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Citation de Cannetille


Il y avait des rumeurs sur des laïcs qui jouaient aux moines sans l’être vraiment. Parmi eux, on trouvait des femmes, souvent des veuves, de bonnes personnes qui se réunissaient en communauté sans prononcer de vœux. Indépendantes des ordres monastiques, elles agissaient comme des moniales sans clôture, sous la surveillance de l’évêque. Leurs seuls engagements étaient la chasteté et l’obéissance. Installées dans de petites maisons regroupées en béguinage, elles s’occupaient des pauvres et des malades, catéchisaient et menaient tranquillement leur chemin de prière et de méditation. Leur vie édifiante leur valait un statut social et le respect du peuple. Rien de menaçant ne paraissait pouvoir venir de ces congrégations simples et vertueuses. Pourtant l’ordre dominicain devait redouter de sérieux périls pour envoyer une figure aussi prestigieuse qu’Eckhart diriger leur enseignement. Les béguines lisaient, écrivaient, débattaient des questions spirituelles en toute liberté, le monde ne restait pas à leur porte. Or, à cette époque, une vague d’hérésie recouvrait l’Europe et avait particulièrement infecté les communautés dans les Pays-Bas et en Allemagne. »
Le prieur Guillaume appuya sa voix :
« La liberté, Antonin, elle avait prêté son nom à la grande hérésie qui faisait trembler l’Église : le Libre Esprit. Ces saintes femmes furent accusées de le propager.
Les béguines étaient comme les Franciscains, elles mettaient de l’amour partout. Pour elles, l’amour était suffisant pour “voguer sur l’océan de Dieu”, ainsi qu’elles le répétaient. La raison devait rester au port. Le pur contraire de l’esprit dominicain qui, pour voguer vers Dieu, s’en remet à la seule intelligence en respectant la distance de majesté.
La “Marguerite” dont m’avait parlé Étienne était une béguine célèbre qui avait écrit un livre que tu ne trouveras pas dans les scriptoriums des monastères, ni dans les bibliothèques des universités. Une œuvre en langue vulgaire qui pouvait contaminer les esprits non préparés et non surveillés, et dont les copies ont été détruites par l’Inquisition. Toutes, sauf quelques-unes que tu pourras obtenir si tu sais à qui demander.
La pauvre Marguerite fut brûlée avec son livre pour une phrase qu’elle aurait dû peser. Des mots empoisonnés, remplis d’un venin mortel, connus de toutes ses sœurs et de nous, dominicains, qui les avons condamnés : “Je suis Dieu, car amour est Dieu et Dieu est amour… Je suis Dieu par nature divine.” Comment pouvait-on accepter une telle folie ? Si chacun peut se transformer en Dieu par l’extase, à quoi sert l’habit que nous portons ? À quoi sert de prêcher la bonne parole et de confesser les âmes de leurs péchés.
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