Citations de Anatole France (850)
Ne prêtez pas vos livres : personne ne les rend jamais. Les seuls livres que j'ai dans ma bibliothèque sont les livres qu'on m'a prêtés.
La vie d'un homme serait intolérable, s'il savait ce qui doit lui arriver. Il découvrirait des maux futurs, dont il souffrirait par avance, et il ne jouirait plus des biens présents, dont il verrait la fin. L'ignorance est la condition nécessaire du bonheur des hommes, et il faut reconnaître que, le plus souvent, ils la remplissent bien. Nous ignorons de nous presque tout ; d'autrui, tout. L'ignorance fait notre tranquillité ; le mensonge, notre félicité.
La nature nous enseigne à nous entre-dévorer et elle nous donne l'exemple de tous les crimes et de tous les vices que l'état social corrige ou dissimule. On doit aimer la vertu ; mais il est bon de savoir que c'est un simple expédient imaginé par les hommes pour vivre commodément ensemble. Ce que nous appelons la morale est une entreprise désespérée de nos semblables contre l'ordre universel, qui est la lutte, le carnage et l'aveugle jeu de forces contraires. Elle se détruit elle-même et plus j'y pense, plus je me persuade que l'univers est enragé.
A mesure qu'on avance dans la vie, on s'aperçoit que le courage le plus rare est celui de penser.
Si le chemin est beau, ne nous demandons pas où il mène.
(" La vie littéraire", tome 1)
« On croit mourir pour la patrie
on meurt pour des industriels »
" Un dictionnaire, c'est l'univers par ordre alphabétique. "
Plus je songe à la vie humaine, plus je crois qu'il faut lui donner pour témoins et pour juges l'Ironie et la Pitié. L'Ironie et la Pitié sont deux bonnes conseillères; l'une, en souriant, nous rend la vie aimable, l'autre, qui pleure, nous la rend sacrée. L'Ironie que j'invoque n'est point cruelle. Elle ne raille ni l'amour ni la beauté. Elle est douce et bienveillante. Son rire calme la colère, et c'est elle qui nous enseigne à nous moquer des méchants et des sots que nous pourrions, sans elle, avoir la faiblesse de haïr.
Qu’est-ce qu’un livre ? Une suite de petits signes. Rien de plus. C’est au lecteur à tirer lui-même les formes, les couleurs et les sentiments auxquels ces signes correspondent.
J'ai toujours préféré la folie des passions à la sagesse de l'indifférence .
LA RENTRÉE
Je vais vous dire ce que me rappellent tous les ans, le ciel agité de l’automne et les feuilles qui jaunissent dans les arbres qui frissonnent.
Je vais vous dire ce que je vois quand je traverse le Luxembourg dans les premiers jours d’octobre, alors qu’il est un peu triste et plus beau que jamais ;
car c’est le temps où les feuilles tombent une à une sur les blanches épaules des statues.
Ce que je vois alors dans ce jardin, c’est un petit bonhomme qui, les mains dans les poches et son sac sur le dos, s’en va à l'école en sautillant comme un moineau.
Ma pensée seule le voit ; car ce petit bonhomme est une ombre :
c’est l’ombre du moi que j’étais, il y a vingt-cinq ans....
Il y a vingt-cinq ans, à pareille époque, il traversait, avant huit heures,
ce beau jardin pour aller en classe.
Il avait le cœur un peu serré : c’était la rentrée.
La langue française est une femme.
Et cette femme est si belle, si fière, si modeste, si hardie, si touchante, si voluptueuse, si chaste, si noble, si familière, si folle, si sage, qu'on l'aime de toute son âme, et qu'on n'est jamais tenté de lui être infidèle.
« Vous ne pouvez concevoir, chère amie, l’empire que garde le clergé sur la multitude des ânes… Je voulais dire « des âmes »
Il est dans la nature humaine de penser sagement et d'agir d'une façon absurde.
Pour digérer le savoir, il faut l’avoir avalé avec appétit.
La langue française est une femme. Et cette femme est si belle, si fière, si modeste, si hardie, touchante, voluptueuse, chaste, noble, familière, folle, sage, qu'on l'aime de toute son âme, et qu'on n'est jamais tenté de lui être infidèle.
La vie serait vraiment trop triste si le rose essaim des pensées polissonnes ne venait parfois consoler la vieillesse des honnêtes gens.
(L'Anneau d'améthyste, 1899, p.244)
Tout l'art d'enseigner se résume à éveiller la curiosité naturelle des jeunes esprits pour la satisfaire ensuite.
La bible, mon fils, et principâlement les livres de Moïse, contiennent de grandes et utiles vérités.
Cette opinion paraît absurde et déraisonnable, par suite du traitement que les théologiens ont infligé à ce qu'ils appellent l'Ecriture et dont ils ont fait par leurs commentaires, explications et méditations, un manuel d'erreur, une bibliothèque d'absurdités, un magasin de niaiseries, un cabinet de mensonges, une galerie de sottises, un lycée d'ignorance, un musée d'inepties et le garde-meuble enfin de la bêtise et de la méchanceté humaine.
Sachez, mon fils, que ce fut à l'origine un temple rempli d'une lumière céleste ...
On n'est heureux par les livres que si l'on aime à les caresser.
(Extrait de "La vie littéraire", 1888-1892)