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Critiques de Bernard Kreiss (38)
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Atlas d'un homme inquiet

Puffin de la nativité, fou masqué, pétrel de castro, gygis blanche…..les noms magiques des oiseaux de l’île de Pâques, d’où, l’écrivain autrichien, grand voyageur, C.Ransmayer, nous initie à un fabuleux tour du monde, doublé d’un voyage intérieur, à travers soixante-dix anecdotes.

Rencontrer par un temps de neige, sur la Grande Muraille de Chine, un anglais « bird watcher », collectionneur de chants d’oiseau, originaire du comté gallois de Swansea, .....une muraille de chants d’oiseau, une mission,

Silencieux, lever les yeux vers les étoiles entre lesquelles la comète la plus lumineuse du millénaire passe devant une Lune occultée dans un café sur une colline de la ville côtière californienne de San Diego,quand......l’intérêt à un événement majeur céleste détourné au profit d’un événement mineur terrestre,

“...reconstruire par la pensée même en pleine tempête de sable, chaque nuit, tout au long de sa vie, et reconnaître en lui le plus court chemin menant aux étoiles”, ....un pont céleste dans le Sahara, lieu de tertres funéraires édifiés par un peuple du désert,......

Cinquante ans de pérégrinations à travers le monde, rapportés en soixante dix saynètes, dont chacune commence avec “Je vis..... “, (“Je vis un jeune albatros royal sur un escarpement herbu, proche de l’ancienne colonie maori d’Otakou sur l’île du sud de la Nouvelle-Zélande.”). Une répétition, unité de continuité, d’un lieu à un autre, où l’œil de Ransmayer, conteur hors paire, déploie à partir de l’image d’une chose vue et vécue , une courte histoire intense en action, émotion et réflexions. Une histoire reliée à l’homme, la faune, la flore, l’histoire et les mythes du lieu.

Des récits qui privilégient les oiseaux et les insectes et où l’auteur n’est qu’un individu de passage, un simple témoin de l’histoire propre au lieu.

Une forme bien structurée, un fond concret, profond, émouvant, pleine de poésie, intéressant et passionnant, servi d’une magnifique prose.

Des petits bijoux, des histoires miniatures.

“Le souverain des héros”, une ballade au tombeau d’Homer, “Dans les profondeurs”, la rencontre avec une baleine, en plongée dans les eaux profondes de Silver Banks,au nord des côtes de Haïti et de la République dominicaine, “Drive au Pôle Nord”, un golfeur et son pari de tirer 18 balles en direction de l’Equateur, “Un requin dans le désert “,truculent et triste, ”Le scribe “qui grave des prières dans la pierre sur les rives d’un lac tibétain, ......des récits,que je n’oublierais pas de si tôt, sans exception.

Une lecture jubilatoire, riche, à la découverte de nouveaux monde, de nouveaux horizons !

Gros coup de cœur !



« il n’y a pas de début ni de fin. J’ai certes introduit un ordre mais on peut prendre ces histoires dans le sens que l’on veut, comme on feuillette un atlas ».

C.Ransmayer

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Gloire tardive

Léonard Saxberger approche de ses soixante-dix ans. Il s’est installé, depuis 35 ans, dans une petite vie enveloppée d’une torpeur confortable, entre son bureau où il occupe un emploi de fonctionnaire, ses promenades et ses visites au café de « La Poire bleue » où il partage les parties de billard et les fêtes arrosées des habitués.



Cet homme tranquille a oublié les vers publiés dans sa jeunesse, réunis dans un recueil titré « Promenades ».

Quand, au retour de l’une de ses promenades, un visiteur l’attend chez lui, il tombe des nues, décontenancé face à l’enthousiasme de ce jeune poète admiratif qui fait partie d’un cercle d’artistes nommé « La jeune Vienne ». Il l’invite à se joindre à eux lors de leurs rencontres au café de l’Exaltation.



Le visiteur parti, Saxberger ne sait que croire : se moque-t-on de lui, est-il vraiment digne de cette admiration ?



Tout l’intérêt de cette nouvelle tient dans l’attachement que l’on éprouve pour cet homme vieillissant qui revit au contact de cette jeunesse qui l’accueille et lui permet de retrouver un peu la sienne. Tout en lui en redonnant l’image oubliée, cette rencontre suscite des questionnements qui se font jour dans l’esprit de Saxberger. Pourquoi lui ? Sont-ils sincères ? A-t-il vraiment du talent ? n’est-il pas ridicule ? Et le lecteur se pose les mêmes et se demande où ce regain de vie va-t-il le mener…



« Le vieux monsieur se sentait léger et de belle humeur. Il songea : Mais pourquoi tout cela aujourd’hui seulement ! Si tard ! Que n’ai-je fait cette rencontre il y a trente ans — ou vingt ans, ou même, il y a cinq ans ! Et là-dessus, une fois de plus, l’impression d’avoir retrouvé la fraîcheur de sa jeunesse s’imposa avec une force telle qu’il finit par se dire à lui-même : non, il n’est pas trop tard. » p 60



Le texte nous fait vivre toutes les hésitations, les doutes et aussi les agacements et les conflits inévitables entre son ancienne vie et celle qu’il croit avoir retrouvée au sein du cercle de « la jeune Vienne » qui le mène malgré lui à rêver d’une reconnaissance, voire d’un possible succès inattendu.

Le ton de Arthur Schnitzler est assez ironique et quelquefois sans indulgence, un mélange de dérision et de cruauté quand il dépeint les habitués des cafés que ce soit ceux du billard de La Poire bleue ou le milieu littéraire et journalistique du café de l’Exaltation.



Au final, un texte que j’ai pris plaisir à découvrir grâce à Babelio et aux éditions Albin Michel qui m’en ont permis la lecture avant parution.

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Atlas d'un homme inquiet

Je me suis réconciliée avec la géographie.



L'atlas d'un homme inquiet, au joli titre, est un atlas bien particulier, il est vrai.



Quelque 70 nouvelles, comme les perles d'un collier baroque, enfilées- semble-t-il, de prime abord- sans le moindre ordre, toutes époques, tous continents, toutes tonalités mêlées...



Le seul fil conducteur apparent est constitué par une modeste anaphore au passé simple -le présent littéraire du passé- "JE VIS" qui , en tête de chaque nouvelle, donne l'illusion d'un témoignage objectif car visuel, et en même temps - voilà que je macronise! au secours!- d'une résurgence irrépressible et littéraire de la mémoire.



