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4/5 (sur 2 notes)

Né(e) à : Avignon , le 16/07/1811
Mort(e) à : Avignon , le 29/03/1890
Biographie :

Critique littéraire, journaliste, écrivain et homme politique français.
La plupart des articles de Pontmartin, qui était un journaliste infatigable, furent publiés en volumes : Contes et rêveries d’un planteur de choux (1845) ; Causeries du samedi (1857-1860) ; Nouveaux samedis (1865-1881)1, etc. Mais le plus populaire de ses livres reste Les Jeudis de Mme Charbonneau (1862), qui offre, sous forme de roman, une série de portraits malicieux et intelligents d’auteurs contemporains.

Source : Wikipédia.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Armand de Pontmartin
Critique de l'Education Sentimentale de Flaubert :
(...) Dès le début, l’éducation de Frédéric Moreau est finie ; il n’en est plus question ; elle a probablement ressemblé à presque toutes les éducations bourgeoises de province ; il n’y a pas de trace de son influence sur le caractère, la physionomie, la conduite, l’être moral de ce jeune homme qui va nous donner en deux interminables volumes, l’énervant spectacle de l’indécision et de l’impuissance.
Ou le titre choisi par M. Flaubert ne signifie rien, ou il faut le torturer pour comprendre que Frédéric, incapable d’accomplir une oeuvre, de régler sa vie et de choisir un état, fait peu à peu dans le monde sa propre éducation, — une éducation romanesque, — à mesure que le hasard le met en contact avec Mme Arnoux, avec Louise Roque, avec Mlle Vatmaz, avec Rosanette, avec Mme Dambreuse ; éducation débilitante, corruptrice et dissolvante, dont je vous donnerai une idée sommaire en vous disant que Frédéric, à la dernière page, signale comme le meilleur souvenir de sa sotte jeunesse une escapade clandestine dans un mauvais lieu. (…)

Voyez Mme Bovary ; ce n’est pas une héroïne de roman ; c’est une collection de curiosités et d’instincts, où la bête domine la femme.
Son imagination maladive, envenimée et abusée par les sens, fait de la vie un mariage qui la sollicite et l’attire par une succession d’apparences : fêtes aristocratiques, séductions de l’amour coupable, jouissances de la richesse et du luxe, fantaisies de toilette, mensonge d’un faux idéal qu’elle n’entrevoit un moment que pour descendre un peu plus vite et tomber un peu plus bas. Les personnages qui s’agitent autour d’elle, médecin, curé, notaire, pharmacien, gentilhomme, bourgeois de campagne, clerc, d’avoué, patriciens et prolétaires, ont tous un même trait de ressemblance : ils ne sont acceptables, ils ne peuvent respirer à l’aise que dans un monde sans foi et sans espérance, sans passé et sans avenir, où toute la vie morale se résume dans le moment présent, où la génération nouvelle n’a plus rien à faire qu’à jouir de ce qu’elle a, à oublier ce qu’elle sait, à se railler de ce qui lui manque et à regarder ce qu’elle voit. Emma Bovary n’a pas de coeur. Qu’en ferait-elle ? (…)

Aujourd’hui, Emma Bovary change de sexe et se nomme Frédéric Moreau. Franchement, elle a perdu au change. Ce qui peut sembler encore intéressant chez une femme, est intolérable chez un homme.
Avec ses continuelles aspirations vers l’inconnu, ses curiosités mystiques ou sensuelles, ses vagues appréhensions, son attrait de fille d’Eve pour le fruit défendu, ses essais d’acclimatation dans le monde des riches et des heureux, Mme Bovary conserverait une physionomie féminine.
Sous les mêmes traits, Frédéric Moreau n’est plus qu’un mannequin, une marionnette, dont toutes les impulsions viennent du dehors, et que l’auteur promène à travers sa galerie de tableaux et de pastels. Exemples : il conduit son héros aux courses ; les courses ont été décrites et racontées à satiété dans tous les journaux, toutes les chroniques, tous les romans de « high life ». Mais M. Gustave Flaubert a huit ou dix pages à placer, et voilà « les jockeys, en casque de soie, tâchant d’aligner leurs chevaux (…) »
On mène Fréderic Moreau à une fête du demi-monde ; autre lieu commun qui traîne partout et figure parmi les accessoires du théâtre et du roman. L’auteur ou plutôt le peintre n’en charge pas moins sa palette, et en avant « le boudoir capitonné de soie bleu pâle avec des bouquets de fleurs de champs (…) » — il n’y a aucune raison pour que cela finisse.

