Alta Hensley

Ce n’était qu’une question de temps avant que ses frasques se muent en procès pour agression sexuelle capable de nous coûter plusieurs millions de dollars.

Déguster de l’alcool de luxe, fumer des cigares étrangers et conclure des accords de plusieurs millions de dollars sur notre propre terrain de jeu. Nous pouvions tout acquérir… et c’était devenu un problème. Une putain d’épine dans le pied capable de nous faire salement courber l’échine lors de nombreux contentieux et autres règlements de compte judiciaires.

Nous pouvions exaucer tous nos désirs.
Nous avions les moyens de racheter une table semblable avec une telle aisance que notre matérialisme devenait clair aux yeux des autres.
Nous étions de vrais nantis, des salopards pleins d’insouciance. Chacun d’entre nous.

Oui, je détestais mon père, soupira-t-il. C’était un salaud d’égoïste qui ne pensait qu’à sa gueule et à son prestige. Rien de ce que ma sœur et moi faisions n’était assez bien pour lui. Il ne nous a jamais frappé ou autre, mais j’aurais préféré des baffes à la raclée verbale qu’il nous assénait les rares jours où il nous faisait l’honneur de sa présence à la maison. Je suis revenu pour offrir un soutien à ma sœur, et pour être tout à fait honnête, je suppose que je suis revenu aussi pour ma mère, de façon un peu malsaine. (Il a secoué la tête.) Ma mère ne valait pas mieux que mon père. Elle s’occupait plus de ses galas et œuvres de charité que de ses propres enfants. Mes deux parents étaient égocentriques et ils n’ont pas fait grand-chose pour nous élever. Tu peux remercier le flot continu de nourrices pour ma charmante personnalité, dit-il avec un petit sourire. Mais ma sœur était différente. Jasmine a un cœur pur, son amour pour moi est le seul véritable amour que j’ai ressenti en grandissant, et même encore maintenant. Elle est comme moi. Elle n’a pas demandé à naître dans cette cage dorée cauchemardesque.

C’est drôle comme on se ressemble même si on est très différents. J’ai eu un père toute ma vie. Il ne nous a pas abandonnés, du moins pas comme l’a fait ton père. Mais il travaillait tout le temps, et quand il ne bossait pas, il était aux Oléandres. L’Ordre du fantôme d’agent comptait plus pour lui que ma mère, ma sœur Jasmine et moi.

Sully ne m’a pas dit « chut » ni priée d’arrêter de pleurer. Au contraire, il m’a demandé de tout lui raconter. Il se trouve qu’il savait écouter quand il le voulait. Alors je lui ai dit comment j’étais devenue une petite maman après la mort de ma mère et la fuite de mon père. Comment c’était si difficile parfois que j’avais rêvé de m’enfuir dans les pires moments. Mais Reba était la meilleure d’entre nous, et celle qui méritait le moins l’existence de merde que la vie lui avait réservée.

Je te connais. Je connais l’homme que tu es et les démons que tu combats. Mais en ce moment, cette gentille petite a besoin de ta force et de ton soutien. Il est temps que tu ouvres les yeux et que tu regardes au-delà du voile d’obscurité dont tu as recouvert toute chose et toute personne. Fais en sorte que le nom des Van Doren soit respecté. Je sais que tu peux.

Tu peux détester tes racines, mais ne lui impose pas ta haine. Elle en sera peut-être fière. Elle veut peut-être les voir grandir et s’épanouir plutôt que de pourrir dans la boue comme toi.

Certes, elle ressemblait aux belles du Sud typiques, les coureuses de dot au milieu desquelles j’avais grandi, mais mon instinct me disait qu’elle était différente. Elle avait prouvé qu’elle l’était… non ?
Alors pourquoi l’argent était-il si important pour elle ? Mais si elle voulait seulement de l’argent, elle aurait accepté un chèque de ma part quand je lui ai offert. Elle était déterminée à ne pas laisser ces hommes gagner. Pourquoi ? Qu’est-ce qui la retenait ici ? Cette fille était une énigme pour moi.

Maudits soient mon père et les gènes qu’il m’a transmis, car je n’étais pas compatible pour donner à ma petite sœur ce foutu rein dont elle avait tellement besoin. Tanya non plus – possiblement la benjamine, LeAnn, l’était, mais nous n’avons pas fait le test, elle était trop jeune et n’avait pas besoin de savoir pour la maladie de sa sœur.
L’État de Géorgie était le parent pauvre du pays pour obtenir une greffe de rein. Foutue loi de Murphy. Et il fallait que nous vivions ici.
Mais les jours étaient comptés pour Reba.
Alors, quand j’ai reçu une invitation loufoque d’un type loufoque en queue-de-pie et que j’ai réalisé que tout cela était réel, et que, telle une fée marraine, ils pouvaient exaucer tous mes vœux, même celui de placer ma petite sœur en haut de la liste pour une greffe de rein ?

