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Critiques de Anatole Kouznetsov (10)
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Babi Yar

Dix-neuf lecteurs et deux critiques seulement sur Babelio...

Je ne comprends pas et j’en suis indigné !



Ce livre mérite mieux que cela, vous devez le lire ! C’est un véritable plaidoyer que je voudrais faire !



Babi Yar est un grand ravin à la périphérie de Kiev en Ukraine. Il fut le théâtre du plus important holocauste par balles de l’histoire. Entre le 29 et la 30 septembre 1941, 33.771 juifs y furent fusillés et enterrés. Par la suite et jusqu’à l’abandon de la ville par les Nazis, y furent fusillés également des Roms, des partisans soviétiques, des nationalistes ukrainiens.



Anatoli Kouznetsov vivait à Kiev lors de son occupation par les nazis en 1941. Il avait douze ans. Devant la découverte de ce qui se passait, à quatorze ans, il prit la décision de noter ses observations sur papier.



En 1966 , alors pourtant que le Stalinisme était dénoncé , il présenta son livre à un éditeur en Russie. Le roman sortit mais avec de très nombreuses coupures (un quart du livre) ce qu’il finit par accepter, valant mieux être publié que pas du tout.

Ce fut un grand succès.

Après avoir quitté son pays pour la Grande Bretagne, avec son manuscrit original dissimulé sous forme de microfilms, il y fit paraître la version originale.



La version actuelle comprend trois strates : la version publiée en URSS en caractères habituels, les parties expurgées par la censure en caractères italiques , et les ajouts faits depuis par l’auteur signalés par des crochets.



C’est pour moi, l’un des intérêts de ce livre, il nous permet de saisir tant la large censure opérée par les instances soviétiques alors pourtant que les crimes de Staline étaient mis au grand jour, que de comprendre ce que le régime ne pouvait accepter : citons, mais la liste est loin d’être exhaustive :

- l’accueil favorable et la collaboration de nombreux Ukrainiens avec les Allemands tant ils avaient souffert sous le bolchevisme,

- la grande famine des paysans dans les années trente,

- toute référence aux juifs ou à d’autres minorités (en vertu de la fiction de la grande amitié entres les peuples de l’Union Soviétiques),

- l’attentat orchestré par le NKVD à la rue Krechtchatik,

- Le parallélisme opère par l’auteur entre les atrocités d’Hitler et de Staline

- les tentatives du régime soviétique après la guerre de rayer Babi Yar de l’histoire,

- etc, etc...



Le livre, et l’auteur le souligne à plusieurs reprises, s’adressant directement au lecteur, raconte des faits réels, basés d’abord sur les carnets où il consignait ce qu’il avait observé, mais aussi sur de nombreux témoignages qui lui ont été rapportés, et sur des documents de première main. Je retiens particulièrement le récit de Dina Mironovna Pronitcheva, actrice du théâtre de marionnettes de Kiev, qui échappa miraculeusement à la mort en feignant celle-ci, entourée de cadavres.



Rappelons aussi qu’il s’agit des observations d’un jeune garçon, son âge lui a permis de ne pas attirer l’attention sur lui et donc de voir.



On est loin d’un récit de batailles ou de faits d’armes, ici on suit la vie d’Anatoli Kouznetsov durant l’occupation allemande, la description de sa famille, de son chat, son instinct de survie et les moyens utilisés pour manger à sa faim (vente de papier à cigarettes, aide apportée à un individu qui fait du saucisson avec des chevaux, vols,...).



L’auteur, je l’ai déjà souligné, s’adresse de temps en temps directement au lecteur d’abord pour lui préciser qu’il ne s’agit pas d’une fiction, mais également pour lui faire part de l’horreur de la guerre, de l’horreur de tout régime autoritaire et le conjurer d’être attentif !



C’est un document capital !





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Babi Yar

La vie auprès du Ravin des Veuves - Baby Yar -



Baby Yar, l'auteur le connaît parfaitement. C'est son terrain de jeu. Il a 12 ans lorsque les Allemands envahissent l'Union Soviétique.



Ils vont transformer son terrain de jeu en un lieu de massacre. En quatre jours, les nazis vont éliminer 70 000 juifs de Kiev et pendant presque deux ans, les tueries vont se perpétuer, que ce soient les communistes, les résistants, les partisans ou bien simplement des personnes raflées sans raison particulière. Les habitants de Kiev vont vivre avec le claquement sec des mitrailleuses au quotidien comme une menace qui participe à entretenir la terreur.



