Je voudrais que mes mots
soient de la fumée
qu'il puisse respirer
comme ça il
saurait. (p.69)
Écoute.
Le dire c'est ça qui compte.
Tu dois attraper
les mots que tu as cachés
au fond de toi ou que tu as gardé
en boule noire et douloureuse
au creux de ton estomac et qui te rendent
malade
mais extirper les mots, les renverser
par terre, sur la table,
les jeter à la face étonnée
de quelqu'un c'est ça
qui compte
et après cette fois-là
et la suivante un jour
tu te sentiras
si légère et vaporeuse
que ton ventre se
dénouera
ton visage
se décrispera
et que
de nouveau
tu te sentiras
toi-même. (p.117-118)
Je garde tout en moi
comme quand je vais vomir
et que je cours chercher des toilettes
les mots se bousculent derrière
mes lèvres pressés de s'échapper
tant mes lèvres me font mal
mais je n'y arrive pas. Tu as dit non
jamais de la vie non et non
et tu m'as mis ton poing serré
devant les yeux. (p.43)
Je suis le petit cochon
et toi tu es le loup
qui attend à la porte
pour m'avaler tout rond
et mâchonner mes os,
et puis me recracher
et personne n'est assez grand
ni assez rapide
ni n'a d'assez bons yeux
pour empêcher que ça arrive. (p.63)
Écoute, j'essaie
de me souvenir de tout
parce que c'est là
comme un putois
qui revient sans cesse
sur le pas de la porte
et pleure pour entrer,
et si je ne lui ouvre pas
j'ai peur
qu'il ne s'en aille jamais. (p.7)
Je me souviens :
de la chambre étouffante,
de ton corps inconnu,
de tes mains brutales,
et des mots durs à mes oreilles
me soufflant que d'horribles choses
vont arriver
si jamais
j'ose
le dire. (p.7)
La poussière fait soupirer Maman.
J'y écrase mes doigts
et laisse dix empreintes comme autant de pétales
sur le table de la cuisine. (p.13)