SI QUELQU'UN ÉCOUTE
MA MÈRE AU BORD DU LAC
Comme tu brilles ma mère émiettée
que tu es blonde
ravissante
c'est ce qu'on disait
sur le ponton
au lac de Constance ma mère.
Marcher dans l'herbe est blond
ma mère inconnue
dans la fraîcheur du soir.
Si blonde es ma mère
ma mère étrange.
p.19
CLARTÉ DE RIVIÈRE…
Quelle dilution pour cette eau
rêvée, de cette eau l’encre subtile ?
Au large, la lumière.
Au large, l’ombre d’une rivière,
un vert de veine qu’on devine.
Tout au fond ?
La vase.
Elle tourbillonne
et tout s’avale vivant, mouvant, les poissons muets,
vaseux, parents et enfants
muets de poissons à l’œil rond.
Je ne vous regarde plus, troublantes écailles,
j’ai dans le corps une clarté de rivière.
p.62
Exil
à Gérard Chaliand
J’ai goûté au sel, changé
mes vêtements. Il faut partir.
La même voix extérieure dira
il faut rester.
Chaque escale est déjà ville
avec des amis de brume, des tarifs inconnus,
des noms d’avenues difficiles à retenir.
Il faut partir,
entrer dans un paysage qui n’est pas le mien
et le mien, là, aussi proche
que les signes effacés d’une ardoise magique,
le mien disparaît peu à peu.
Je ne sais où a commencé le voyage.
Où et quand les allées tracées
en un temps qui n’a plus de lieu.
Je lève mon verre malgré l’amertume
aux invités de l’instant toujours magique,
je lève mon verre
au jardin qui fleurit sous les langues.
À découvert
En certains moments, regarder
le ciel est nécessaire et quel que soit
son état ne m’apporte qu’agrément.
Je sais que le ciel n’existe pas.
Mais tout est là.
Poésie non plus n’existe pas.
Mais sans elle je succombe.
Le ciel prend alors le relais. Lui,
ne disparaît pas.
Il faudrait qu’une source extérieure
dise pour moi ce qui se passe.
Sans doute rien. Ultime recours.
Que ce rien me tienne.
Bonne et MEILLEURE année à toutes et tous !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
La voix que j’aimais elle est devenue/ cerf-volant. Une main d’enfant le tient / par une ficelle qui monte.
SI QUELQU'UN ÉCOUTE
Premier jour du printemps …
Premier jour du printemps.
Sur ma jupe par terre étalée
un chaton joue
dans les plis qui sépare les mondes.
p.44
SI QUELQU'UN ÉCOUTE
PAYS DE PAPIER
C'est dans un village des Pyrénées
du nom duquel je ne peux que me souvenir.
Là où ils sont, chez eux,
dans les montagnes issues de plaques heurtées.
On y prétend que les arbres pleurent
pour nous qui prenons parfois la parole, de plus en plus
bas.
De ce côté-ci du monde j'ai un pays à défendre,
un pays qui n'existe pas qui n'existe
que d'être écrit.
Si je t'oublie, mon pays de papier.
p.13
p.22. Parmi les choses qu’on ne peut définir, la Voix,/ elle cogne à la vitre, on se précipite/ et cet oiseau de bonheur fait irruption / bec tout jeune.
SI QUELQU'UN ÉCOUTE
Y a-t-il dans les empreintes digitales…
Y a-t-il dans les empreintes digitales
une langue émiettée
sans ordre
les pauses la peur et les gestes
le désir lancinant de lumière
son noyau enfin délivré
vent de face
chaque mot pourtant
chacun je crois est trace
d'une autre
l'initiatique la secrète en plein cœur
p.20
SI QUELQU'UN ÉCOUTE
J'ai la tête ailleurs…
J'ai la tête ailleurs.
Suspendre les pensées.
Peindre les murs
d'une couleur de clairière.
Observer les oiseaux picorer la pluie.
Boire à la santé des étoiles,
du tigre chimérique sur l'autre rive
qui fait le projet d'exister.
p.15