Citations de Aurélie Conti (53)
Il y a quelque chose de joyeux au royaume du Japon. C'est tout de même le pays où le soleil se lève. Cette naissance éternelle force à se jeter à corps perdu dans la vie, quitte à en mourir, comme ces intellectuels, ces politiciens, ces salarymen, si impliqués dans leur tâche qu'ils peuvent mourir de stress -- karoshi, mourir de surtravail -- voire se supprimer apès un échec ou une situation qui fait perdre la face.
Dans la salle, beaucoup de Japonais, peu d'occidentaux. Pas de Bill Murray sirotant son scotch au bar ni de Scarlett Johannsson déboussolée.
Tokyo la nuit : un paysage de bande dessinée futuriste. Des buildings crayonnés de gris, flanqués de fanaux rouges qui clignotent lentement sous les paupières grises de la nuit.
Sur le large trottoir, des filles habillées en soubrettes distribuent des tracts pour un maid café, restaurant où elles réconfortent les salarymen solitaires avec des rituels infantilisants, comme sucrer leur café et remuer la cuillère à leur place.
Le coucher de soleil me surprend vers dix-neuf heures en haut d'une ruelle, déversant une lumière rouge dans le ciel crayonné de fils électriques.
A se demander si ce ne sont pas ces fausses cigales fabriquées en Chine qui inondent les marchés provençaux. Un souvenir d'étudiante me revient en mémoire. Je descends la rue Gaston de Saporta, à Aix-en-Provence. Il est dix-neuf heures, au mois de mai, et les hirondelles saluent l'arrivée du soir en poussant des cris aigus dans les platanes de la place de l'Archevêché. Etonné, un Américain en short s'arrête et s'enquiert "Are these real birds?".
A Tokyo, pas un jeune homme de vingt ans qui n'ait de reflets noisette ou auburn (les boîtes de teinture pour hommes, aussi variées que celles des femmes, s'ornent de personnages de mangas). La fille de vingt ans, elle, arbore des boucles blondes et ne sort pas sans sa paire de faux cils.
Pour qui veut retrouver l'insouciance de l'enfance, le Japon est le pays idéal.
Lui n'a aucune photo à me montrer; il ne possède pas de téléphone portable.
L'océan Pacifique scintille sous nos yeux. On est toujours curieux de savoir quel visage a la mer dans un pays qu'on ne connaît pas. Fouler le sable humide, plonger la main dans l'écume fragile.
Mon hôtel est coincé dans une impasse d'Asakusabashi, à l'est de la ville, au bord d'un canal d'eau verte, immobile, où des péniches à toits de couleurs vives dorment comme assommées par la chaleur.
Depuis l'autoroute bordée de lauriers roses, Tôkyô m'apparut pointue. Arêtes recourbées de toits brunâtres; faîte des châtaigniers; pylônes de câbles pêle-mêle; îlots d'hôtels-capsules à enseignes verticales.
Je voyageais léger, des souvenirs et des rêves comme uniques bagages.