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Citation de aleatoire


André Markowicz
Mais c’est le signe de la dictature, qu’elle tue pour ce qu’on écrit. — C’était vrai sous les bolchéviques. C’est vrai pour cette ruine atterrante, et proliférante, qu’est, aujourd’hui, l’islam dans le monde, — quand on pense à l’immensité de la culture islamique dans les pays arabes, en Perse, dans toute l’Asie Centrale au Moyen-Age, et quand on voit ce qu’on voit aujourd’hui... Parce que le propre (hum...) de la dictature est de voir le monde comme un tout rigide, immuable, et de ne pas connaître la notion de détail, la graduation des valeurs. De ne pas comprendre qu’un livre, même un livre qui remettrait en cause les fondements de la foi ne peut remettre en cause ni Dieu ni la foi, parce que, si Dieu existe, et si la foi existe, eh bien, parce que rien d’humain ne peut remettre Dieu en question (c’est, je le rappelle, en fait, la raison pour laquelle Ivan Karamazov refuse Dieu), et que, donc, plus les gens écrivent ce qu’ils veulent, plus, tranquillement, ils louent la Création.
La dictature, qu’elle soit religieuse ou politique, n’est pas que la fabrique d’un Tout. Elle est la fabrique des imbéciles. — Qu’est-ce que vous voulez dire à un fanatique islamique ? Il ne sait pas penser, parce que, ce n’est pas qu’il croit, il sait. Et ce qu’il sait, ce n’est pas seulement qu’il le sait pour lui-même, c’est qu’il le sait pour tous, puisque sa vérité doit être celle de tous. Du coup, si un seul élément de ce « tous » n’est pas conscient de cette vérité, lui, ça lui remet tout en cause. Ça lui casse sa joie, exactement pour les nationalistes quand on remet en cause les fondations de la nation. Parce que les fanatiques ont besoin d’être en souffrance, bien sûr, mais cette souffrance est une source de joie publique et intime, c’est la souffrance, fantôme, et bien réelle, qui fait passer à l’acte. Parce que la dictature, quelle qu’elle soit, a un ennemi suprême. Non, pas la démocratie, pas la liberté de conscience, — la solitude.
Ces grandes cérémonies de masse dans l’Allemagne hitlérienne, en URSS, en Chine. Ces gosses dans les écoles religieuses dont le seul savoir, après des années et des années de rabâchage ensemble, est de savoir par cœur un texte qu’ils n’auront jamais lu.
La dictature vous refuse la solitude. Vous n’êtes jamais seul. Ce qui signifie que vous ne pouvez pas être vous. Vous n’êtes pas, vous n’êtes qu’en étant avec, qu’en étant « par ».

Vous lisez, — vous êtes seul. Vous pouvez lire à quelqu’un, bien sûr, mais, même là, vous avez été seul avant, à découvrir ce que vous lisez à celui ou celle à qui vous lisez, comme un présent, comme l’expression la plus profonde de vous-même, parce que lire à quelqu’un, c’est offrir le don de sa solitude, et, pour la personne qui écoute, c’est recevoir ce don, et offrir en échange le don de son écoute, et celui de sa propre solitude en devenir. La littérature, c’est le lieu de la solitude, et donc le lieu du doute, le lieu où la vérité est celle-là même : pas seulement le dépassement de l’instant, de la contrainte. Non, c’est le lieu où notre propre solitude se découvre capable de recevoir le don d’une autre solitude, par delà tous les temps, tous les espaces, pour construire cet espace, à la fois intime et ouvert, que sera notre vie, une vie qui n’est pas seulement celle qu’on nous construit, mais celle que nous construisons nous-mêmes, en nous, avec nos êtres aimés, — nos bien-aimés à nous, et ceux que nous lisons, que nous voyons, que nous écoutons.

De l'influence de la littérature (billet du 14/08/2022 sur facebook).
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