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Citation de mamansand72


Et je n’avais jamais entendu parler de la Grande Plaine.
A sa vue j’ai été prise de désespoir. A la sortie de Wichita, Kansas, j’ai obliqué vers le sud, espérant la contourner, mais non. J’étais en plein centre de l’Oklahoma. Je ne m’étais jamais imaginé qu’on puisse trouver des endroits aussi plats sur une Terre aussi ronde. Dans le Kentucky l’horizon n’était jamais bien loin, car il y avait forcément des montagnes pour vous barrer la vue, et ça vous laissait toujours l’espoir d’avoir une bonne surprise au détour de la prochaine colline. Mais là-bas dans la plaine, tout se trouvait étalé devant vous, vous aviez beau écarquillé les yeux ça ne s’améliorait pas. Dans l’Oklahoma j’ai eu le sentiment qu’il ne me restait plus rien à espérer.
Ma voiture m’a lâchée quelque part au beau milieu d’un immense désert qui d’après les pancartes de signalisation était la propriété de la tribu cherokee. D’un seul coup il n’y a plus eu aucun rapport entre le volant et la direction que prenait la voiture. Par la grâce d’un miracle que je ne méritais sans doute pas encore, j’ai réussi à zigzaguer jusqu’au bord de la route, saine et sauve, et à trouver une station-service.
L’homme qui a redressé mon arbre de transmission s’appelait Bob Two Two. Je ne dis pas qu’il m’a volée - je n’avais qu’à me débrouiller toute seule - mais ce soir-là il est rentré chez lui avec un petit magot qui représentait presque la moitié de ma fortune. Je suis restée dans ce parking à parcourir du regard cette immensité déserte et désolée et je crois bien que je n’ai jamais été aussi près de lâcher prise et d’en finir. Mais ça n’avait pas de sens. Ma voiture était réparée.

Il y avait de quoi rire, vraiment. Toute ma vie, maman m’avait parlé des Cherokees comme d’un atout de secours. Elle avait eu un grand-père qui était un pur Cherokee, un des rares à avoir pu rester au Tennessee parce qu’il était trop vieux ou trop têtu pour se laisser emmener de force dans l’Oklahoma. Maman aimait à dire : « Si un jour la chance nous tourne le dos, nous pourrons toujours aller vivre chez les Cherokees. » Nous avions toutes les deux assez de sang cherokee pour y être admises. D’après maman, si on a un huitième ou plus de sang cherokee, ils vous prennent. Elle appelait ça nos « droits du sang ».
Manifestement elle n’y avait jamais mis les pieds. Sinon elle aurait bien vu que ça n’était pas un endroit où l’on pouvait avoir envie de vivre, à moins d’avoir un fusil aux fesses. J’ai compris que si on avait amené les Cherokees ici c’était pour qu’ils se couchent sur la terre et meurent sans même livrer bataille. Les Cherokees croyaient que Dieu était dans les arbres. C’est maman qui me l’a dit. Quand j’étais petite, je grimpais dans un arbre aussi haut que je le pouvais et j’y restais jusqu’au dîner. « C’est ton sang indien, disait-elle. Tu cherches Dieu. » Mais apparemment il n’y avait pas un seul arbre dans tout l’Oklahoma.
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