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Biographie :

Benoît Malbranque est le directeur des éditions de l'Institut Coppet. Il est l'auteur de plusieurs livres, dont le dernier est intitulé : Les origines chinoises du libéralisme (2021).

Source : Institut Coppet
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Né en avril 1889 près de la frontière austroallemande, Adolf Hitler se rêva d’abord peintre, puis architecte. Son attirance pour la politique débuta à ses 16 ans. Selon ses propres dires, il avait compris dès son jeune âge la nécessité de l’intervention gouvernementale dans les affaires économiques et sociales, critiquant âprement l’État autrichien qui, comme il l’écrira dans Mein Kampf, « ignorait toute justice et toute législation sociale. » Il s’intéressa intensément à ce qu’il appelait la « question sociale », se demandant comment résoudre le problème de la pauvreté des masses. Ignorant tout des principes qui basent habituellement le choix politique, il n’avait pas encore à l’époque des convictions très claires.

Le socialisme « classique », celui du parti social-démocrate, ne lui déplaisait pas. Ce n’est pas qu’il contenait ses premières vues sur la politique, la nation, et l’économie, mais les objectifs socialistes lui semblaient au moins louables, et allaient dans le même sens que les siens : la suppression de la misère du peuple. « L'activité de la Social-Démocratie, écrira-il, ne m'était nullement antipathique. Qu'elle se proposât enfin, comme j'étais alors assez sot pour le croire, d'élever le sort du travailleur, m'incitait encore à l'appuyer plutôt qu'à la dénigrer. » Ce flirt léger, en effet, ne dura qu’un temps. D’intenses lectures et l’expérience de la guerre suffirent pour lui retirer sa « sottise ».

Selon le témoignage de Karl Honisch, l’un de ses amis proches durant ses années passées à Vienne, Hitler était animé d’une véritable haine pour l’argent et l’esprit de lucre en général. Ce serait en vain, par contre, qu’on chercherait chez lui des traces d’un antisémitisme. Son esprit n’avait pas encore fait le lien entre les Juifs et le capitalisme, et quitte à désigner des coupables, il rejetait plutôt la faute sur les chrétiens. Hitler était donc
anticapitaliste à Vienne, ce qui n’était pas la norme, mais n’était pas encore antisémite, alors que c’était là, selon les mots de Kershaw, « l’une des villes européennes où l’antisémitisme était le plus virulent ».

Nous pouvons en conclure qu’Hitler était anticapitaliste avant d’être antisémite, et antisémite avant d’être anticommuniste, ce qui, au surplus, est un parcours intellectuellement logique — nous le verrons. (pp. 30-31)
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La terre devait appartenir à la nation, et pas au paysan. Comme le dira Hitler lui-même, « le sol appartient à la nation, et l’individu n’a le droit que de l’emprunter et d’en tirer les fruits. » Cette conception exigeait la reconnaissance d’un autre principe réglementaire : « Un produit naturel n’est pas de la propriété privée, c’est de la propriété nationale. La terre ne doit donc pas être l’objet de marchandage. »

Par ses vues sur la propriété, il est clair que le national-socialisme se rapprochait nettement de l’idéologie soviétique. Parce que l’anticommunisme a longtemps été mal-interprété, nous sommes souvent amenés à croire que les Nazis avaient honte que de tels parallèles puissent être tracés. En réalité il n’en fut rien, et c’est parce que certains principes communistes fonctionnaient que les Nazis les intégrèrent dans leur vision. Dans le chapitre consacré aux objections, nous avons consacré de longues pages à la relation entre communisme et nazisme, dans lequel nous revenons sur les sentiments souvent bienveillants que les Nazis témoignèrent en privé. Ces sentiments comprenaient la célébration de l’efficacité du système économique soviétique ou du moins de certains de ses manifestations. Le système stakhanoviste, celui des méthodes coercitives accompagnant un culte de la performance, en est un exemple. Impressionné par ce système, il dira ainsi à ses proches : « Il est stupide de se moquer du système stakhanoviste. Les armes et les équipements des armées russes sont la meilleure preuve de l’efficacité de ce système dans la gestion de la ressource humaine dans l’industrie. Staline mérite notre respect inconditionnel. Dans son propre genre, il est un vrai camarade ! Il connait très bien ses références, Genghiz Khan et les autres, et la portée de sa planification industrielle n’est dépassée que par notre propre Plan Quadriennal. Et c’est évident également qu’il est tout à fait déterminé à ne pas avoir un chômage tel que celui qu’on trouve dans des pays capitalistes comme les États-Unis. »

