Chambre de pilote, auberge incertaine, il fallait souvent te rebâtir. La Compagnie nous avisait au soir : « Le pilote X est affecté au Sénégal... à l'Amérique... » Il fallait, la nuit même, dénouer ses liens, clouer ses caisses, déshabiller sa chambre de soi-même, de ses photos, de ses bouquins et la laisser derrière soi, moins marquée que par un fantôme. Il fallait quelquefois, la nuit même, dénouer deux bras, épuiser les forces d'une petite fille, non la raisonner, toutes se butent, mais l'user, et, vers trois heures du matin, la déposer doucement dans le sommeil, soumise, non à ce départ, mais à son chagrin, et se dire : voilà qu'elle accepte, elle pleure.