Si Frédéric Moreau descend dans la rue, description de la rue, des réverbères, de la devanture des magasins, du sergent de ville qui passe, du fiacre qui s’arrête, de l’ivrogne titubant sur le trottoir, du chat qui miaule sur les gouttières, de la Seine qui coule, du bateau qui fume ; le tout sans qu’il soit possible de saisir un rapport entre ces objets matériels et une action ou une idée si minime, que, pour ne pas la perdre de vue, il faudrait courir à grande vitesse et n’être distrait par rien. (…)

On dirait que M. Flaubert s’est proposé d’en finir, de dresser l’inventaire d’une société après décès, de mener le deuil d’une civilisation et d’un régime dont il a pressenti la défaite et qu’il rend haïssables, fastidieux, invalides, criblés d’infirmités et de plaies, pour qu’on s’étonne moins de les voir périr et qu’on ne songe pas à les regretter. Il a le sang-froid sinistre d’un ordonnateur de pompes funèbres, et son roman possède toute la gravité lugubre d’un enterrement de première classe.

Moreau, Deslauriers, Rosanette… ont l’air de demander pardon d’avoir vécu, d’avoir apporté leur contingent de vices, de corruptions et de dissolvants vulgaires à une société qui tombe en pourriture. Ils s’excusent de leur existence éphémère en nous prouvant qu’ils n’existent plus. (…)
Dans ce dénombrement nécrologique, il n’y a pas de préférences. L’auteur évoque la République de février, ses héros, ses orateurs, ses victimes, ses journées sanglantes, ses modérateurs éloquents, sans qu’on puisse savoir s’il se place à droite ou à gauche des barricades.
Il essaye de nous faire haïr la réaction, l’ambition, l’intrigue, les reste d’une aristocratie qu’il n’a vue que dans les salons de la princesse Mathilde, — et cela sans nous demander d’aimer le patriotisme démocratique. Ses républicains finissent mal.
Sénécal devient sergent de ville ; Dussardien se fait tuer comme un imbécile ; Régimbart épouse une faiseuse de corsets. M. Flaubert nous permet de rire à leurs dépens, de ce rire silencieux et atone (…)

