En pénétrant dans cet immense aéroport parisien, j'avoue que j'ai du mal à cacher mon bel enthousiasme. Je me surprend même à sourire comme une idiote en regardant tout autour de moi. Parmi la foule, j'aperçois très vite Claire, ma meilleure amie depuis le lycée avec qui je travaille désormais. En riant bêtement, nous nous embrassons affectueusement, tout excitées par ce voyage. Nous partons six jours à un congrès professionnel, à l'île Maurice. Moi, rien que d'y penser, j'en ai la chair de poule. Prendre l'avion, partir à l'étranger, rencontrer du monde, tout ça, pour moi, c'est nouveau. Voyez-vous, je n'ai pas pour habitude de voyager. Je vais souvent chez mes parents, à Isigny-sur-Mer, mais ce n'est qu'à quatre cents kilomètres de chez moi, rien d'exceptionnel. Je ne vais jamais à Paris, je ne suis pas très à l'aise pour conduire dans la capitale, ou même pour prendre le métro. Je n'ai jamais pris l'avion, je n'ai jamais quitté la France, alors partir à l'île Maurice, c'est un vrai événement dans ma petite vie ordinaire.
Elles avaient toutes les chances de leur côté pour décrocher le poste. Moi, je savais que je n’avais rien de leur physique de mannequin, même si on disait de moi que j’étais très jolie. J’étais assez grande, ce qui faisait de moi une femme attirant le regard… mais cela s’arrêtait là, du moins c’est ce que je croyais à ce moment-là. J’étais carrément persuadée de ne pas être une femme séduisante, aussi séduisante que ces filles assises en face de moi. Pourtant, mes deux petites sœurs, Louise et Emma, me disaient souvent que j’avais des courbes qui plaisaient aux hommes. Oui, surtout aux gros vicieux !
J’ai l’impression que chacun de mes mots l’enfoncent un peu plus dans un gouffre destructeur. Je rêve aussitôt de le frapper. Comment peut-il à ce point me jouer la comédie ? Comment peut-il continuer de vouloir me manipuler avec autant de cruauté ? Cet homme est un monstre. Je le découvre avec effroi. Et… et à cet instant précis, je crois que je le déteste. Je crois même que je serai capable de lui faire du mal.
J’étais cruellement consciente de ne pas être une déesse de la beauté avec mes pommettes hautes, mon nez retroussé, ma bouche pulpeuse et mes grands yeux bleus. Non, vraiment, j’étais une jolie fille, mais simplement une jolie fille… alors que je savais depuis longtemps que James Sanders ne s’entourait que de très belles femmes, y compris dans son travail.
Plus rien ne sera comme avant. Je refuse de vivre auprès d’un mari qui ne m’aime plus. Pour aller prendre du plaisir dans les bras d’une autre, il est évident que James n’éprouve plus aucun sentiment à mon égard. Et je dois accepter cette douloureuse vérité. Pourtant, je n’imagine pas vivre sans lui. C’est trop brutal.
Elles aiment nous répéter que, lorsque James et moi sommes dans la même pièce, cette alchimie fait presque des étincelles. Elles nous disent souvent que nous formons l’un des couples les plus amoureux et les plus solides de la planète. Elles aiment aussi nous citer auprès de leur entourage comme un modèle de réussite.
On nous répétait inlassablement que James Sanders était beau comme un Dieu, qu’il était particulièrement intelligent, honteusement riche, et qu’il collectionnait les conquêtes féminines comme des mouchoirs en papier. On disait aussi de lui qu’il refusait farouchement de s’engager, d’où ses innombrables conquêtes.
J’ai vraiment l’impression de découvrir un autre homme. Un homme qui se moque royalement de mes sentiments. Un homme qui n’a pas l’air de vouloir comprendre à quel point ses actes ont dépassé tout ce que je pouvais endurer.