On passe de l'île de Pâques à la Muraille de Chine, d'un désert sud africain plein de sacs en plastique colorés à la chambre d'un blanc glacé, la cellule surveillée par une caméra et aux fenêtres condamnées, d'un hôpital psychiatrique autrichien isolé au milieu d'une forêt sauvage....



On revoit le tsunami de 2004, on ressent le tremblement de terre qui souffla d'un coup les lumières de la grande ville grecque de Kalamata..



Mais ce ne serait qu' un carnet de voyages artificiel, décousu et un peu vain - suite de miscellanées élégantes, album de voyages multiples arrachés à l'oubli par un chromo choisi,- sans la puissance spirituelle et philosophique des thèmes abordés, sans la concordance des liens invisibles entre les nouvelles, que l'on s'amuse à chercher, à saisir, , sans la subjectivité émouvante de cet atlas qui pas à pas, discrètement, avec pudeur, trace peu à peu le portrait d'un homme inquiet: l'écrivain lui-même.



Et tout ceci ne serait rien sans la magie hypnotique de la phrase,- longue, sensible, enroulée, pleine de détours, de retouches, d'apartés - qui essaie toujours de retrouver au plus près la sensation, le souvenir, de ne pas l'enjoliver, de lui garder son étonnante fraîcheur de fleur entre les pages d'un herbier, d'en redonner la force d'impact originelle...



Je reste touchée par une sorte de grâce- voilà que je me prends pour Claudel maintenant, ça va vraiment mal!- oui, n'ayons pas peur des mots.



Je viens de voyager longuement et lentement entre les pages d'une sorte de journal intime et universel à la fois- non, je ne dirai pas "en même temps"!- où il suffit qu'une petite soeur glisse sa main dans celle de son frère pour que chiens, orages et tempêtes de neige, étrangement convoqués dans la même scène de panique absolue, s'évaporent comme par enchantement, où les étoiles s'allument en même temps que les villes s'éteignent- ça y est, je l'ai encore dit!- où les arbres et les baleines ont plus d'humanité que les hommes, où le fleuve (de sang?) des Khmers ...rouges inverse son cours comme une image "luctable" du destin, où un petit enfant écrit sur les berges d'un lac tibétain toute la sagesse du monde, où le toit d'un grenier s'envole, dévoilant comme le couvercle brusquement enlevé d'une boîte diabolique, les trésors secrets de deux enfants...et les turpitudes de toute une nation, où... .



Mais il faut que j'arrête: faites vous-même votre moisson d'images, constituez votre propre album dans ce livre dépaysant et en même...( non! je résiste!) - et également familier, envoûtant et détaché, ironique et bouleversant.



Merci Booky, encore une fois, pour moi , à l'origine d'une belle découverte!
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Gloire tardive

Je remercie Babelio et les éditions Albin Michel pour m'avoir permis de découvrir "Gloire Tardive" en avant-première grâce à l'opération Masse Critique.

Je connaissais déjà la plume de l'auteur, ayant lu "Mademoiselle Else", court roman qui m'avait fait forte impression, et ce surtout grâce à son héroïne à l'esprit brillant et au caractère vaniteux, qui a l'audace de se démarquer des autres héroïnes par ses défauts et son réalisme désespérant.



Il est difficile de croire que le vieux Edouard Saxberger, qui mène une petite vie bien rangée, bien tranquille et surtout bien ennuyeuse, eut la prétention dans sa jeunesse d'embrasser la carrière de poète, et même l'audace de publier un recueil, oublié et inconnu de tous, "Les Promenades", dont les rares exemplaires vendus traînent dans sa miteuse bibliothèque. Enfin, c'est ce qu'il pensait, jusqu'à ce qu'il fasse la connaissance d'un groupe de jeunes artistes, qui semble sincèrement, bien qu'étrangement, l'aduler et lui vouer une admiration sans borne, à lui et à sa bien maigre oeuvre. Serait-il possible que ses écrits valent vraiment quelque chose, et que seule "La Jeune Vienne" talentueuse soit assez sensible pour le remarquer ? Est-il vraiment trop tard pour connaître le succès qu'il désirait tant - et qu'il désire toujours au fond de lui ?

Saxberger, considéré par tous les membres comme un visionnaire au talent injustement méconnu, est alors intégré dans le cercle "Exaltation" créé par ces jeunes artistes aux rêves grandioses, qui s'imaginent un destin prometteur et glorieux, ce qui fini par contaminer le pauvre bougre de ses espoirs, de ses rêves de reconnaissance et de gloire tardive... Mais la vieillesse a-t-elle vraiment le droit de se voir couronner de succès ? C'est ce que l'auteur nous propose de découvrir à travers ce court roman.

Malgré cette intrigue originale et ses réflexions intéressantes, j'admets avoir été un peu déçue par la chute, que j'attendais plus exceptionnelle et plus désespérante. Il n'empêche que j'ai apprécié cette oeuvre, j'ai d'ailleurs noté de nombreux points communs - tant dans le caractère cruellement passionné et psychologiquement tortueux des personnages et de l'histoire conté - avec les oeuvres de Stefan Zweig que j'admire tant: même si c'est court, ça reste intense et marquant.

De plus le style d'Arthur Schnitzler est impeccable, à la fois impitoyable et percutant.

Une belle découverte en somme !



"Aussi longtemps qu'on est jeune, on peut éventuellement donner forme à pas mal de choses... et plus tard... plus tard ça passe, on ne sait comment."
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Atlas d'un homme inquiet

Cet Atlas d'un homme inquiet, disons que c'est un carnet de voyage, des évocations de différents souvenirs des pérégrinations de l'auteur autrichien Christoph Ransmayr. Il s'est promené sur tous les continents, même dans les endroits les plus sauvages, les plus isolés. Je dirais même surtout ceux-là. De l'immensité de l'Arctique russe aux îles éparses du Pacifique en passant par les sommets tibétains et la jungle brésilienne. Il a vu des paysages à en couper le souffle, il a croisé des animaux majestueux, il a rencontré des gens extraordinaires. Mais il ne faut pas confondre ses écrits avec un guide touristique, loin de là. On n'y découvre pas les meilleurs endroits à visiter, bien souvent les indications sont imprécises. Plutôt, ses écrits portent à la réflexion, au respect de la nature et de l'histoire, à la place de l'Homme dans l'univers, etc. Je lisais rarement plus d'une nouvelle ou deux à la fois, afin de m'en imprégner, d'en retirer un petit quelque chose, ne serait-ce qu'une vision du monde. Ainsi, ses voyages m'ont paru merveilleux et ils m'ont donné l'envie de suivre son exemple, de me lancer à l'aventure. Les chances que cela arrive réellement son minces mais c'est beau d'y rêver…