(Extrait que je trouvais intéressant, cela reflète notamment l'incompréhension du mouvement réaliste par certains critiques de l'époque)
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Midi approchait; nous remontâmes sur la place, qu'avait envahie une foule compacte. Les musiciens préludaient sur leurs instruments : la salle de bal, recouverte d'une tente, décorée de lauriers et de bois, attendait les danseurs. L'adjoint, le garde-champêtre, le doyen de la fabrique, se tenaient près de la fontaine, où il ne manquait plus que de l'eau. C'était à ma danseuse que j'avais réservé l'honneur de tourner le robinet. Je voulais prouver que ma gloire ne m'avait pas fait oublier mon premier engagement, et je présentai galamment ma main gantée de blanc à mademoiselle Eugénie Blanchard, fille du percepteur des contributions. Le général et la préfète voulurent bien nous faire vis-à-vis. J'avais l'oeil fixé sur l'horloge de la mairie, dont l'aiguille marquait midi moins deux minutes. Mon coeur palpitait, ma danseuse rougissait comme une pivoine. C'était un de ces instants solennels qui sont à la vie ordinaire ce que l'Himalaya est à nos collines.
L'orchestre joua la chaîne des dames. Au moment où je battais un triomphant six-quatre devant la préfète, midi sonna. Je m'arrêtai net, un long frémissement parcourut la foule : l'émotion, l'attente, le désir, l'enthousiasme étaient à leur zénith. Mademoiselle Eugénie, passée de l'écarlate au ponceau, s'approcha de la fontaine et tourna le robinet... L'orchestre jouait déjà les premières mesures de l'air : "Où peut-on être mieux qu'au sein de sa famille ?"
Rien ne coula. Rien ! Rien ! RIEN ! En ce moment, il me sembla que Shakespeare s'était trompé...
Un même cri, à grand'peine étouffé, vibra et mourut dans toutes ces poitrines. mes courtisans se hatèrent d'affirmer que l'eau n'avait pas eu le temps de monter et que nous allions la voir jaillir. L'adjoint se pencha sur le tuyau et, y collant son oreille, il nous assura qu'il entendait distinctement le bouillonnement de l'eau qui montait. Je me penchai à mon tour, et j'entendis en effet quelque chose comme un bruit souterrain, pareil à celui que produit la pioche d'un mineur. Nous vécûmes encore cinq minutes sur ce bruit et sur cette espérance. Ces cinq minutes envolées, les visages s'allongèrent d'une façon effrayante. Il fallut bien convenir que ce bruit consolateur, au lieu de se rapprocher, s'éloignait. Dix autres minutes effleurèrent mon front brûlant de leurs ailes de plomb et blanchirent plusieurs mèches de mes cheveux. Je n'osais plus regarder autour de moi; ma main serrait convulsivement la main de ma danseuse, qui ne soufflait mot. Je croyais lire ma honte inscrite sur toutes les figures. Un silence de glace avait succédé au joyeux murmure de la fête. L'orchestre se taisait; mes administrés étaient au désespoir, et mes invités réprimaient une forte envie de rire. Atterré, hébété, stupide, j'appelais tout bas une catastrophe, une révolution, une attaque d'apoplexie, un coup d'épée, un coup de tonnerre qui vint rompre, fût-ce en m'écrasant, cette situation intolérable.
Je fus exaucé : le coup de tonnerre demandé se personnifia dans ma servante, qui se précipita haletante sur la place, en criant :
- Monsieur ! Monsieur ! Il y a une fontaine dans votre salon !
À ces mots magiques, l'espèce d'enchantement qui nous tenait immobiles cessa subitement. Nous descendîmes, nous roulâmes comme une avalanche au bas de la côte. Un poignant spectacle nous y attendait.
Voici ce qui était arrivé.
L'eau, aussi capricieuse que les nymphes et les naïades, ses mythologiques patrones, avait déjoué traîtreusement les efforts de la science. Délogée du bassin où elle coulait depuis des siècles, violentée par une force motrice insuffisante, qui l'avait contrainte sans la dompter, elle s'était ouvert une issue, pendant que nous ajustions les tuyaux neufs destinés à la recevoir, et cette issue souterraine l'avait peu à peu conduite jusqu'au mur de mon rez-de-chaussée. Ce mur était vieux comme tout le reste de la maison...
Par un redoublement d'ironie, à l'instant même où, d'après mon programme, l'eau devait devait jaillir dans la fontaine officielle, elle me donnait, à domicile, une représentation extraordinaire. La trouée s'était faite à cinq pieds au-dessus du parquet, à travers une tapisserie des batailles d'Alexandre. Le piano, les tables à jeu, renversées sens dessus dessous, ressemblaient à des noyés dont on n'aperçoit plus que les jambes. Les albums, les cahiers de musique, les keepsakes, les tapis, les potiches, les cadres, les tentures, se confondaient dans un inexprimable chaos. Mon bon vin, échappé de ses bouteilles brisées, se mêlait à cette eau inhospitalière; mes dressoirs faisaient l'effet d'îles battues par la vague. Les jambons, les galantines, les volailles, le gibier, les soufflés, les compotes, les crèmes, prenaient un bain côte à côte avec mes beaux livres et mes belles reliures...