Anatole Kouznetsov nous raconte, évidemment, cette monstruosité que fut Baby Yar mais son livre nous fait surtout le récit, au jour le jour, d'une survie sous l'occupation allemande.



La vie quotidienne était déjà très dure sous le régime communiste mais elle va devenir un enfer. Très vite, les habitants vont vivre dans la peur, celle d'être raflés, pillés car les Allemands volent absolument tout ce qu'ils peuvent et pour cela n'hésitent pas à vous menacer de vous déporter en Allemagne pour travailler, voire pire et tout cela sous le "tac tac tac" quotidien, ce bruit qui vient du ravin.



Mais le pire pour l'auteur, sa famille ainsi que pour tous les habitants, c'est la faim. Il n'y a plus rien à manger et chaque jour est une lutte pour survivre. Les Allemands prennent tout et affament la population. Alors, ce gamin et ses copains vont s'improviser voleurs, chapardeurs et surtout revendeurs de tout ce qu'ils ont pu trouver. Ils vont passer leurs journées dans le froid sur le seul endroit où ils peuvent commercer, un marché, où les paysans des alentours viennent vendre à prix d'or leurs produits. Ce marché, lieu de rafles régulières de la part des occupants, d'où ils rentrent avec quelques morceaux de pain et parfois avec quelques pommes de terre. Quelle fête, ce jour-là, à la maison. Quel bonheur, également, quand la municipalité servira, tous les jours à midi, une soupe à tous les enfants de moins de 12 ans. Ce sera souvent leur seul repas.



C'est cette vie faite de privations, de beaucoup de malheurs mais aussi de quelques instants de joie que nous raconte Anatole Kouznetsov comme lorsque la ville est enfin libérée. Pas de grands faits d’armes, pas de héros, de résistants illustres juste une vision de la guerre et de l’occupation de la part d'un gamin de douze ans qui permit bien souvent à sa famille de survivre, se découvrira des ressources qu'il ne soupçonnait pas, comme tant d'autres de ses compatriotes, une période qui le marqua à jamais et dont il voulut attester pour l’Histoire.





C'est un témoignage fascinant sur cette oppression de tous les jours accentuée par la présence de ce ravin de la mort. Ce ravin, même si les Allemands ont essayé de faire disparaître toute trace de leur extermination, sera finalement comblé par les Russes eux-mêmes sans même un monument commémoratif pour cause d'antisémitisme stalinien.



Est-il besoin de préciser que ce livre fut censuré, au point d'être totalement dénaturé, à sa parution en Union Soviétique mais comme aime à le rappeler l’auteur, il y a longtemps que les Russes ont appris à lire entre les lignes...
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Babi Yar

Ce livre n est pas seulement un témoignage sur les atrocités commises par les nazis sur les juifs au lieu tristement célèbre de Babi Yar.

C est aussi un témoignage d enfant en devenir d d'adolescent sur la guerre,la haine,les fascismes du 20e siècle, la famine et la censure soviétique.

Heureusement pour nous,l auteur a eu le courage de ses opinions et a trouvé le moyen de nous les faire parvenir.

Tres bon témoignage
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Babi Yar

Si Anatoli Kouznetsov a donné le nom de ce ravin situé aux environs de Kiev à son livre, il n'aborde pas seulement la tuerie qui y sévit à partir de septembre 1941 et au cours de laquelle plusieurs dizaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants furent fusillés. Non, il aborde en réalité son enfance et son adolescence d'abord dans la Russie bolchévique qui ouvrait pour le bonheur universel, à grands coups de collectivisations forcées, de déportations massives et d'exécutions, puis à l'occupation allemande. Il parle aussi de la débandade de l'Armée Rouge et l'arrivée des allemands, les rationnements etc...

On y lit la misère et la souffrance de ce peuple, ballottés entre différents fanatismes politiques voire mystiques, quasi religieux, permettant ainsi tous les excès. Anatoli Kouznetsov ne cesse de mettre nazisme et communisme dos à dos, criant dans ses lignes une haine moins de l'Humanité que de l'individu endoctriné par de telles idéologies, ne poussant qu'au fanatisme et donc au pire.

Le texte est fatalement sordide à de nombreux passages, mais comme tout témoignage, déborde de détails qui donnent toute sa valeur à cet ouvrage.