Dans ce cas, pourquoi se considère-t-il comme «un homme inquiet» ? Eh bien, être ainsi aux premières loges permet de constater d'abord les dégâts causés par l'Homme. Ransmayr a vu des hommes trouver plaisir à écraser un anaconda, à déboiser des forêts, à se faire la guerre. Mais, même au milieu du chaos et des conflits, on peut trouver un moment de répit, comme quand il se laisse voguer sur une rivière de l'Asie du Sud-Est. Et toutes les folies des hommes, parfois, ne servent que la nature à long terme car elle sait reprendre ses droits. Comme dans cette nouvelle où un des amis de l'auteur, vivant au Brésil, qui doit repousser continuellement l'avancée de la forêt brésilienne sur son pâturage. Je mise sur la nature.



Mais les déboires des hommes l'ont aussi touché. Par exemple, cette nouvelle où Ransmayr s'arrête dans une taverne dans le sud de la Grèce. Il s'y était arrêté souvent ces deux derniers mois, la vue panoramique sur la mer et les environs était époustouflante. Mais cette nuit-là, un tremblement de terre avait secoué la région et toutes les lumières des villages avoisinants de sont éteintes, comme s'ils avaient disparus, comme s'ils avaient été engloutis… Il ne restait plus que le reflet des étoiles dans la mer. Il y en a d'autres, comme cela.



Pendant ma lecture, régulièrement, j'avais le souffle coupé par la beauté des paysages décrits. Mais Ransmayr ne le fait pas à grands coups de descriptions, non ! Il sait mettre le doigt sur ce qui est vraiment important. Ainsi, j'arrivais sans peine à tout visualiser, et cela parfois à l'aide de seulement quelques mots et quelques impressions, souvent un détail qui, à lui seul, embrassait l'essentiel. Peut-être aussi la brièvement de chacune des nouvelles y aide, la plupart s'étirant sur cinq à dix pages. le lecteur n'a pas le temps de s'ennuyer, déjà on l'amène ailleurs, en de nouveaux lieux enchanteurs à découvrir. Et sur lesquels réfléchir. Décidément, cet Atlas d'un homme inquiet est un véritable voyage poétique, initiatique, et j'en recommande vivement la lecture.
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Gloire tardive

Ce livre je l'ai reçu dans le cadre d'un partenariat particulier proposé par Babelio. Merci à eux et tout particulièrement Pierre Krause.



Je remercie également les Éditions Albin Michel.



J'ai reçu l'exemplaire des épreuves non corrigées, ce qui m'a surpris sur le coup. Mais outre la couverture avec ce bandeau "Épreuves non corrigées" et sans la photo de l'auteur prévue pour la version finale, le livre est de très belle facture : du beau papier très doux agréable au toucher, une agréable police de caractère.



Il y aura peut être quelques retouches mais je n'ai pas vu et lu des coquilles... En même temps je ne suis pas experte en orthographe...



Je ne connaissais pas cet auteur, même de nom je l'avoue, mais sa présentation m'a donnée envie de le découvrir par l'intermédiaire de ce partenariat particulier et à travers ce roman édité à titre posthume.





L'histoire de ce récit nous est relaté dans une postface de 13 pages. Celle-ci mets en lumière ce texte et nous fait comprendre que cette nouvelle est somme toute assez autobiographique.



Cette nouvelle rentre en résonance avec la vie d'Arthur Shnitzler et le milieu artistique de l'époque.



J'ai apprécié de voir le processus qui a conduit à ressortir des écrits de cet auteur. Une histoire à travers la grande histoire. La volonté de certains hommes et femmes à préserver des œuvres d'art (littéraire ou autre) au péril de leur vie est pour moi quelque chose de vraiment admirable.



Cette nouvelle c'est l'histoire de ce vieux monsieur qui sort de son train train quotidien par l'attrait d'un jeune homme pour un recueil de poésies qu'il a écrit bien des années avant.



Le jeune homme lui vante les mérites de son recueil de poésie. Et oui il y a fort longtemps Monsieur Saxberger était poète... Meier le jeune artiste va alors l'entraîner et le faire rentrer dans un cercle d'artistes beaucoup plus jeunes en quête de notoriété et surtout de créations.



En quête de gloire ces soit disant artistes vont réveiller en ce vieux monsieur des envies de gloire tardive.



On plonge alors dans les pensées de ce vieux monsieur, qui aura envie de ressentir l'admiration de ses lecteurs et de profiter d'une gloire tardive.



Hélas le vieux monsieur est aussi solliciter par le cercle d'artistes pour créer à nouveau... Et s'est là, que la chute sera rude ...



Création et gloire sont deux choses si capricieuses... Elles ne se décrètent pas !



La prise de conscience sera bien dure et la chute inévitable.... (même si au fond ce n'est pas de bien haut que Saxberger tombera...)



L'écriture de Shnitzler me parait classique, reflétant une époque et un style de vie. Nette et sans bavures.



Si ce vieux poètes m'a intéressé, ce récit ne m'a pas trop touchée.... D'autres romans de l'auteur me plairait peut être davantage... Mais pour l'instant je vais m'en tenir là.



" Mieux vaut tard que jamais " dit-on

là, le "jamais" aurait peut être été plus doux pour cet homme

qui n'aurait pas quitter "la sourde et molle quiétude d'antan."
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Gloire tardive

J'ai beaucoup aimé ce court roman (ou cette longue nouvelle comme on préfèrera) qui nous fait réfléchir sur la célébrité et les raisons de la célébrité. Un vieil homme se retrouve au centre d'un club littéraire, encensé pour un livre de poésies publié il y a longtemps. Il mène une vie bien terne et cela va ensoleiller son existence. Il connait une gloire tardive, mais parviendra-t-il si longtemps après à trouver de nouveau de l'inspiration ? Et sur quoi repose véritablement cette admiration ?

