Alvaro Guillot-Munoz

A plusieurs reprises, quand il y avait une exposition, je rencontrais au siège de la Maison de la Pensée, rue de l'Élysée, à Paris, Adolfo Sienra, conseiller-bibliothécaire honoraire de l'Ambassade d'Uruguay. Un après-midi, dans le beau jardin de ce centre culturel, devant Paul Éluard, Aragon, Elsa Triolet, Tristan Tzara et Mme Barjonet, le diplomate uruguayen déclara soudain :
- Savez-vous où j'ai pu voir, il y a belle lurette, une curieuse édition d'époque, très bien reliée, de "La Vie de Monsieur Descartes" par Adrien Baillet ? Eh bien, à Montevideo, chez Prudencio Montagne, qui était le dépositaire des livres rares appartenant au père de Lautréamont. Parmi ces bouquins, il y avait quelques incunables, tels que la "Bible polyglotte" écrite par Arius Montanus.

"La photographie de Lautréamont".
A la fin de 1924, mon frère Gervasio et moi avons reçu un coup de fil du poète Armand Vasseur, qui était notre ami.
- J'ai retrouvé, non sans mal, le portrait du comte de Lautréamont, nous dit-il au téléphone.
Il s'agissait d'un daguerréotype assez délabré où l'on distinguait très mal le profil d'un jeune homme glabre et pensif, aux traits probablement anguleux et volontaires. Le portrait avait été oublié pendant de longues années dans un grenier humide. Dans la famille Vasseur, on pensait que l'épreuve photographique pouvait représenter Isidore Ducasse, mais Armand Vasseur avait l'habitude de répéter : " La conviction était téméraire, je préfère la soumettre à une quarantaine prudente... " Sur notre initiative, le peintre et graveur Adolfo Pastor exécuta une belle xylographie, qui figure dans notre livre, " Lautréamont et Laforgue ". Il existe bien d'autres portraits de Lautréamont tout aussi fantaisistes.