En la saison d'absence
(Rituel)
Il n'est pas de fleurs
pas de pierres
pas de ciels
où je ne t'ai cherchée
Il n'est pas d'océans
pas de déserts
pas d'horizons
où je ne t'ai rêvée
Il n'est pas de villes
pas de cercles
pas de limbes
dont je ne t'ai délivrée
Fille de l'éclair
et du temps balafré
tu signes avec du sable
les gouffres de la nuit
Nous avons marché
si légers sur des ombres
qu'il reste à peine trace
de nos pattes d'oiseau
La feuille
est une fenêtre close
qui chaque jour voit le jour
où monstrueusement tu n'es pas
Combien en ai-je écrit
de ces versets du vide
qui chantent le néant
avant que tu y sois ?
A la croisée des mondes
je veux être qui sait
le guetteur de ton pas
ou l'écho de ta voix
Dans le ciel ce qui passe
ne passe pas pour moi
le chemin des nuages blancs
ne monte que vers toi
Derrière les persiennes
tu ne dors ni ne veilles
tu t'effaces et je rôde
en la saison d'absence
Sur le mur les entailles
n'appellent nulle échappée
nulle remise de peine :
je ne les compte pas
Chaque jour en silence
au couteau de l'aube
au poignard de midi
je redis que je t'aime
Chaque nuit désinvestie
de sommeil et de songe
je jette à la trappe comme à la mer
des poèmes d'amour
Étoiles et cendres mêlées
le tourbillon qui se lève
devient migration froide
tourmente de tourments
A mains nues je vais
protéger ce qui s'évade
escorter encore moins
que la buée de ton départ
C'est presque rien en vérité
une nuée d'éphémères
déjà noyées
au fond d'un puits
On a remis la grille en place
il n'y a pas à supplier
j'ai vu le lieu face à face
où l'avenir n'aura pas lieu
De partout naissent des signes
que faire de ces prophéties
qui n'enchantent que la chair
d'une promesse saignée à blanc ?
Autour d'un éventail
un vol de papillons
une ronde innocente
à force d'être cruelle
Soupirs et pleurs
spectres semés à la volée
j'ai peuplé l'hébétude
de tournesols qui n'existent pas
Par-delà l'espace et le temps
contre toute raison et tout sens
il est plus de vingt vaisseaux ruinés
qui semblent en partance
Est-ce un regard ou une barque ?
Qui peut voyager dans tes yeux ?
Descendre un fleuve de terre
en se croyant passager ?
Par-delà notre amour massacré
j'invente un amour insensé
où il se peut que sans honte
je vive dans ta lumière
(P124)