Le livre interroge les ressorts de la notoriété selon les codes en vigueur dans le Vienne de la Belle époque. Point d'influenceurs ici mais de la littérature comme vecteur et point de réseaux sociaux, mais bien au contraire les cafés, célèbres de Vienne.

On retrouve ici la cruauté de Schnitzler sans vouloir trop en dire et cette ambiance unique d'une ville si fascinante dans une traduction qui m'a semblé un peu désuète mais charmante et dans une édition de poche très plaisante, avec une intéressante postface.

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Atlas d'un homme inquiet

Soixante dix courts textes, d'un voyageur inlassable, qui parcourt le globe, et qui partage avec ses lecteurs des moments captés au cours de ses voyages. Des moments brefs, des instantanés, en quelque sorte. Des moments brefs, dont certains peuvent sembler banals à première vue, mais à qui Christoph Ransmayr donne une densité, un arrière goût de spiritualité, qu'il interprète, qu'il analyse. Un vieil homme qui invective l'océan sur une plage brésilienne, un homme endormi surveillé par des enfants en Autriche, un pécheur malchanceux qui n'a pêché qu'un unique homard en Irlande...chacun d'entre nous a sans doute été confronté à des scènes semblables sans forcément y prêter beaucoup d'attention. Christoph Ransmayr en fait des instants essentiels. Son regard transforme l'anodin par l'intensité du regard qu'il porte aux êtres et aux contextes.



Il y a des moments plus intenses, comme cet avion militaire en Bolivie qui mitraille l'auteur et les deux personnes qui l'accompagnent. Le monde que traverse Christoph Ransmayr est d'ailleurs souvent violent, plein de dangers et de cruauté. Illuminé parfois par la grâce, comme lorsqu'il croise un homme qui calligraphie des poèmes avec de l'eau, destinés à s'évaporer aussitôt que finis. Mais la violence et la destruction sont plus fréquents que la sérénité, les traces et souvenirs de guerres sont partout présents, comme dans le mythe fondateur de la guerre de Troie, évoqué à plusieurs reprises.



Une cartographie de notre monde, personnelle et inspirée, dont l'écriture est en grande partie la marque de fabrique. Une véritable écriture d'écrivain, lyrique, poétique, qui décrit soigneusement, analyse, décortique, chaque petite scène, chaque personnage. Qui fait voir plus que ne le ferait une photo ou une petite vidéo. Peut-être d'ailleurs parce qu'elle ajoute des éléments qui ne sont pas complètement là, mais que l'auteur projette, qui viennent de son histoire, de sa vision du monde, de sa subjectivité, sa sensibilité. Chaque voyage est au final unique. Parce que l'oeil de chaque voyageur ne peut capter la même image, ni son esprit lui donner le même sens.
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Gloire tardive

"La vie lui avait coulé entre les doigts". L'espoir de se démarquer de la grande masse des anonymes s'était évanoui. Il avait presque oublié avoir écrit un recueil de poèmes. La gloire, la traîtresse, était restée muette. Elle avait refusé de braquer sur lui les feux de la renommée. Il était donc resté tapi dans l'ombre de son emploi de fonctionnaire, docile et fidèle. Résigné.



Quelques décennies plus tard, de jeunes inconnus frappent à sa porte et témoignent d'un enthousiasme aussi surprenant qu'inattendu pour son unique recueil de poèmes, exhumé de l'oubli on ne sait trop par quel sortilège.



Confusion, interrogation, méfiance, rejet. La crainte de l'imposture le fait hésiter. Se rassurant au discours enflammé de ses interlocuteurs plutôt sympathiques, surement inoffensifs, une petite flamme se ravive en lui. Leur enthousiasme semble sincère, convaincant, communicatif. Il n'en faut pas plus pour que des souvenirs poussiéreux retrouvent une certaine fraîcheur.



Le fossé qui sépare les générations n'est que celui du temps qui passe, des événements qui s'accumulent. L'histoire se construit ainsi. Mais depuis que l'homme s'est auto promu en haut de l'échelle de l'espèce animale, ses aspirations sont restées les mêmes, transmises et répétées sans érosion de génération en génération : émerger du lot, se distinguer, susciter l'admiration de ses semblables. L'espoir de gloire ne vieillit pas, il ne quitte jamais vraiment le fond de son être. Il n'est jamais trop tard pour espérer. Tant pis si l'orgueil et la cupidité sont aussi de la fête.



Aussi, lorsque Saxberger, le poète en mal de succès, entrevoit une perspective de reconnaissance de son talent, il se prend à espérer, à son âge. Ses sens se raniment, l'émotion le gagne. La fréquentation d'un club littéraire de jeunes exaltés le stimule. le fossé entre générations se comble. On organise un spectacle littéraire. Les journalistes sont là. La gloire enfin ?



Sans la reconnaissance de ses congénères, la créativité de l'artiste s'essouffle et finit par s'éteindre. Ce sont les autres qui le font naître au monde. Saxberger retrouve un élan de jeunesse. Se peut-il qu'une oeuvre mûrisse d'elle-même et ne reçoivent pas le même accueil à quelques décennies d'écart ? L'inspiration sera-t-elle à nouveau au rendez-vous ?



Voilà un beau texte, bien sage, qui démentira la réputation licencieuse dont son auteur s'est vu affublé. Il est fait d'une écriture souple, précise, léchée, très agréable à lire. Il n'est certes pas destiné aux amateurs de lecture à sensation. C'est l'exploration d'un sentiment, une bouffée de jeunesse, comme le dernier mieux de celui qui va rendre l'âme.



Seul le corps vieillit. La sensibilité reste intacte, jusqu'au dernier souffle.



Merci à Babelio, aux éditions Albin Michel, de m'avoir fait découvrir cette oeuvre en avant première de sa parution.

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Gloire tardive

"Apprenez que dans la vie,

Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute"...

Cette leçon ne vaut qu'un faux mage sans doute...

(Cher de La Fontaine : pardon!)

