Première neige
A mon ami F. Létouneau
Elles est humide encor des averses récentes
La neige qui s'amène en duvet, comme on dit.
Et dentelle le chaume et le bois engourdi ;
L'hiver ensevelit les feuilles par les sentes.
Les prochaines maisons sur les routes passantes
Reconnaissent à peine à son pas allourdi
Le bûcheron qui rentre en cet après-midi,
La hache verglassée et les bottes glissantes.
Or, sous la cheminée où les vieux sont assis
Et rêvent tristement des hivers de jadis.
Quelques bambins joufflus projettent au contraire
Des châteaux de glaçons dans la neige à venir.
Et par delà la porte où le vent vient gémir
Il neige de la joie et pleut de la misère.
I. A. O. 13 septembre, 1912
JOURS D'ENFANCE
Oh ! la candeur des heures blondes
Où nous étions joyeux et fous
Quand noue dansions sur les cailloux,
Au rythme coutumier des ondes.
La barque était encore au port,
Et nous ignorions de la vie.
La route amère qu'ont suivie,
Ceux qui sont partis pour la mort...
Oh ! la douceur des heures blondes
Partir !
Dans ma cabine, à bord, un soir silencieux...
Je rêve de partir pour un lointain voyage.
Par un matin d'automne, alerte et radieux,
Le vaisseau lève l'ancre et nous quittons la plage.
D'étranges oiseaux blancs surgissent dans les cieux.
Un flot d'argent ruisselle aux franges du sillage ;
La fraîcheur du ciel clair a réjoui nos yeux
Et le drapeau s'agite au faîte du cordage.
Tout à coup, voici que s'illustre l'horizon
De clochers solennels et de fraîches maisons
Où sourit, en rêvant, la Princesse Lointaine !
L'espérance nous berce au rythme des flots verts.
Et je songe, anxieux, qu'à l'aurore prochaine,
L'Amour m'accueillera dans ses bras grands ouverts.