Citations de Aurélie Conti (53)
C'est l'harmonie du soir. Le ciel se teinte de rose au travers des feuillages. Comment saisir un instant aussi émouvant? Une photo ne rendrait pas la poésie de cette lumière. La peinture? L'écriture?
J'ai gravi le mont Fuji. Plutôt, le Fuji-San m'a laissée le gravir.
Qu'est-ce que la perfection? Le Pavillon d'Or, à Kyoto, Japon, est de ces chefs-d'oeuvre humains qui nous l'enseignent.
On reconnaît vite un endroit où l'on va se sentir chez soi.
Le jardin est silencieux. Deux fleurs d'hibiscus, une blanche et une mauve, ont été posées sur l'eau d'un bassin de pierre en forme de corolle. Comme un miroir l'eau immobile renvoie leur reflet et celui des feuillages au-dessus et s'écoule en un mince filet dans le bassin en dessous le long d'une feuille de laurier maintenue par une pierre.
Aucune aiguille de pin, aucune feuille morte ne jonchent le sol, le moindre gravier est à sa place. Chaque arbre a été rasé avec soin. Les pins aux aiguilles d'un vert lumineux sont taillés comme des bonsaïs. A leurs pieds, une mer de sable aux sillons ratissés en forme de vagues, surplombée par un mont Fuji aux pentes parfaitement lisses, au grain de sable près.
Le Pavillon d'Argent apparaît serti dans une loge de verdure, un jardin zen parcouru de rubans d'eau transparente au bord desquels même la mousse semble avoir été taillée par un jardinier minutieux.
La silhouette des pins, symbole du bonheur au Japon, se découpe comme autant d'éventails tracés à l'encre de Chine.
Les frondaisons du parc baignent dans une lumière dorée de fin d'après-midi, de ces lumières mystiques qui annoncent le crépuscule. Les allées désertes à taille d'avenues remettent l'homme à sa place au milieu de la nature, c'est-à-dire tout petit.
A lire les syllabes inversées de Tokyo et Kyoto, qui sont à elles seules un poème, palindrome temporel, on croit qu'en arrivant dans cette dernière on va passer de l'autre côté du miroir du temps, que la cité impériale d'antan va nous apparaître aussi préservée dans le passé que Tokyo est futuriste.
Le raffinement des Japonais vient peut-être de la végétation dentellière qui les entoure.
Chaque plante, chaque arbre sont admirables au milieu de la brume, qui rend les teintes de vert encore plus lumineuses. Certaines feuilles, certaines branches semblent avoir été tracées d'un pinceau fin, par un artiste délicat. Les feuilles d'érable ciselées dans un vert foncé surplombent d'éclatantes fougères vert vif au pied de pins infinis qui semblent monter jusqu'aux cieux.
Le brouillard donne l'impression de marcher sur de la ouate comme dans un rêve. Les allées de la forêt sont si grandes qu'on se retrouve souvent seul. Au détour d'un bosquet, un petit pont à la peinture rouge écaillée fait le dos rond.
La beauté lave de tout. Cet or naissant qui éclaire le monde efface bêtise, laideur et violence. En haut du mont Fuji brille l'espérance, plus forte que tout.
Couvert de lave pourpre, le flanc chauve du volcan apparaît peu à peu... ...En bas, des forêts chevelues s'éveillent dans leur peignoir d'éponge vert bouteille.
Disque d'or somptueux, le soleil continue à s'élever dans l'azur et bientôt se détache de la coupe de feu.
Au fond du cratère du Fuji, point de secret dévoilé, point de trésor scintillant, si ce n'est l'informulable bonheur d'avoir réussi à arriver jusque là.
L'immense sommet mauve du volcan se découpe en dentelles de lave sous les yeux ahuris des grimpeurs.
La Terre est bleue à nos pieds, couverte d'une mer de nuages dont les escarpements figurent de lointaines montagnes, tandis que le ciel se teinte de jaune.
Jaillissant d'une coupe de feu, le disque rouge s'élève doucement dans une nappe d'or liquide. Il s'imprime sur la rétine. C'est la première fois que j'assiste au lever du soleil. Les lueurs de l'aurore, je les ai vues quelquefois, bien sûr. L'astre solaire rond et flamboyant comme sur le drapeau japonais, jamais.