S'attendre à la reconnaissance de ses travaux, si tard, n'était pas à son programme personnel. Edouard s'est accommodé de ce que l'âge apporte : l'arrêt de l'instinct d'appartenir, la mise en veilleuse du cerveau social dont le fonctionnement exige beaucoup de nous, au détriment de soi. Et la nostalgie qui nous fait confondre avec complaisance ce qui n'a pas pu être de ce qui aurait dû arriver. Et survient l'admirateur dont les intentions sont inconnues...
Lien : https://www.babelio.com/monp..
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Atlas d'un homme inquiet

Isla Salas y Gomes Chili, Chine, Brésil, États-Unis, Maroc, Espagne, Islande, Grèce, Autriche, Nouvelle-Zélande, Inde, Népal, Bolivie, Mexique, Isla Robinson Crusoé Chili, Irlande, République Dominicaine, Laos, Arctique russe, Canada, Cambodge, Tchéquie, Japon, Pitcairn Pacifique Sud, Ile Maurice, Russie, Allemagne, Yémen, Australie, Pologne, Costa Rica, Sumatra Indonésie, Malaysia, Afrique du Sud, Sri Lanka, Péninsule de Kola Russie, Java Indonésie, Hong Kong, Turquie, Ile de Pâques Chili, Paraguay, Tibet, Bali Indonésie, Sri Lanka.



Un magnifique voyage autour du monde et parfois dans le passé en compagnie d'un humaniste.
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Gloire tardive

Babelio m'a comblé en m'envoyant pour chronique l'inédit d'Arthur Schnitzler, Gloire tardive, avant même la sortie au 3 février chez Albin Michel. Court roman de 155 pages, ce livre est une belle relation de la vie viennoise, telle qu'elle me passionne depuis des décennies. L'histoire de l'Europe Centrale est riche en beaux écrivains et Schnitzler n'est pas le moindre. Cette longue nouvelle fait partie des écrits sauvés des rafles nazies en 1933, après la mort de l'auteur. Mais elle fut élaborée dans les années 1890. Schnitzler est alors un jeune auteur.

Edouard Saxberger est un modeste fonctionnaire déjà âgé. Comme beaucoup il a commis dans sa jeunesse un recueil de poèmes. Personne n'est parfait et ayant péché, je ne lui jetterai pas la pierre. Contacté par un groupe de jeunes poètes, évidemment chevelus et révolutionnaires, ou quand la révolte épouse le conformisme, vieux débat qui me hante et sur lequel je radote, le vieil homme d'abord surpris se prend au jeu. Flatté qu'on s'intéresse à Promenades, son antique opuscule de poésie, le voilà qui participe à ces soirées viennoises où se déclinent les derniers vers de ces jeunots aux dents longues. Mais les dents, on le sait, finissent souvent par s'ébrécher. Le vieux poète asséché et les débutants ardents, ça pourrait être le titre d'une fable.



Albin Michel évoque l'Aschenbach de La mort à Venise. Pas vraiment car l'univers de Schnitzler n'est pas désespéré comme celui de Thomas Mann, restant d'une relative légèreté, nul choléra ne règne sur le Ring. Cependant se regarder dans la glace l'âge venant devient parfois agaçant. Et les rencontres avec une autre génération, parfois prometteuses, tournent souvent à la déception. Cette jeunesse qui vénère Saxberger, quel crédit lui apporter? Bientôt le fonctionnaire falot et usé ne retrouvera-t-il pas davantage de plaisir aux parties de billard avec ses pairs? L'histoire ne repasse les plats que faisandés semble nous dire le grand romancier de La Ronde, de Liebelei, de Mademoiselle Else. Ce n'est pas un hasard si j'ai pensé au Masque, premier volet du film de Max Ophuls Le plaisir, où un homme mûr danse jusqu'à l'épuisement, le visage d'un jeune homme plaqué sur la face. Ophuls a justement adapté et La Ronde et Liebelei, et ce parfaitement.



Ce fut un grand plaisir de lecture dont je remercie Babelio. Et lire les épreuves non corrigées, ma foi, ne manque pas de charme.

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Atlas d'un homme inquiet

 Les soixante-dix histoires qui composent l' Atlas d'un homme agité  de Christoph Ransmayr traversent indemnes le temps et l'histoire. Et jamais, pas une seule fois, elles ne prennent la forme d'un souvenir. L'écrivain, en effet, puise dans des vérités et des fragments ancestraux qui dilatent la dimension temporelle habituelle du voyage, le protégeant ainsi de sa conclusion définitive.

Et si l'ordre temporel s'annule dans son efficacité habituelle, c'est grâce à une évolution affective que Ransmayr parvient à obtenir une écriture harmonieuse, exempte de fêlures narratives.  La démarche dialoguée, savamment inscrite dans les récits, permet de donner du rythme, sinon écrasé par la brièveté des récits. Les étoiles, gardiennes de la fugacité mortelle, enluminures contemplées par l'écrivain autrichien dessinent les lignes de cet atlas personnel, retraçant les chemins parcourus et les personnages rencontrés.  Ce n'est pas un narcissisme autoréférentiel, Ransmayr est un voyageur solitaire invétéré, conscient qu'il ne peut trouver que dans les étoiles les fidèles gardiens de sa pensée.

C'est avec cette touche d'éternité qu'il scelle presque toutes les histoires -

cette touche d'éternité que nous tentons tous de trouver dans chaque voyage.
Lien : http://holophernes.over-blog..
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Gloire tardive

Quand Babelio m'a proposé ce livre, je n'ai pas hésité une seconde : même sans avoir jamais lu Schnitzler, j'ai réagi aussitôt (et très positivement) à ce nom. Voilà donc une grande plume que je ne connais pas et l'on m'invite à réparer cette lacune ? Allons-y ! Le lieu, l'époque et le thème ont encore augmenté mon attrait. Vienne, fin du XIXème, ce n'est pas qu'un point sur un carte et quelques chiffres sur un calendrier : c'est un état d'esprit, un mode de vie, un creuset de réflexion et une certaine idée, désuète désormais, du raffinement ; ce qui peut pourtant cacher quelques sombres pensées ; car quels que soit l'endroit et l'époque, le cœur humain fonctionne toujours selon les mêmes règles.

Et le thème ? me direz-vous. Pour simplifier, je pourrais écrire que ce court roman parle de la littérature ; mais pas la façon dont on la fait ; plutôt la façon dont on la vit. Que l'on ait envie d'écrire, que l'on ait écrit il y a très longtemps ; que l'on s'acharne à tenter de mener à bien son tout premier ouvrage ou que l'on n'ait jamais été capable, depuis des décennies, de donner une suite à une première publication ; que l'on abandonne tout pour ne se consacrer qu'à ses muses ou que l'on enterre sa plume pour s'imposer de gagner sa vie raisonnablement, grâce à un "vrai" métier ; que l'on n'arrive pas à trouver son public ou qu'on l'ait perdu de vue depuis longtemps ; que l'on se gargarise d'un talent qui n'a pourtant encore jamais réussi à donner naissance à quoi que ce soit qui puisse en prouver la réalité ou que l'on se recroqueville sous une humilité excessive, paralysante... on est à dans chaque cas écrivain, non ?

