette cause devant nos tribunaux littéraires. J'avais traduit Dante ; je le connaissais, je le savais franc et sincère, même dans ses écarts. Il importait que la tendance de ce poète , l'ensemble sans exception de ses actions de toute sorte , bonnes ou mauvaises, fussent expliqués à notre jeunesse studieuse, et qu'une voix connue, en prenant la défense d'un fils de l'Italie, vengeât la cour romaine : voilà pourquoi j'ai achevé l'histoire de Dante.
Français et m'honorant de l'être, mais ayant passé une grande partie de ma vie en Italie, initié depuis long-temps dans la connaissance de la langue de ce pays, de ses mœurs, et des compositions de ses écrivains, je ne me suis pas cru indigne de la périlleuse mission que je me suis imposée.
Cette mission est grave et sévère: personne n'attendra ici un ouvrage frivole.