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Babi Yar





Un documentaire Babi Yar Context (2021) sort actuellement en salle, très discrètement





L’actualité et la guerre en Ukraine, m’ont incité à télécharger et lire Babi Yar de Kouznetsov (1966) .



576 pages d’un texte un peu étrange parce qu’il a été tellement censuré que l’auteur a dû reconstituer le texte original en marquant avec la typographie (italique ou entre-crochets) les paragraphes entiers qui avaient disparu à sa sortie en URSS, censure parfois compréhensible, parfois arbitraire. Cette reconstitution est, en elle-même, un témoignage édifiant.



Roman d’un enfant qui a 12 ans quand les Allemands occupent Kiev en septembre 1941 et qui s’achève en novembre 1943 quand l’Armée Rouge reprend la ville. Babi Yar était un des terrains de jeux des enfants qui vivaient dans les environs. Le récit du massacre n’est pas celui de l’enfant mais celui de témoins qui, par miracle, échappèrent. Plus de 33.000 juifs furent fusillés en quelques jours. Baby Yar servit aussi dans l’élimination des Tziganes et de tous ceux que les Nazis considéraient comme des opposants. Une simple plaisanterie pouvait conduire n’importe qui à Babi Yar et les riverains du site n’ignoraient pas ce qui s’y passait.





Anatoli Koutznetsov, vivait avec sa mère et ses grands parents. Le grand père et la grand mère étaient des ukrainiens très simples. le Grand père était tout à fait hostile au système soviétique, au début de l’occupation nazie, il était même plutôt favorable aux Allemands dont il admirait la rigueur et l’efficacité. La Grand Mère, très pieuse, était une femme simple et généreuse. Les parents d’Anatoli étaient des gens éduqués, la mère institutrice, le père Russe était un bolchevik. Parmi les camarades d’Anatoly, il y avait aussi bien un petit juif, qu’une finnoise. ils avaient été élevés en dehors de toute religion ou préjugé racial ou de nationalité.





Privé d’école, dans une misère intégrale, les enfants se débrouillent pour survivre et ne pas mourir de faim, glanant des pommes de terre dans les jardins, vendant un peu n’importe quoi, du papier à cigarette, des allumettes, récupérant des mégots et même des feuilles pour les fumeurs. Plus tard, quand il a atteint 14 ans, pour éviter la déportation et le travail forcé en Allemagne, Anatoli a fait de nombreux petits métiers, aidant des paysans à la campagne, jardinier, aide-charcutier….L’enfant a survécu par ses astuces, de bonnes jambes pour échapper aux poursuites et aux rafles par des courses haletantes, et beaucoup de chance. Tout ce qui concerne le quotidien de la famille et des voisins est très vivant et passionnant à lire.



Le roman est interrompu par des chapitres formés par les décrets allemands placardés à Kiev, interdits, propagande, appel au travail en Allemagne. Plusieurs chapitres sont aussi intitulés les livres au feu, deux Les cannibales





on a beaucoup brûlé de livres à Kiev, on a découpé des photos, des livres de classes, on a arraché des pages des manuels scolaires, caviardé des textes…



Quant au cannibalisme, il n’a pas commencé avec l’invasion allemande, mais beaucoup plus tôt avec la famine qui a sévi dans les années 30.



Si quelques uns des Ukrainiens, par opposition au stalinisme, ont accueilli favorablement les armées nazies, le pillage, la terreur, les massacres ont vite fait de leur faire changer d’avis comme le grand père du narrateur et qui devient antifasciste après le premier tiers du récit.



Koutznetsov montre la vie des hommes et des enfants, il n’oublie pas les animaux : le Chat Titus qui sait rentrer chez lui de très loin, les chevaux et même les poissons quand notre héros n’arrive pas à tuer la perche qu’il a pêchée…



Le livre ne se termine pas avec la fin de la guerre, l’auteur revient à Kiev et raconte comment on a essayé de supprimer Babi Yar, de l’oublier, de le rayer de l’histoire : on eut même l’idée de noyer le site sous un lac dont les sédiments, par décantation auraient noyé le site. On construisit un barrage dont la digue céda et fit des vicitimes. On fit passer une route à grande circulation










Lien : https://netsdevoyages.car.bl..
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Babi Yar

Roman-document : tel est le sous-titre du livre. C'est en tant que témoin de la seconde guerre mondiale à Kiev qu'Anatoli Kuznetsov prend la plume. Pour décrire la seconde guerre mondiale telle qu'elle fut vécue par les habitants d'Ukraine.