En tout cas, c'est la question que pose Schnitzler. Qui nous fait écrivain ? Qui nous donne le droit de nous attribuer la citoyenneté de ce grand et beau pays qui s'appelle littérature ? Nous-mêmes, lorsque l'on s'assoit devant notre feuille blanche ? L'éditeur qui accepte de se pencher sur notre production ? Les premiers lecteurs qui s'émeuvent en nous lisant ? La foule qui vient ensuite, s'arrache nos romans, les fait grimper dans les palmarès, les installe sur des étagères de plus en plus nombreuses, dans les librairies, les bibliothèques, les supermarchés, les émissions télévisées ? Les générations à naître qui nous citeront dans les manuels, les dictionnaires et nous attribueront des lauriers que nous n'aurons jamais la chance de pouvoir admirer de nos propres yeux ?

Et finalement, à quoi ça sert, d'être écrivain ? A nous faire plaisir en grattouillant du papier (et notre nombril) ? A nous occuper parce qu'il pleut dehors et que la télé est en panne ? A gagner notre pain ? A nous offrir le plaisir d'un partage avec d'autres esprits, ceux des lecteurs, ceux de "confrères" ? A faire chavirer nos admiratrices (ou -teurs) ? A nous gonfler d'importance pour en remontrer aux autres, aux moins-que-rien qui seraient bien incapables de produire d'aussi belles lignes que les nôtres et qui nous méprisent tout autant qu'on les exècre (imbéciles qu'ils sont !) parce qu'il ne ne sont même pas en mesure de comprendre la valeur de notre inégalable prose ? Schnitzler nous les donne tous à voir, ces personnages : l'humble croise le fat, le passionné et le blasé mangent sur la même nappe, le velléitaire et le besogneux trinquent au travail que l'un commencera bientôt et que l'autre s'échinera à tenter d'achever dans la douleur.

La précision et le réalisme avec lesquels Schnitzler nous expose ces différents profils sont admirables. Il sait rendre avec une profondeur et une justesse impressionnantes les caractères si disparates des multiples protagonistes mais surtout les questionnements et les revirements de Saxberger, son personnage principal, celui dont on suit l'évolution, entre sa petite vie tranquille de vieux fonctionnaire et la "gloire tardive" que quelques jeunes admirateurs, comme tombés du ciel, vous lui faire entrevoir.

C'est une autre des grandes qualités de ce roman, ce style tout en finesse. Et ainsi l'univers, l'ambiance où évoluent ces personnages sont tout aussi bien rendus, par petites touches, par de brèves descriptions, des dialogues ou mêmes des sous-entendus, non dénués d'un certain humour.

En conclusion, l'idée préconçue que j'avais au sujet de Schnitzler se trouve confirmée : c'est effectivement une grande plume et je suis heureux, en tant que lecteur, d'avoir pu enfin la découvrir. Mais je dois aussi reconnaître que toutes les questions soulevées par Gloire Tardive m'ont également profondément touché en tant qu'écrivain. Je ne suis pas certain que tous les points d'interrogation qui émaillent mon billet trouveront une réponse, mais j'ai tout de même compris grâce à cette courte histoire que même si l'on ne décrète pas son talent, que l'on ne décide pas de son succès, on peut au moins choisir de s'éviter des regrets. Et pour cela, faire ce qui nous semble bon. Et si c'est écrire, alors écrivons.
Lien : http://sebastienfritsch.cana..
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Gloire tardive

C’est un inédit que les éditions Albin Michel publient ici dans leur très beau catalogue « Les grandes traductions ».

Médecin, mais surtout grand auteur viennois né dans la seconde moitié du XIXe siècle (probablement l’un des dramaturges viennois les plus joués sur les scènes allemandes), Arthur Schnitzer n’a pas publié « Gloire tardive » de son vivant. Son ami Hermann Bahr, codirecteur de l’hebdomadaire « Die Zeit » était prêt à le faire dans son journal à condition que le texte soit quelque peu raccourci pour éviter une parution en épisodes qui aurait été « grandement dommageable et aurait privé l’œuvre de toute efficacité ». Une option à laquelle Arthur Schnitzer ne voulut pas consentir. « Gloire tardive » resta donc jusqu’à aujourd’hui à l’état de tapuscrit dans le fond posthume de l’écrivain viennois mort en 1931.



Petit roman – à moins qu’on ne le considère comme une nouvelle – « Gloire tardive » nous fait entrer dans la vie d’Édouard Saxberger au moment où, rentrant de sa promenade quotidienne, il fait la connaissance du jeune écrivain Wolgang Meier. Saxberger a bientôt 70 ans. Il est seul au monde, n’ayant jamais été marié, n’ayant jamais eu d’enfant. Il partage ses journées entre un poste de fonctionnaire, des promenades en solitaire et un repas du soir partagé avec les habitués d’une même taverne enfumée et bruyante du centre de Vienne. Or voilà que cette vie de routine se trouve subitement déstabilisée par l’intrusion tout à fait inattendue d’un jeune poète désireux de rencontrer l’auteur du recueil de poèmes que lui et ses amis du cercle « Exaltation » admirent tant ! Pour le vieil homme, la surprise est totale. Certes autrefois il s’essaya à la poésie, publiant « Les promenades » et quelques autres poèmes dans des périodiques, mais jamais sans rencontrer le moindre succès, n’accédant jamais à la notoriété, à la moindre reconnaissance. La poésie, une futilité de jeunesse ? Saxberger en était arrivé à le penser. Il avait d’ailleurs depuis bien longtemps oublié qu’il avait été un jour, un poète.

