Anne von Canal zu Gast am 20.11.2014 bei RavensBuch in Ravensburg.
J’étais tellement sûre de toi.
Même quand un fossé nous a finalement séparés, Jan et moi, parce que nous nous rendions responsables l’un l’autre de ta sortie de scène silencieuse, quand tous nos projets ont été réduits en poussière et que je suis partie seule à Hambourg, même à ce moment-là, je m’attendais encore chaque jour à recevoir un appel, une lettre qui apporterait un dénouement heureux, qui expliquerait tout. Je croyais dur comme fer que tu réapparaîtrais tout simplement un jour, comme les soldats rentrés bien après la guerre.
Burn down the night est resté posé sur mon étagère pendant la moitié de l’année. Le livre t’attendait. Tu connaissais l’adresse.
Mais tu n’es pas venue.
Tu avais choisi l’absence et tu t’y es tenue.
Un mot, et te voilà à nouveau dans ma tête. Comme si pas même une semaine ne s’était écoulée depuis ce jour où tu nous as tourné le dos, désertant notre amitié et notre vie après dix ans, aussi facilement que si nous n’avions été que de vagues connaissances.
Tu devais déjà avoir pris ta décision à ce moment-là, tu devais savoir que tu partirais.
…
N’étions nous pas invincibles ? Cet équilibre rare et puissant de la trinité, ne l’avions-nous maintenu pendant dix ans, toute une enfance et toute une adolescence ? Pas un jour ou presque où nous ne nous retrouvions pas, pas une pensée ou presque que nous ne partagions pas. Et nos projets ! La coloc à Hambourg, les études ensemble. Nous voulions devenir chercheurs, pionniers – ça ne valait donc rien ? Pas même un mot ?
1h48. Au plus noir de la nuit, dans les lotissements de la tempête, le bateau bleu et blanc dressa une dernière fois sa proue vers le ciel et, moins d’une heure après son appel de détresse, disparut dans les eaux avec un profond soupir. Avec lui sombraient les rêves et les espoirs, les désirs, les inquiétudes, les peurs et les lendemains de tout ceux qui était restés à bord.
J’étais heureux d’arriver dans le port de Venise après un long voyage ‑cette ville est la seule que j’arrive à supporter plus de trois jours, elle est un entre deux, ni terre, ni mer.
La solitude , est ce un sentiment de vide ou de plénitude ? Ca prend beaucoup de place, en tout cas, ça chasse presque tout le reste. Ca rassasie et, en même temps, ça donne faim.
Je peux me souvenir. De toi, de Jan, de moi. Me souvenir de ce qui était et de ce qui n’était pas. Mais il ne me sera sans doute jamais donné de tout comprendre.
J’ai vidé dans le lavabo ce qui restait de la bouteille de whisky. Ce truc n’a fait qu’empirer les choses. Ça n’avait que le goût du chagrin.