Deux heures plus tard, il était prêt à rédiger un rapport préliminaire dans lequel figureraient les mots "mutilation", "lacération", "esquille", des mots froids qui cimentaient le mur qu'il avait érigé entre l'homme de la salle d'autopsie et celui qu'il redevenait lorsqu'il enlevait ses gants et sa blouse tachés de matières organiques. Son rapport comporterait aussi des mots comme "fétichisme", "couteau", "chasse", car il était parvenu à déterminer que les cheveux de Sissy Morgan avaient été coupés par un couteau de chasse, du genre de ceux dont on dépèce les carcasses. Ajouté au piège, ce couteau esquissait le portrait du meurtrier de Boundary, un chasseur, un être dont le pouvoir reposait sur la capture, puis sur les attributs dont il dépouillait sa proie, viande, bois, fourrure et, dans le cas présent, chevelure, la marque par excellence de la féminité, le trophée de l'être malade.