Vois-tu, j'ai toujours pensé que, lorsqu'on aime quelqu'un, il faut en être suffisamment détaché pour pouvoir le rendre heureux. Autrement, on le dévore, et on se dévore soi-même. (p.155)
De toute manière la mort était une perspective beaucoup plus agréable que celle de peiner chaque jour dans un atelier ou un bureau, à seule fin de survivre jusqu'au lendemain, où il faudra peiner tout autant. Cette existence-là avait pour moi autant d'attrait que l'enfer; (p.36)
Les riches d'ailleurs se montraient beaucoup plus sensibles que les bourgeois à mon amitié, peut-être parce qu'ils n'ont pas l'habitude d'être aimés. (p.159)
La mort est une porte qui, dès le jour de notre naissance, commence lentement à s'entrouvrir sur un infini auquel nous ne cesserons plus d'aspirer. Parfois, quand nous sommes las des autres et, surtout, de nous-même, le goût secret que nous avons de cet infini l'emporte sur la crainte qu'il nous inspire. Nous trouvons alors que la porte prend trop longtemps à s'ouvrir en grand et nous tâchons de nous faufiler par l'entrebâillement. C'est ce qui fait qu'un jour ou l'autre nous risquons tous notre vie, sans raison apparente, simplement par besoin d'éternité.
Ce billet de banque représentait à mes yeux beaucoup plus que de l'argent. C'était la preuve que la vie est bel et bien un cadeau du ciel. Vouloir la gagner était donc un sacrilège.
Ce sacrilège entraînait d'ailleurs en soi une condamnation automatique: les travaux forcés à perpétuité. ma répugnance au travail était en somme une vertu, une preuve de confiance en cette force mystérieuse qui comblait de biens ceux qui acceptaient humblement la vie comme un cadeau . (...) (p.39)
On ne songe pas assez que, si cet argent est appelé de poche, c'est bien parce que c'est dans les poches qu' on le trouve. Or tous nos amis ont des poches...
La conclusion s'imposait d'elle même. Il est assez difficile, toutefois, de passer de la théorie à la pratique. Les possédants, en effet,, ont un code de dureté, comme les saints de charité. Ils n'aiment guère donner, ce qui est compréhensible, car s'il est une chose qu'un possédant abhorre, c'est bien d'être possédé. (p.93)
Et puis j'avais perdu cette sublime indépendance d'esprit qui permet à un enfant de débiter paisiblement, et à n'importe qui, les plus dures, les plus froides, les plus justes insolences. L'existence est mal organisée qui, dès nos premières années, nous apprend la timidité, laquelle paralyse l'insolence, sœur aînée de la vérité.
L'ombre pâle mais joyeuse d'un sourire joua sur ses lèvres, tandis que deux larmes perlaient au bord de ses paupières, où elles étincelèrent un instant, comme étincelle, au fond de nos mémoires, le souvenir des tendresses enfuies. (dans le texte mais je suppose que ce devrait être enfouies.)
Un corps ne trompe pas. Ce n'est pas comme le visage qui, lui, est toujours plus ou moins déformé par le désir de présenter aux autres une certaine image de soi. L'homme nu, c'est l'homme lui-même. (p.192)
Tante Marthe et toi, vous n'avez qu'à aller cet après-midi dans un grand magasin, aux Galeries, par exemple. Il paraît qu'on y trouve tout ce qu'on veut...(...)
Je venais d'apprendre qu'il existe des endroits où l'on trouve tout ce que l'on veut. Tout à l'heure nous irions dans l'un d'eux. J'y trouverais, évidemment, outre un train, une byciclette et un ours, une dame pour papa.