« Lire un livre qui nous plaît, c'est formidable, mais rencontrer l'auteur ou l'autrice, c'est une double chance ! »
Ce mois-ci Bienvenue au club s'est rendu à Manosque, au club de lecture de la médiathèque d'Herbès, en lien avec le festival des Correspondances de Manosque. Un club un peu particulier puisqu'il accueille un auteur en résidence. Cette fois, c'est Salomé Kiner qui s'est prêtée à l'exercice en soumettant une liste de lecture aux membres.
Ce mois-ci les membres nous parlent de:
Je suis une fille sans histoire - de Alice Zeniter aux éditions L ArcheBeauté fatale - de Mona Chollet aux éditions de la Découverte
Les Vilaines- Camila Sosa Villada aux éditions Métailié
La guerre n'a pas un visage de femme - de Svetlana Alexievitch aux éditions J'ai Lu
Lait Noir d'Elif Shafak aux éditions Phébus
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“Il faut se savoir soutenu pour tenir soi-même”
Avez-vous entendu parler des hibakushi de Hiroshima ? Les survivants de l'explosion Ils ne peuvent se marier qu'entre eux. On n'en parle pas, chez nous. On n'écrit rien à ce sujet Mais nous existons, nous autres, les hibakushi de Tchernobyl
La supplication : tchernobyl, chroniques du monde après l'apocalypse - Svetlana Alexievitch
A présent, le monde n'est plus divisé en ceux qui ont fait de la prison et ceux qui les y ont envoyés, ou en ceux qui ont lus Soljénitsyne et ceux qui ne l'ont pas lu, mais en ceux qui peuvent acheter, et ceux qui ne le peuvent pas.
- On prétend que les animaux n’ont pas de conscience, qu’ils ne pensent pas. Mais ce n’est pas vrai. Un chevreuil blessé… Il a envie qu’on ait pitié de lui, mais tu l’achèves. À la dernière minute, il a un regard tout à fait conscient, presque humain. Il te hait. Ou te supplie : Je veux vivre, moi aussi ! Vivre !
Nous enterrions la forêt. Nous sciions les arbres par tronçons d’un mètre et demi, les entourions de plastique et les balancions dans une énorme fosse.
Après Staline, chez nous, on ne voit plus la mort de la même façon... On se souvient des frères qui tuaient leurs frères... Des exécutions massives de gens qui ne savaient pas pourquoi on les assassinait... C'est resté en nous, ça, c'est toujours présent dans notre vie. Nous avons grandi parmi des bourreaux et des victimes... Pour nous, c'est normal de vivre ensemble. Il n'y a pas de frontière entre l'état de paix et l'état de guerre. Quand on allume la télé, tout le monde parle la langue des truands : les hommes politiques, les hommes d'affaires, et... le président. Graisser la patte, verser des pots-de-vin, des bakchichs... une vie humaine, ça ne vaut pas un pet de lapin. Comme dans les camps...
Tchernobyl… C’est une guerre au-dessus des guerres. L’homme ne trouve son salut nulle part. ni sur la terre, ni dans l’eau, ni dans le ciel.
Flaubert a dit de lui-même qu'il était « un homme-plume ». Moi, je peux dire que je suis « une femme-oreille ». Quand je marche dans la rue et que je surprends des mots, des phrases, des exclamations, je me dis toujours : combien de romans qui disparaissent sans laisser de traces ! Qui disparaissent dans le temps. Dans les ténèbres. Il y a toute une partie de la vie humaine, celle des conversations, que nous n'arrivons pas à conquérir pour la littérature. Nous ne l'avons pas encore appréciée à sa juste valeur, elle ne nous étonne pas, ne nous passionne pas. Moi, elle m'a envoûtée, elle a fait de moi sa prisonnière. J'aime la façon dont parlent les gens ... J'aime les voix humaines solitaires. C'est ce que j'aime le plus, c'est ma passion.
Extrait du discours de réception du prix Nobel de littérature prononcé le 7 décembre 2015 - traduit du russe par Sophie Benech
" Je me demande pourquoi on écrit si peu sur Tchernobyl. Pourquoi nos écrivains continuent-ils à parler de la guerre, des camps et se taisent sur cela ? Est-ce un hasard ? Je crois que, si nous avions vaincu Tchernobyl, il y aurait plus de textes. Ou si nous l'avions compris. Mais nous ne savons pas comment tirer le sens de cette horreur. Nous n'en sommes pas capables. Car il est impossible de l'appliquer à notre expérience ou à notre temps humain...
Alors, vaut-il mieux se souvenir ou oublier ? "
Précédemment, nous avions une patrie, mais maintenant, elle a disparu. Qui suis-je ? Ma mère est ukrainienne, mon père russe, je suis née en Kirghizie, où j’ai grandi, et j’ai épousé un Tatar. Et mes enfants ? Quelle est leur nationalité ? Nous sommes tous mélangés. Notre sang est mélangé. Sur nos papiers d’identité, il est indiqué que nous sommes des Russes. Or, nous ne sommes pas des Russes, mais des Soviétiques ! Seulement, le pays qui m’a vue naître n’existe plus.