Si facile de se barrer. Sans penser au bordel qu’ils laissaient derrière eux. La longue souffrance. Papa aimait la bouteille aussi. Ah tout cet oubli trouvé si facilement dans le liquide ambré. Il prenait aussi des liquides plus clairs, de la vodka à la rigueur, mais papa avait le whisky chevillé au corps.
Il avait laissé derrière lui une jeune fille de dix-sept ans, à l’aube de son dix-huitième anniversaire, avec la tâche de veiller à la santé physique et mentale de ses sœurs, et la mienne.

Le règlement dit que tu ne peux pas partir parce que tu es une femme. Nous les hommes, les rois de l’univers, pouvons errer où bon nous semble. Et après ce soir, je vais me bourrer la gueule comme un sagouin, bébé, car il est temps d’oublier. T’oublier toi et oublier ce putain d’endroit de merde.

Le culot de ce mec de m’accuser et d’être cruel envers moi alors que tout ce dont j’avais besoin c’était de l’amour et de la compassion, et une main pleine de douceur pour m’aider à prendre une douche.
Et il était encore là, à exiger des réponses alors qu’il devrait avoir de la compassion, m’accorder le bénéfice du doute, me laisser me reposer jusqu’à demain, merde, parce que je venais carrément d’être ENTERRÉE VIVANTE.

Parce que j’ai beau me creuser la cervelle, je ne trouve pas la moindre foutue raison de rester après ce que tu viens de subir.
C’était vraiment un idiot. Un sacré imbécile. Il ne trouvait pas la moindre raison ? Il ne me connaissait donc pas mieux que ça, bon sang ? Il n’avait aucune idée de qui j’étais ? Quiconque me connaissait vraiment savait que je ne ferais jamais ce sacrifice pour moi. Que c’était forcément pour quelqu’un d’autre, quelqu’un que j’aimais.

Il a détruit l’homme que je pensais être.
Il ne restait plus de cet homme qu’un monstre assoiffé de vengeance. Si je ne partais pas d’ici avec Portia, il allait y avoir un bain de sang.
Il fallait que quelque chose change. Les Oléandres étaient devenus un repaire de vipères, et je refusais d’être un serpent de plus dans ce nid.

C’est ton devoir de sauver ta belle. Et de choisir comment t’y prendre. Tu peux choisir la colère et exiger des réponses que tu n’obtiendras pas. Ou tu peux choisir une méthode bien plus… (il s’est tu un instant et a souri.) Ou tu peux concrètement aider la belle.

J’ai horreur de l’admettre, mais je me sentais plus à l’aise maintenant que je portais un smoking. J’avais l’impression d’avoir un peu plus de pouvoir quand j’ai posé la cheville sur mon genou, d’un air désinvolte, et me suis penché en arrière sur la chaise pour siroter mon verre en attendant la suite des événements.

Nous fantasmions de devenir membre de l’Ordre du fantôme d’argent. Il était certain que nous aurions notre chance à la majorité, mais ce jour semblait toujours trop loin tandis que nous observions ces hommes imposants avec leur cigare, leur richesse et leur pouvoir absolu.
J’avais désespérément voulu être l’un d’eux…
Plus maintenant.
L’Ordre du fantôme d’argent était entaché. Toxique. Totalement souillé.
Et tandis que je marchais à poil dans le couloir, j’étais fier de savoir que je ne m’autoriserais jamais à devenir l’un d’entre eux.
Jamais.

Mes jambes se sont serrées autour de sa taille, puis se sont aventurées plus haut, les genoux pliés haut dans son dos, mes talons contre son cul. Je l’agrippais par toutes les parties adhérentes de mon corps. Plus près. Plus à fond. Mon Dieu, n’importe quoi pour l’enfoncer plus loin en moi.

Il ne souriait pas assez. Il devrait sourire plus souvent. J’ai tendu la main et tracé de l’index le contour de ses lèvres. J’ai remonté d’un côté de la bouche, puis j’ai tourné à la commissure et j’ai glissé sur la pulpe de la lèvre inférieure. Très jolie bouche.