Citations de André Couteaux (14)
Vois-tu, j'ai toujours pensé que, lorsqu'on aime quelqu'un, il faut en être suffisamment détaché pour pouvoir le rendre heureux. Autrement, on le dévore, et on se dévore soi-même. (p.155)
De toute manière la mort était une perspective beaucoup plus agréable que celle de peiner chaque jour dans un atelier ou un bureau, à seule fin de survivre jusqu'au lendemain, où il faudra peiner tout autant. Cette existence-là avait pour moi autant d'attrait que l'enfer; (p.36)
Les riches d'ailleurs se montraient beaucoup plus sensibles que les bourgeois à mon amitié, peut-être parce qu'ils n'ont pas l'habitude d'être aimés. (p.159)
Ce billet de banque représentait à mes yeux beaucoup plus que de l'argent. C'était la preuve que la vie est bel et bien un cadeau du ciel. Vouloir la gagner était donc un sacrilège.
Ce sacrilège entraînait d'ailleurs en soi une condamnation automatique: les travaux forcés à perpétuité. ma répugnance au travail était en somme une vertu, une preuve de confiance en cette force mystérieuse qui comblait de biens ceux qui acceptaient humblement la vie comme un cadeau . (...) (p.39)
Un corps ne trompe pas. Ce n'est pas comme le visage qui, lui, est toujours plus ou moins déformé par le désir de présenter aux autres une certaine image de soi. L'homme nu, c'est l'homme lui-même. (p.192)
On ne songe pas assez que, si cet argent est appelé de poche, c'est bien parce que c'est dans les poches qu' on le trouve. Or tous nos amis ont des poches...
La conclusion s'imposait d'elle même. Il est assez difficile, toutefois, de passer de la théorie à la pratique. Les possédants, en effet,, ont un code de dureté, comme les saints de charité. Ils n'aiment guère donner, ce qui est compréhensible, car s'il est une chose qu'un possédant abhorre, c'est bien d'être possédé. (p.93)
Je venais seulement de me rendre compte que mon grand-père avait bel et bien disparu, qu'il me laissait seul dans un monde où nulle affection, nulle famille, nulle tendresse humaine ne veillait plus sur moi. Cette pensée me fit sentir pour la première fois la réalité de ma solitude. (p.54)
Par là j'annonçais l'avènement d'un monde dont je sens l'approche, un monde sans travail, sans argent, par conséquent sans débiteur ni créancier, donc sans concurrence et sans envie, sans jalousie et sans haine, le monde de demain en un mot. Et si ce monde-là n'est pas pour demain en un mot. Et si ce monde-là n'est pas pour demain , il est pour après-demain. Car c'est à tort qu'on annonce un paradis des travailleurs. Là où il y a du travail, là n'est pas le paradis. (p. 112)
[le grand-père du narrateur]
Je regardai cet homme qui avait été à la fois mon père, ma mère, mon frère et mon meilleur ami, et il me semblait impossible qu'il pût mourir jamais. Il avait un teint frais et pour ainsi dire pas de rides, des yeux bleus et des lèvres bien dessinées. Pour moi, devenir un homme charmant signifiait devenir semblable à lui. (p. 26)
Et qui sait, poursuivit-il, si nous ne verrons pas un jour la paresse disparaître de la liste des péchés capitaux où, soit dit en passant, elle n'occupe déjà plus que la dernière place ?
(p. 28-29)
Tous ces possédants qui ne donnent jamais rien, grâce à moi donnaient enfin quelque chose. Mon activité relevait de l'apostolat. Je servais les lois de la justice. N'est-il pas écrit aussi qu'il est plus difficile à un riche d'entrer dans le royaume des cieux qu'à un chameau de passer par le chas d'une aiguille. Grâce à moi, ce difficile passage serait rendu possible. (p; 120)
Ces oisifs n'étaient au fond que des amorphes. La vraie paresse, celle dont m'avait parlé mon grand-père, devait être bien autre chose, et d'abord une attitude devant la vie. Elle devait se suffire à elle-même et puiser, dans sa propre force d'inertie, un dynamisme conquérant. (p.35)
Cela est si vrai que les religions les plus vulnérables interdisent tout travail le jour de la semaine qui est consacré à Dieu. Un musulman pieux ne travaille pas le vendredi, ni un juif le samedi, ni un chrétien le dimanche. Il semble donc que l'homme ne puisse offrir en hommage à la majesté divine que son seul repos.Cc'est là sans doute qu'il faut chercher la raison profonde de l'étrange paix que nous ressentons le dimanche , seul jour, en effet, où la créature a conscience de faire ce que veut son créateur, c'est-à-dire rien. (p. 27)
Je faisais seulement une visite au seizième. Dans cette atmosphère de richesse me viendraient plus facilement des pensées de riche, car ce n'est pas avec des idées de pauvre que l'on pénètre dans les milieux d'argent. (p.45)