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Citation de chris49


C’est par une nuit froide de décembre. Un maître et son serviteur s’engagent dans une route qui traverse la forêt. La neige commence à tomber, peu à peu elle recouvre tout. Ils parviennent tant bien que mal à mener le traîneau jusqu’à ce que le cheval le verse dans le fossé, et se pétrifie. Le froid les gagne peu à peu. Le maître comprend que c’est perdu. Et un retournement s’effectue en lui. Tolstoï, sans jamais donner une leçon morale ni dramatiser la scène, laisse au contraire ce blanc de la neige envahir et engourdir le récit lui-même jusqu’à cet instant où l’on pourrait dire que la douceur entre dans le cœur du maître. Et on le voit alors venir entourer de son corps et réchauffer de son manteau le serviteur exposé au froid et se laisser mourir à sa place. C’est au lieu même du pouvoir que la douceur opère. Elle vient se poser dans les interstices de la cruauté en la retournant comme un gant. Elle est précisément à l’endroit le moins attendu. En ce sens la douceur est christique si l’on accepte de voir dans le Christ la figure de celui qui retourne tous les attributs de pouvoir en servitude consentie, par exemple lorsqu’il lave les pieds des disciples, geste infiniment humain commencé là où il n’y a plus d’explication ni de justification possible. Dans le traîneau, il n’est plus question de mansuétude, de patience ou de justice. Pas d’autres témoins que les loups au loin, le froid, la neige et la nuit. Rien ne se saura du combat spirituel ou de la reddition.

« Maître et serviteur » de Tolstoï, p. 91
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