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Citation de Tandarica


Les serpents

Sous le déploiement majestueux de branches de l’humide taillis
Dans l’herbe dorlotée je me couche, mes tempes sur mes paumes,
Je n’autorise pas le sommeil à m’abattre de son végétal baume
Car lentement je me mets à siffler le sortilège des serpents gris

Qu’ils glissent sous les feuilles aux douces eaux ondulantes,
Aux secrètes flammes verdâtres tremblant sous la braise,
Qu’ils dirigent vers moi leur tête triangulaire et mauvaise,
Où des yeux troubles veillent sous les paupières transparentes.

Avec un sifflement prolongé le chant irrévélé commence,
Qui les rassemblera de loin et les flattera, trompeur,
Et ils ramperont vers moi sur la mousse verte et en fleurs,
Hors de l’obscurité telles des sources qui de la terre s’élancent

Et voici que de tous côtés j’entends un friselis de forêt,
Enroulés sur les branches comme la chaîne du malicieux lierre
Ils bâtissaient leur venin d’ivraie dans l’herbage vert
Dans les eaux du bois cachés sous de gros cailloux somnolaient.

Or mon incantation repousse loin leurs premiers frissonnements
Soudain chacun d’entre eux quitte du bois son nid désertique
Aussi, vaincus par le long supplice du sifflement chromatique,
Se mesurent-ils en mon rythme étrange par un lent glissement.

Venez ô vous serpents dans l’herbe à plat ventre ondoyant
Brins longs comme lances plantées en pierre, vos visages rêvés !
Venez ô vous arc-boutés comme des chaînes, lors enchaînés
Aux invincibles cadences de mon chant jamais chanté auparavant

Venez ô vous secrets, fastueux, envoûtés par une voix singulière !
Désormais vos ébats seuls dans leurs rythmes se transformeront
Et impuissantes contre moi vos dangereuses langues seront,
Qui telles de vénéneuses fleurs lancent leur venin amer.

Dans les hautes herbes j’étais couchée, ô vous, en vous guettant,
Qui à mes pieds déposez tout le pouvoir caché du bocage
Et son entière subtilité m’offrez en d’illusoires virages
Tandis que mon sifflement devient chant de victoire à présent.

Appuyée contre l’arbre j’attends toutes vos troupes décimées
À mes pieds avec leurs corps d’épées agiles qu’elles se couchent
Que j’élance en la roulant sur mon bras ma proie farouche
Et que ma taille soit ceinte par ces ceintures animées.

Dépourvu de force contre moi le bois tout entier m’est asservi
Lui qui m’enlaçait de son âpre fragrance et de sa terreur
Désormais m’appartient tout son empire de crainte et de peur
Et je me pare de son inimitié empoisonnée que j’ai anéantie.

(p. 163-164)
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