L'histoire du manuscrit nous est contée dans la préface : écrivain de l'Union soviétique, Kuznetsov voulut témoigner sur l'une des pages les plus sombres de l'histoire soviétique : non seulement les horreurs de Babi Yar, mais aussi tout le quotidien de la vie ukrainienne sous l'occupation. Ecrire sur une page que le pouvoir soviétique a voulu rayer de l'histoire, ça n'est pas évident dans un pays qui pratique la censure. La première édition fut donc considérablement épurée et remaniée. Ce n'est qu'après son exil en Angleterre que Kuznetsov put enfin publier son roman, tel qu'il l'avait voulu. Qui connut un relatif succès, et dont on ressent les échos aujourd'hui encore à la lecture des Bienveillantes.



Anatoli a douze ans lors de l'invasion de Kiev par les Allemands ; lui et sa famille vivent dans le quartier qui jouxte Babi Yar, et ils peuvent entendre et s'imaginer ce qui se déroule dans le ravin voisin, que l'écrivain retranscrit par l'intermédiaire de témoignages de survivants. Déboussolé par l'arrivée d'un nouveau régime politique, il s'interroge sur sa propre identité, fils d'un communiste, celle de son ami mi-juif, mi-ukrainien.

L'auteur ne se voile pas la face : sur l'accueil des Allemands, avec la description de son grand-père, personnage somme toute antipathique, qui attend les Allemands comme les sauveurs, qui lèveront le joug soviétique ; sur l'antisémitisme régnant alors ; sur les moyens de survivre dans une ville de plus en plus enfermée dans un carcan de règles que les habitants ne peuvent plus comprendre ; sur les moyens d'échapper à la déportation, pour un travail forcé en Allemagne, pour être un sympathisant soviétique, ou pour toute autre raison, qui paraît de plus en plus dérisoire.



Et toujours, en fond, les massacres, que l'on voit à travers les yeux de l'enfant. Ce ne sont pas eux qui occupent ses pensées premières, il ne les voit pas, ne les décrit pas ou si peu, pourtant ils sont omniprésents. La chronique familiale de ces quelques années, qu'il dresse sans concession, est non seulement passionnante, mais sans cesse émouvante. La mort de la sage et aimante grand-mère, qui s'épuise à vouloir faire les gâteaux traditionnels de Pâques, est l'un des grands moments du livre. Tout comme la survie de la mère et du fils dans une Kiev devenue champ de combat, où ils accueillent tour à tour des Allemands jetant leurs dernières forces dans la bataille, puis des Soviétiques victorieux.



Un grand livre. Que l'on ne peut oublier une fois refermé.
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Babi Yar

Un des livres les plus passionnant et émouvant sur la guerre et la Shoah en URSS. Avec les yeux d'un gamin. Revenant de Kiev, je revois les lieux...
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Babi Yar

Un livre de témoignages d’une très grande force.

Témoignages avec un S.

Attention le livre est dur et mon avis va évoquer quelques passages d’une horreur absolue.



# Anatoli 12 ans



Tout d’abord, le témoignage d’Anatoli 12 ans, habitant un faubourg de Kiev près du ravin de Babi Yar.

Il est témoin du massacre de dizaine de milliers de personnes.

D’abord les juifs, puis les tziganes, ensuite les résistants et finalement tous ceux qui étaient au mauvais endroit au mauvais moment.

Le mauvais endroit est vaste : c’est Kiev. Le mauvais moment, c’est l’occupation allemande durant la seconde guerre mondiale.



> Un dicton était devenu populaire : « Les Juifs sont kaputt, les Tziganes idem, et vous, les Ukrainiens, votre tour viendra de même. »



Il témoigne des sentiments mitigés de la population vivant dans la misère et la peur des bolchéviks. Le livre commence avant l’invasion allemande. Il dit plusieurs fois prendre des notes. Il a déjà la volonté de raconter plus tard.

Anatoli témoigne de la vie de sa famille sous le régime des soviets : les restrictions, la propagande, les purges, la peur.

Il évoque aussi brièvement l’Holodomor.



# La Shoah à l’Est



Anatoli témoigne des juifs massacrés lors de la « Shoah par balle ».