Je n'ai plus gardé qu'un vague souvenir des moments qui suivirent. Je ne pensais plus, je ne sentais plus, je ne voyais plus. J'avais de l'eau jusqu'à mi-jambe et je ne m'en apercevais pas. Il y avait là un médecin qui eût pitié de moi. il me prit la main, me tata le pouls, déclara que j'avais un violent accès de fièvre, donna ordre que l'on me hissât dans ma chambre, que l'on me fit mettre immédiatement au lit, que l'on me fit servir une potion calmante et qu'on fermât hermétiquement mes fenêtres. Ses ordres furent exécutés, comme sur une machine inerte. Toutefois, comme le sens littéraire résiste chez moi aux plus terribles catastrophes, j'eus le temps avant d'être emporté, d'ouïr les deux mots suivants, qui furent comme l'oraison de mon programme :
- On ne peut pas dire que M. le maire de Gigondas nous ait reçus sèchement, murmura le préfet.
- C'est tout à fait une hospitalité d'homme de lettres, dit la Philaminte : chez lui, la fontaine ne pouvait être qu'une fable.
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C'était un spectacle tout nouveau pour moi. Figurez-vous un gourmand que l'on enfermerait dans une cuisine, et que l'on forcerait d'assister, bouche béante, à tous les détails les plus réalistes des préparatifs d'un grand dîner. Dans une salle étroite et longue, sombre et basse, étaient dressées des tables où s'asseyaient, par groupes inégaux, des jeunes gens de dix-huit à cinquante-cinq ans, préludant à la gloire par la fumée. Ici, des mentons imberbes contrastant avec d'énormes chevelures; là des barbes en broussailles cachant aux trois quarts des joues hâves et amaigries; plus loin, des calvities précoces, des yeux plombés, des regards fébriles; ; partout cet air inquiet et effaré où se trahit le désordre des habitudes. L'âcre senteur du tabac se mêlait à des odeurs fades et rances, particulières aux tables d'hôte de cinquième ordre. Je cherchais vainement sur tous ces visages la douce et poétique gaieté de la jeunesse, l'expansion des natures bien douées, l'aimable cordialité de compagnons de voyages, marchant ensemble par les sentiers difficiles. Le noviciat littéraire s'y révélait à moi sous ces formes rudes et âpres qui caractérisent les démocraties. Des sourires maladifs, un mélange incroyable de trivialité et d'affectation, des mouvements de bêtes fauves essayant leurs dents et leurs griffes, des attitudes faméliques, des mots mis à la torture pour ressembler à des idées, une familiarité brutale, l'envie évidente de dévorer tous leurs supérieurs pour se préparer à écraser tous leurs égaux, tels étaient les traits dominants de cette réunion bizarre, qui promenait en bohème l'art du dix-neuvième siècle.
Eutidème (Jules Sandeau) me présenta, et j'éprouvais aussitôt une sensation qui ne m'a jamais quitté pendant ma carrière littéraire. Je devinai, à une foule de nuances, que, pour ces artistes en littérature, j'étais et resterais toujours un amateur, un étranger, toléré seulement à titre d'hôte passager et d'homme sans conséquences; que l'on m'accablerait de sarcasmes; que l'on s'arrangerait pour faire de mon nom, de ma fortune, de ma position sociale, autant de barrières et d'obstacles entre mon ambition et mon but; que l'on refuserait, en un mot, d'accepter ce déplacement de mon amour-propre, aspirant à effacer le gentilhomme sous l'écrivain. Tous ces gens d'esprit, rimeurs, dramaturges, conteurs, rapins, musiciens, peintres, statuaires, éditeurs, directeurs de théâtres, qui n'étaient pas, semblait-il, grands partisans des distinctions nobiliaires, me donnaient du "monsieur le comte" avec la plus édifiante unanimité; mais évidemment, ce "monsieur le comte" signifiait : "À bon entendeur, salut ! Vous ne serez jamais des nôtres; restez chez vous, et ne chassez pas sur nos terres".
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Survint un des habitués du salon, Maurice de Prasly; il s'approcha du feu après avoir salué la maîtresse de la maison, et dit étourdiment : "Je suis gelé !"...
- Non, mon cher, vous n'êtes pas gelé., reprit doctoralement Plombagène : si vous étiez gelé, vous ne pourriez plus ni parler, ni marcher; il faut, pour la congélation du corps humain, vingt-huit degrés Réaumur, et nous n'avons ce soir que huit degrés centigrades. Marforius, dans son "Voyage au Spitzberg", donne de curieux détails sur les conditions nécessaires pour qu'un homme soit gelé : les yeux brûlent, le sang cesse de circuler, la vie abandonne les extrémités, les oreilles sont assourdies par un bourdonnement sinistre : j'ai les trois volumes in-4° de ce "Voyage" dans ma bibliothèque; si vous voulez, j'irai vous les chercher et nous les parcourrons ensemble. Au surplus, il n'y avait pas d'hommes mieux renseignés là-dessus que nos vétérans de la campagne de Russie. Je me souviens, entre autres, d'avoir fait causer un sergent qui avait eu l'oreille gauche gelée en sortant de Wilna; dix-neuf ans après, il s'en ressentait encore; nous étions ensemble dans la tranchée, c'était l'avant-veille de la prise d'Anvers...
- Mon ami, je vous en prie, sonnez pour qu'on nous apporte d'autres cartes! s'écria Hapragona, qui avait depuis longtemps compris la nécessité de ces diversions.
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