En établissant ce système et en ayant eu la présence d’esprit de construire un « socialisme dans un seul pays », et donc un socialisme national, Staline devait donc être célébré. Selon les Nazis, ses accomplissements étaient fantastiques et la Russie stalinienne devait être considérée comme l’une des nations les plus avancées du monde. Au milieu de la guerre, Hitler déclarera même qu’avec quelques années de plus elle aurait pu devenir un « monstre super-industrialisé ». Citons ses mots : « Si Staline avait eu dix ou quinze ans de plus, la Russie serait devenu le plus puissant pays du monde, et deux ou trois siècles auraient été nécessaires pour faire changer cela. C’est un phénomène historique ! Il a augmenté le niveau de vie — cela ne fait aucun doute. Plus personne ne meurt de faim en Russie. Ils ont construit des usines là où il y a deux ou trois ans il n’y avait que des villages inconnus — et des usines, tenez-vous bien, aussi grandes que les Hermann Göring Works. Ils ont construit des lignes de chemin de fer qui ne sont même pas encore sur nos cartes. En Allemagne nous nous disputons sur la fixation du prix des billets avant même de commencer à construire la ligne ! J’ai lu un livre sur Staline ; je dois admettre que c’est une personnalité immense. » (pp. 73-74)
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« Nous sommes socialistes, clama Hitler dans un discours de 1927. Nous sommes les ennemis du système économique capitaliste actuel, avec son exploitation des économiquement faibles, avec ses salaires injustes, avec son évaluation indécente de l’homme selon la richesse et la propriété, plutôt que selon la responsabilité et la performance, et nous sommes déterminés à détruire ce système à n’importe quelles conditions. »

Hitler voyait dans le capitalisme le mal absolu. De manière logique, il considéra l’individu capitaliste, l’homme d’affaires, comme le plus âpre et plus direct adversaire du national-socialisme. Autant il affirmera avoir toujours reconnu que les communistes pourraient rejoindre le Parti national-socialiste, autant, à l’inverse, il n’imagina jamais comment des capitalistes pourraient le faire et adhérer à son idéologie : « Nos adversaires ont tout à fait raison quand ils disent : “Rien ne peut nous réconcilier avec le monde National-Socialiste’’. Comment un capitaliste borné pourrait bien s’accorder avec mes principes ? Il serait plus facile pour le Diable d’aller à l’Église et de se bénir d’eau sacrée plutôt que pour ces gens de comprendre les idées que nous tenons aujourd’hui pour des faits. »

