Anne Secret :
L'escorteInstallé dans l'un des bâtiments de la Cité Internationale Universitaire de Paris,
Olivier BARROT interroge
Anne SECRET sur son dernier
roman : "
L'escorte".Banc titre sur la couverture du livre.
Ils me méprisaient. Je n’avais aucun fait d’armes à mon actif. À leurs yeux, j’étais un fils de bourgeois sans véritable conviction et incapable de démonter correctement une mitraillette. Ce qui d’ailleurs était vrai. Je ne sais pas me servir d’une arme…
Quand elle est née, ce pays était sans doute déjà aux mains d’un fou meurtrier. Elle l’imagine, adolescente, fouillant les décombres de la capitale détruite, pendant qu’ici même, au Schloss Cecilienhof, le rideau de plomb tombait d’un coup de traité, intégrant la marche de Brandebourg au bloc Est. Quelle malchance de se trouver de ce côté-là du Mur.
Il force son accent allemand. L’un des types lui balance une injure, mais la carrure d’Anton, pourtant peu belliqueux, le dissuade d’insister.
Pour se planquer, rien ne vaut ces hôtels internationaux où l’on paie en liquide en donnant un faux nom…
— Je ne comprends pas pourquoi vous vous acharnez à défendre ce régime…
— Ce régime, comme vous dites, m’a accueilli…
— Vous, peut-être… Moi, si j’avais été simple citoyen de votre paradis socialiste, j’aurais sans doute cherché à fuir à l’Ouest…
Mes seuls interlocuteurs étaient les gens qui m’avaient pris en main : la Stasi…
— Oh ! la télé…
— Mais si. Tu vas avoir Canal +. C’est un luxe qu’on ne refuse pas, ma fille.
Il faut toujours affronter l’ennemi en face.
Quand le capitalisme se déploie partout, dévore tout, c’est tellement mieux…