Entraîné par Meier dans le café où lui et ses amis tiennent leur quartiers, le voilà encensé par un cercle de jeunes admirateurs qui très rapidement font de lui leur porte-drapeau, leur professeur, leur maître. Gagné par l’orgueil, il se délecte de devenir de jour en jour le centre autour duquel tout ce petit monde à la recherche lui aussi de la gloire, s’esclaffe, s’emporte et tente de refaire le monde à l’aune d’un talent encore bien tâtonnant. C’est comme s’il rajeunissait, si une nouvelle période de sa vie commençait. « L’allégresse de ces jeunes gens lui apparaissait comme l’accomplissement différé de maintes espérances dont il avait fiévreusement attendu la réalisation plusieurs décennies auparavant et qui s’étaient peu à peu diluées dans la grisaille de sa vie quotidienne. »

Tel Icare s’approchant trop près du soleil, Saxberger redescendra vite de son piédestal. Le constat est amer et résonne en écho dans les magnifiques pages où Arthur Schnitzer décrit d’une manière très poétique la promenade au cours de laquelle le vieil homme espère raviver l’inspiration de jadis. Mais tout a changé. Lui comme les paysages. Et plus rien ne fonctionne. Et quand les masques tombent et quand la flèche d’une simple réflexion le transperce en plein cœur, la désillusion est totale.

Schnitzer, en double de Freud (c’est ce dernier qui le dit), nous donne ici à lire un opuscule d’une extraordinaire modernité où l’âme humaine se trouve sondée avec beaucoup de justesse et de finesse.

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Gloire tardive

Jeu de massacre.



La soif de reconnaissance individuelle ou collective constitue la plupart des sociétés et leur donne force et stabilité, chacun aspirant à paraître et à exister aux yeux de ses proches et de ses semblables. C’est le nœud de l’intrigue que vivent les personnages de Gloire Tardive. Que ce soit le personnage principal, Saxberger, ce « vieux monsieur» qui découvre au soir de sa vie qu’il est admiré par un groupe de jeunes poètes (groupe « Exaltation ») pour avoir écrit dans sa jeunesse un recueil de poésies, que ce soient les membres de ce cénacle qui recherchent l’inspiration artistique en essayant de se donner un maître à respecter, un exemple à suivre, aucun n’échappe à ce besoin d’idéal que la vie trahit souvent par les contraintes domestiques. De ces multiples insatisfactions, Schnitzler nous livre une longue nouvelle (de 140 pages) où l’on voit se décliner les rapports entre un milieu artistique et bohème et un milieu petit-bourgeois qui s’envient l’un l’autre pour des raisons opposées. Le narrateur prend un malin plaisir à distiller avec humour et ironie les travers de ces deux mondes qui, en définitive, ne représentent que les vanités du genre humain. Chacun en fin de compte retrouve sa place initiale et l’on voit poindre le pessimisme de Schnitzler : Quelques soient ses expériences, l’homme ne change pas, il n’évolue que très marginalement. On aperçoit ainsi, sous l’aspect plaisant du récit, un arrière-plan beaucoup plus sombre et plus dramatique de la société viennoise de la fin du 19ème siècle : l’absence de perspectives, d’aventures, d’illusions créatrices touchant une société installée dans son confort rassurant.

Cette nouvelle de Schnitzler peut se lire comme une pièce de théâtre ou un scénario de film tant la richesse et la diversité de l’action y sont les moteurs de l’intrigue. La présence du narrateur omniscient donne à ce livre une dimension supplémentaire, beaucoup plus profonde et plus humaine et qui en renforce l’intérêt littéraire. Cependant, à part les différentes évolutions de Saxberger, les autres personnages se caractérisent par la stabilité, voire la fixité de leurs comportement et de leurs réactions, toujours très prévisibles ce qui diminue fortement leur épaisseur, leur complexité et leur humanité. Malgré ces faiblesses (de jeunesse ?), on est entraîné presque de façon jubilatoire dans un jeu de massacre qui consiste à mettre à nu psychologiquement chacun des protagonistes mettant en relief les rancœurs, les jalousies, les envies, les hypocrisies et la plupart des petitesses humaines. On apprécie la lente dégringolade de Saxberger du statut de maître ovationné auquel on ose à peine adresser la parole et qu’on écoute avec componction à celui de camarade, d’égal auquel on parle sans y prêter attention jusqu’au comparse plus ou moins négligé. C’est évidemment l’occasion pour Schnitzler d’une analyse sociologique où chacun reste bien à sa place, même Saxberger redevient le petit-bourgeois fonctionnaire anonyme du début. L’auteur semble prendre acte de ce que les élévations d’âme de la jeunesse restent des illusions qui doivent passer avec l’âge et la maturité (Saxberger). Dans le cas contraire, on se retrouve dans une société nombriliste et irresponsable (groupe Exaltation) qui s’accroche puérilement et désespérément à des chaînes dont elle n’a pas su ou voulu se défaire. Cette œuvre de jeunesse vaut pour sa lecture agréable, son ton ironique et son arrière-plan pessimiste sur la nature humaine mais manque à mon goût d’un peu d’étoffe, de densité réaliste et de subtilité dans les caractères des personnages. Cependant, Gloire Tardive représente une bonne incitation à la lecture des œuvres majeures de Schnitzler, trop méconnu en France. En ce qui me concerne, un titre de son œuvre m’inspire : Vienne au Crépuscule et peut-être aussi Mademoiselle Else.

PS: Livre lu dans le cadre de Masse Critique sur épreuves non corrigées (Sans la couverture définitive ni quatrième de couverture)

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Gloire tardive

Merci à Babelio est aux éditions Albin Michel de m'avoir fait découvrir la plume si sensible d'Arthur Schnitzler.



Monsieur Saxberger est un vieux monsieur qui use ses jours dans l'administration publique viennoise des années 1880. Il fréquente un café quelconque, dans lequel on joue au billard et on boit de la bière. Il écoute les autres parler et blaguer, quelquefois, il intervient ; somme toute, il n'émerge pas de cette société humaine quotidienne.



Pourtant, il y a longtemps, très longtemps, Monsieur Saxberger était un poète. Il nourrissait sa muse de longues promenades sur les berges du Danube. Il a même publié un recueil. Et, à la faveur d'une rencontre avec un groupe d'admirateurs, le passé du vieil homme lui revient en pleine figure, sublimé. La mise en abîme est terrible. Qu'a-t-il fait de sa vie ? Pourquoi avoir gâché son talent ? Pourquoi avoir rejoint le troupeau des gens ordinaires ?



Habilement, Schnitzler nous plonge dans le désarroi de la vieillesse qui se penche sur son passé et sur les regrets de la jeunesse qui autorise tous les rêves et toutes les ambitions.