A plusieurs reprises, le jeune Goebbels manifesta aussi son anticapitalisme. En 1928, après une discussion avec un ouvrier, il évoquera dans ses cahiers l’ « exploitation » inhérente au système économique capitaliste : « Je suis resté un long moment encore avec le camarade Engel. C’est un type très bien. Un travailleur allemand. Un million comme lui et l’Allemagne serait sauvée. De nos jours, ce précieux capital est dilapidé par le capitalisme. Engel m’a parlé du travail à la chaîne chez Ford. C’est pire que l’esclavage. On est forcément pris d’une peine profonde en regardant la façon dont le système assassin actuel saigne et assassine petit à petit les forces les plus utiles du peuple allemand. C’est désespérant. »
(…)
Dans son appréciation du capitalisme et des questions économiques, Goebbels s’inspira tellement des conceptions de Marx qu’on pourrait assez facilement les confondre l’un et l’autre. Voyez plutôt avec les deux citations suivantes : « Tout argent est poisseux parce qu’il vient avec de la sueur et du sang » et « Le capital naît en suant le sang et la boue par tous les pores ». Laquelle est de Karl Marx, laquelle est de Joseph Goebbels ? Observons-en une autre : « Le travailleur dans un État capitaliste n'est plus ni un être humain, ni un créateur, ni un producteur. Sans qu'il puisse le comprendre, il est devenu une machine, un numéro, un rouage dans la machine. Il est aliéné par ce qu'il produit. » Cette citation provient-elle de Karl Marx, le philosophe de l’aliénation et de l’exploitation capitaliste, ou de Joseph Goebbels ? Elle est tirée d’un pamphlet de Goebbels.

A mesure que s’affirmait leur tempérament socialiste, les Nazis rejetaient avec une force croissante les institutions et les principes fondamentaux du capitalisme libéral. (pp. 67-68)
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Devenu journaliste socialiste, le jeune Benito Mussolini fut d’abord l’éditeur de L'Avvenire del Lavoratore (L’avenir du travailleur), puis de Lotta di classe (La Lutte des Classes), avant de diriger le célèbre Avanti ! (En avant !). Ses positions politiques étaient fermes, et sans aucune ambiguïté. « Les discours et articles de Mussolini, raconte ainsi un biographe, étaient toujours en faveur du socialisme. Il y prêchait la révolution, souvent par des moyens violents. Les travailleurs devaient arracher les chaînes imposées par les propriétaires des entreprises et des fermes. Lorsque la révolte serait terminée, le monde serait juste et les travailleurs domineraient. » A. James Gregor, évoquant ces jeunes années de journaliste, parle quant à lui d’une conviction socialiste forte et d’une acceptation d’un « socialisme orthodoxe intransigeant et doctrinaire. » De par son activité journalistique et militante, Benito Mussolini acquit dès cette époque une grande renommée au sein du mouvement socialiste italien, ainsi qu’un surnom : il Duce (le chef).

Nationaliste convaincu et fervent socialiste, il était devenu l’une des figures centrales du mouvement socialiste italien. Lorsque la guerre éclata, il se prononça en faveur de l’intervention armée, ce qui lui valut d’être exclu du Parti Socialiste Italien, qui avait référé choisir la neutralité. Ce point a été affreusement monté en épingle par certains historiens. Comme ceux du nazisme, les historiens du fascisme italien ont tendance à vouloir se débarrasser par tous les moyens de l’encombrante dimension socialiste dans le fascisme. Ainsi l’un des grands biographes de Mussolini, Renzo De Felice, explique-t-il que Mussolini abandonna le socialisme au début de la Première Guerre mondiale, pour devenir nationaliste. Imaginer qu’il fut à la fois socialiste et nationaliste, à la manière d’Hitler, est de toute évidence impossible à admettre pour lui. Peter Neville explique quant à lui que Mussolini a « trahi l’héritage socialiste de son père » en optant pour le nationalisme, et que par la suite son socialisme ne servait qu’à « renforcer sa popularité auprès de la classe ouvrière. » Évidemment, tout comme un gentil socialiste est nécessairement sincère, un méchant socialiste ne peut l’être. Nous avons vu ces plates excuses ressortir dans l’étude du cas nazi.

Durant les premiers mois de l’année 1917, c’est-à-dire au moment de l’éclosion de la Révolution russe, Mussolini afficha son plus complet soutien au mouvement bolchevik, ne tarissant pas d’éloges pour son leader, Lénine. En Europe occidentale, la Grande Guerre continuait. Mussolini servit en tant que soldat. (pp. 47-48)
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