On gaze dans des camions, mais en grande majorité, on fauche des familles entières à la mitrailleuse avant de les enterrer parfois encore vivant dans le vallon.

Anatole ajoutera plus tard le témoignage de gens ayant échappé à ce qu’il qualifie de grande broyeuse d’humains.



Passé l’incrédulité des premiers jours



> Elle ne pouvait pas encore admettre l’idée qu’on fusillait les Juifs. Une telle masse de gens ! Ce n’était pas possible. Et puis, pour quoi faire ?



Il est absolument clair pour l’auteur que les gens savaient



> Ne savait pas uniquement celui qui ne voulait pas savoir.



# L’occupation allemande



La propagande soviétique à la suite du pacte germano-soviétique avait dépeint avec bien trop de bienveillance Hitler et le nazisme.

Ce qui a provoqué une fatale illusion :



> Les vieilles gens disaient : « Il y a toutes sortes d’Allemands, mais dans l’ensemble, ce sont des gens convenables et cultivés. Ce n’est pas la Russie barbare, c’est l’Europe, c’est la civilisation occidentale. »



Illusion qui dure quelques jours. Mais ensuite l’extermination des Juifs commence, puis on confisque presque toute la nourriture… S’ensuit une inexorable descente aux enfers où l’arbitraire, la famine, la mort font partie du quotidien de tout habitant de Kiev.

Une grande partie périra.

Anatoli tente par tous les moyens de survivre : la faim est abominable. Le danger est omniprésent.



Il est juste trop jeune pour faire partie des rafles des Ukrainiens envoyés en Allemagne pour travailler comme des forçats.

Il est d’ailleurs conscient de sa chance. Il note à quel point la séparation entre la survie et la mort est mince.



Et avant de quitter Kiev, les nazis essayent de faire disparaitre Baby Yar. Ils ne seront pas les seuls.



# Le témoignage d’Anatoli l’écrivain soviétique



Après la guerre et bien après la mort de Staline, Anatoli tentera de publier son récit.

Mais ce livre est absolument impubliable pour le régime soviétique.



> J’ai apporté en 1965 le manuscrit initial de ce livre à la rédaction de la revue Iounost à Moscou. On me l’a aussitôt rendu avec, disons, un empressement épouvanté, en me conseillant de ne le montrer à personne tant que je n’en aurais pas extrait tout le contenu « antisoviétique », qu’on m’avait signalé par des annotations.



Car comme Vassili Grossman dans son chef-d’œuvre « Vie et Destin », Anatoli établi un parallèle insupportable (pour le régime) entre le paradis des prolétaires et le régime nazi.



> Ils croyaient mourir pour le bonheur universel, et les Allemands les fauchaient avec leurs mitraillettes au nom de ce même bonheur universel



Et il n’hésite pas à témoigner de l’anti-sémitisme florissant après-guerre



> Plus d’une fois, j’ai entendu des communistes de Kiev s’exprimer en ces termes :

> — Babi Yar ? Quel Babi Yar ? L’endroit où on a fusillé quelques Juifs ? Et en quel honneur devrions-nous élever des monuments à des sales Juifs ?



Les nazis ont essayé de faire disparaitre Babi Yar et avec un très grand zèle le régime soviétique a poursuivi cette tâche.



# Des rencontres marquantes



Des enfants

Des voisins

Des membres de sa famille Des lâches

Des ignobles

Des paumés



L’auteur sait décrire avec précision avec justesse et sobriété ceux dont il croise le chemin.



# Un livre témoignage de la censure



Cette édition récente utilise la typographie pour montrer trois sortes de textes



- le texte qui est resté après la censure

- le texte censuré en italique

- le texte ajouté par la suite par l’auteur ayant fui l’union soviétique entre crochets



Cela ne nuit pas à la lecture. Cela éclaire la nature du régime soviétique.



Le livre est en lui-même un témoignage de l’arbitraire, du pouvoir qui a peur de la vérité.

Même si Anatoli Kouznetsov n’a pas l’amplitude d’un Vassili Grossman, les passages ajoutés après l’écriture de son premier manuscrit « soviétique » sont l’occasion d’analyser son époque, la barbarie, la culture.



