Au moment où M. Bergeret prononçait ces paroles, un grand tumulte éclata sur la place. C’était une bande de petits garçons qui passaient en criant : « À bas Zola ! mort aux juifs ! » Ils allaient casser des carreaux chez le bottier Meyer qu’on croyait israélite, et les bourgeois de la ville les regardaient avec bienveillance.
– Ces braves petits gosses ! s’écria M. de Terremondre, quand les manifestants furent passés.
M. Bergeret, le nez dans un gros livre, prononça lentement ces mots :
« La liberté n’avait pour elle qu’une infime minorité de gens instruits. Le clergé presque tout entier, les généraux, la plèbe ignare et fanatique voulaient un maître. »
– Qu’est-ce que vous dites ? demanda M. Mazure, agité.
– Rien, répondit M. Bergeret. Je lis un chapitre de l’histoire d’Espagne. Le tableau des mœurs publiques lors de la restauration de Ferdinand VII.
Cependant le bottier Meyer fut à demi assommé. Il ne s’en plaignit point, de peur de l’être tout à fait, et parce que la justice du peuple, associée à celle de l’armée, lui inspirait une muette admiration