Anne Van Ypersele de Strihou

Un spectacle plus attendrissant encore attendait les voyageurs dans la traversée du gros village de Belsele.
Là, nous conte Barber, des groupes de bergers et bergères vêtus de blanc et de festons de rubans dansent des quadrilles au bord de la route pendant qu'un groupe de vieillards, tous habillés de même, précédent la voiture de Bonaparte en semant des fleurs sous ses roues.
Scène émouvante s'il en est et que l'on n'oserait imaginer si Chaptal ne lui apportait sa caution : "En traversant la Belgique, depuis Lille jusqu'à Anvers, Napoléon s'extasiait à chaque instant de la beauté, de la richesse et de l'élégance des villages qu'il traversait. Partout, deux à trois cents demoiselles vètues de blanc, ornées de fleurs et autant de cavaliers montés sur des chevaux superbes, venaient au-devant de lui et de sa femme."

Jusqu'à la fin de l'Empire, il considérera la Belgique comme le prolongement naturel de la France, poste avancé de sa lutte contre l'Angleterre qui jamais n'en acceptera l'existence, pas plus qu'elle ne supportera la dangereuse proximité du port d'Anvers.
"L'Angeterre, dira-t-il à Molé, nous fera la guerre tant que nous conserverons la Belgique."

Napoléon ne se limitera plus à l'envoi de fils de notables belges dans les écoles militaires françaises afin de parfaire sa politique d'intégration de nos provinces. Les moyens auxquels il aura recours auront un caractère plus radical, attesté par cette lettre adressée au nouveau ministre de la Police générale : "Au général Savary, duc de Rovigo, j'approuve ce que vous proposez à l'égard des individus des départements de la Belgique ou au-delà des Alpes dont vous m'avez envoyé l'état statistique. Vous ferez connaître à ceux qui ont des filles à marier qu'ils ne pourront en disposer qu'avec mon consentement, mon intention étant de les marier à des Français qui se seront distingués dans les armées."