# Un message venu du XXᵉ siècle :



> Si, au XXᵉ siècle de notre ère, SONT POSSIBLES des épidémies d’ignorance et de cruauté à l’échelle mondiale, si le véritable esclavage, le génocide, la terreur généralisée SONT POSSIBLES, si le monde consacre davantage d’efforts à la production de moyens de destruction massive plutôt qu’à l’instruction et à la santé publique, alors, effectivement, de quel progrès parlons-nous ?



qui nous interpelle au XXIᵉ siècle :



> Il n’existe ici-bas ni bonté, ni paix, ni bon sens. Ce sont de méchants imbéciles qui gouvernent le monde. Et les livres brûlent toujours. La Bibliothèque alexandrine a brûlé, les bûchers de l’Inquisition ont brûlé, on a brûlé le livre de Radichtchev, on a brûlé des livres sous Staline, il y a eu des autodafés de livres sur les places publiques chez Hitler, et cela continuera toujours : il y a davantage d’incendiaires que d’écrivains. Toi, Tolia, qui es encore jeune, rappelle-toi que c’est le premier signe : quand on interdit les livres, c’est que ça va mal. Cela veut dire qu’autour de nous règnent la violence, la peur, l’ignorance. Le pouvoir des sauvages.



Un avertissement intemporel :



> Comprendrons-nous un jour qu’il n’y a rien de plus précieux au monde que la vie de l’homme et sa liberté ? Ou bien la barbarie reviendra-t‑elle ?



# Attention



Il me faudrait tant dire dans cet avis.

Évoquer l’équilibre du livre entre le récit d’un enfant de 12 ans et le cadre de l’écrivain adulte qui a pris du recul sur les évènements.

Ce n’est pas qu’un témoignage…



Je vais donner un conseil et un avertissement.



1. Le contenu



Comme pour « Les cercueils de zinc », il faut espacer les moments de lecture.

Reposez le livre après un chapitre.

Reprenez la lecture après un moment.



2. L’édition



Si vous avez entre les mains une ancienne édition sans les chapitres « Aux lecteurs », courte, avec des passages incohérents, alors vous lisez la traduction française tirée de l’édition censurée soviétique éditée par le PCF.

Ne lisez pas cette édition !
Lien : https://post-tenebras-lire.n..
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Babi Yar

Suite à une coïncidence sinistre, la poignante symphonie « Babi Yar » de Dimitri Shostakovitch (musicien russe du 20e siècle) a été donnée à Bruxelles le deuxième jour de l’invasion russe en Ukraine. C’était l’occasion de plonger dans le roman-récit du même nom, d’Anatoli Kouznetsov. Babi Yar est le nom d’un ravin des faubourgs de Kiev, où le régime nazi, dès le début de leur occupation de l’Ukraine en septembre 1941, a exécuté près de 34000 Juifs en 36 heures, et plus de 100000 femmes et hommes durant son règne de terreur. Anatoli Kouznetsov vit cette période du haut de ses 12 ans, entend les réactions de sa famille, de ses amis et des habitants de Kiev, saisit l’ambiance terrifiante de mort quotidienne, connaît la faim constante, se débrouille au jour le jour pour survivre. Ni pathos, ni froideur dans ce récit où l’on ressent à la fois la jeunesse de l’auteur-témoin et la réflexion de l’auteur-écrivain (qui écrit ce récit en 1966) ; le style direct et les dialogues sans fioritures de ce récit nous mettent au plus près du quotidien des habitants, et les recherches que Kouznetsov a longuement menées sur ces événements y ajoutent une rigoureuse dimension historique.

Le roman de Kouznetsov n’a été édité en URSS (où il résidait) qu’au prix d’une mutilation complète de son manuscrit due à la censure. Kouznetsov profitera d’un séjour en Grande-Bretagne pour y demander l’asile politique, où il s’établira. Ayant emporté son manuscrit, il le republiera en Occident dans sa version intégrale. Cette version est passionnante aussi à un autre degré, car l’auteur a choisi d’y montrer (par un choix typographique) ce que la censure soviétique avait rejeté de son manuscrit – l’ayant parfois rendu incompréhensible, en retirant les moindres allusions aux faiblesses de l’armée soviétique et aux profiteurs hypocrites du système et des événements, par exemple.

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Babi Yar

La réédition de ce témoignage, en version intégrale non censurée, dans une traduction française corrigée et complétée, constitue […] un véritable événement tant pour la littérature que pour l’histoire.
Lien : http://www.laviedesidees.fr/..
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