Le monde est devenu cet antre infâme et pur, envahi de normes qui donne l'impression de fréquenter partout le même motel texan, la même chaîne hôtelière suédoise. Pas grand-chose n'a subsisté de cette nuit interlope qui aurait eu, peut-être, moins de force s'il ne s'était agi, aussi, de ce moment d'ivresse où les narines blanchissaient, où le whisky coulait, où la fumée des cigarettes s'élevait en volutes dans un brouillard mêlant conversations et musique. Cette proximité du plaisir, de la gratuité, de l'inconscience, faisait pour une part la valeur de telles aventures, avant que ne s'impose l'idée du danger, de la punition et de la mort. Notre époque anxieuse rêve de sécurité ; mais j'ai quelque peine à goûter ce genre de vie nocturne, trop parfaitement hygiénique et dépourvue d'excès.