Dès le début, Marie-Gabrielle Capet s'installe chez sa maîtresse, rue de Richelieu, avec Mlle de Rosemond. Elles sont, de toutes les élèves de Mme Labille-Guiard, les deux préférées. Non contentes de travailler, sous sa direction, à compléter leur instruction personnelle, elles la seconderont, Capet surtout, dans la préparation des portraits dont Mme Guiard recevra la commande. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce point et de démontrer que Mlle Capet fut bien, dans les années qui suivirent, la collaboratrice intelligente et dévouée de son professeur.
On pouvait admirer, au Salon du Louvre de 1785, un grand tableau de Mme Labille-Guiard, dont l'Académie royale de peinture, deux ans plus tôt, avait consacré le talent en l'admettant dans son sein. L'artiste s'y représente, assise dans son atelier devant son chevalet, palette et pinceaux à la main, ayant debout, derrière elle, ses deux élèves préférées : Mlles Carreaux de Rosemond et Capet, la première vue de face et l'autre de profil. Toutes deux sont jeunes et charmantes ; Mlle de Rosemond, avec ses beaux yeux noirs, regarde le spectateur et tient par la taille Mlle Capet, jolie brune coiffée d'un bonnet de tulle tuyauté, élégamment vêtue d'une robe de satin aux reflets changeants, dont le corsage moule une taille faite au tour.
L'intimité qui régnait déjà entre Tocqué et Nattier se resserrera encore davantage. Leur collaboration se fera plus fréquente aussi : formant une sorte d'association commerciale, ils se partageront les commandes. Un ménage veut-il se faire peindre? Nattier exécute le portrait de la femme et Tocqué celui du mari. Nous en citerons tout à l'heure de nombreux exemples en étudiant l'oeuvre de Tocqué, comme nous montrerons également que les deux artistes" s'influencèrent alors réciproquement d'évidente façon. Cette collaboration intime ne suscitera chez le maître aucun sentiment de jalousie.
Il va avoir trente-quatre ans ; c'est un âge où l'on commence à raisonner sérieusement et à refréner les élans impétueux de la jeunesse. Cette saisie lui donne à réfléchir et il va songer enfin à se faire recevoir de l'Académie royale de peinture, afin de n'être plus en butte aux tracasseries de l'Académie de Saint-Luc.
L'examen des qualités techniques du Maître inspire encore plus d'estime pour lui. L'exactitude, on peut même dire la précision de son dessin sont sans doute remarquables, on peut en juger par les magnifiques mains de ses modèles, mais c'est sa peinture même qui éveille surtout l'intérêt.
Les réflexions que j'ai faites sur la beauté de notre art, et sur ce qu'il doit en coûter pour se distinguer en l'exerçant, m'ont souvent ramené à une étude sérieuse pour tâcher de regagner ce qu'une dissipation outrée m'avait fait perdre dans ma jeunesse.