Et puis, surtout, sur l'illusion de se croire meilleur que d'autres. Car les admirateurs de Saxberger n'ont jamais lu son recueil... Pseudo-artistes frustrés dans leurs désirs de grandeur, ils n'ont vu dans ce vieil homme un jour édité qu'un tremplin pour percer eux-mêmes. Schnitzler démonte sans indulgence leurs efforts de communication. Celles-ci ne sont que boursouflures, puisqu'aucun de ces prétendus génies ne travaillent sur leurs oeuvres. Au passage, d'ailleurs, le lecteur peut lire en filigrane que l'art n'est pas qu'inspiration. Il est aussi ascèse.



Monsieur Saxberger retournera finalement, apaisé, au comptage des parties de billard.
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Gloire tardive

Découverte d’un auteur et d’un thème sur lequel je n’ai encore jamais rien lu, la hantise de tout auteur : la recherche du succès, la reconnaissance du public…

Édouard Saxberger est un vieux monsieur coulant des jours paisibles de petit fonctionnaire vivant seul. Il reçoit la visite d’une jeune homme qui a trouvé par hasard chez un bouquiniste un vieil ouvrage de poésie, « Promenades » qu’il a beaucoup aimé.



Ce jeune homme passionné souhaite présenter le vieil auteur aux membres de son cercle littéraire « Exaltations »..

Un livre sur la rencontre entre le vieux Monsieur qui n’a jamais connu le succès et un groupe de jeunes auteurs, pour leur part, en attente de succès, il est encensé, loué par ces jeunes, il connait la gloire, au moins locale.

Le vieil homme flatté par ces jeunes gens, « à part trompettes ces jeunes messieurs ne savent pas faire grand-chose », choyé par une actrice également en attente de célébrité découvre ce que le succès, un succès qu’il n’a jamais eu, il sort de chez lui, et participe assidument aux réunions, souvent d’auto-satisfaction, des jeunes auteurs qui se réunissent dans les café viennois



Illusion de succès qui se transformera vite en interrogations sur ce succès…voire en dépression lorsqu’il entendra une remarque fort désobligeante…, lorsqu’il lira la presse

Vite lu et agréable, ce livre non publié du vivant de l’auteur, mais sauvé des autodafés nazi après le décès d’Arthur Schnitzler et l’annexion de l’Autriche, épingle la fatuité de ces milieux littéraires, la communication surfaite.

Malgré son âge, un livre intemporel. Le livre d’un monde cruel, celui des artistes, des auteurs, de ces soirées d’auto-satisfaction…dans lesquelles sont absents les lecteurs, ou les spectateurs..

Merci à Babelio et à Albin Michel pour m’avoir permis de découvrir cet auteur

Je vais essayer de lire « Mort à Venise » de Thomas Mann…..dont le thème rappelerait selon Albin Michel « Gloire tardive »mais j’en ai tant d’autres à lire
Lien : http://mesbelleslectures.com..
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Gloire tardive

Dès le début on se demande comment va se terminer ce qui ressemble à une mauvaise blague, celle d'un groupe de jeunes « artistes » qui forment une sorte de cénacle sans complexes baptisé « Exaltation » ! La victime serait un vieillard, devenu fonctionnaire, gratte-papier médiocre, la vie ayant mis un terme à ses enthousiasmes littéraires de jeune homme.



Nous sommes à Vienne, à l'aube du 20e siècle. Les jeunes se réunissent dans ces cafés viennois où chaque groupe jauge avec mépris ou ironie ceux qui s'attablent dans le même espace. Arrogants, enthousiasmés par eux-mêmes , pleins d'espoir et de rêves ils invitent le vieux Saxberger (un lecteur attentif a remarqué que les lettres de début et de fin du nom sont aussi celles de Schnitzler!) ; lui qui a autrefois écrit le très confidentiel recueil « Les Promenades » se voit reconnu, applaudi, envié, qualifié de « Maîîître »  par des jeunes qui lui étaient inconnus il y a peu. De quoi éveiller une vanité et des espoirs longtemps mis en sommeil.



On le raccompagne chez lui en fanfare, on le porte aux nues, on lui demande de lire un de ses poèmes lors d'une soirée littéraire : on en fait beaucoup...



Plus dure sera la chute...



Scnitzler, auteur du livre, est probablement à la source de sa propre inspiration ici (du reste, on reconnaît, paraît-il une de ses amantes dans l'excentrique comédienne en mal de succès qui lui fait un numéro de séduction), Pitoyable personnage, Saxberger est une sorte de prototype de l'écrivain raté, qui a étouffé ses rêves de gloire jusqu'au moment où, inexplicablement, le succès semble lui être enfin accordé.



Il y a quelque chose de douloureux et de désespéré dans ce chant triste de l'artiste face à son néant, face à l'incompréhension du monde, face au jugement porté — peut-être avec raison — sur son œuvre.



Un grand merci à Babelio et aux éditions Albin Michel pour la découverte de ce livre, à paraître en 2016.
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Gloire tardive

Hasard des lectures , je venais d'emprunter "Vienne au crépuscule " d'Arthur Schnitzler quand j'ai reçu une offre de Babelio de lire "Gloire tardive" du même auteur.

Ni une ni deux, j'accepte cette proposition et reçoit dans la foulée cette longue nouvelle ou petit roman (130 pages hors préface et postface).

Le protagoniste Edouard Saxberger a presque 70 ans. Il vit à Vienne et travaille comme fonctionnaire dans un bureau. Il ne s'est jamais marié, n'a pas eu d'enfant et est assez solitaire. Il dîne le soir dans un restaurant où il retrouve des connaissances (peut-on dire des amis?) avec qui il joue au billard.

Un jour, il rencontre un jeune homme, Wolfgang Meier, 25 ans environ, qui le félicite pour l'ouvrage de poésie qu'il a écrit il y a plus de 30 ans. Ce jeune homme le flatte pour ces "promenades" titre du recueil publié et l'invite dans son "cercle littéraire" de jeunes gens en quête de célébrité et de reconnaissance. L'accueil des jeunes pour ce vieu monsieur est enthousiaste.

Au contact de ce groupe, Edouard se sent rajeunir et essaie même de se "remettre" à écrire.



Ce court roman m'a laissé une impression mitigée. D'abord parce qu'il ne se passe pas énormément d'événements et qu'il est un peu répétitif. Des allers-retours entre deux cafés, celui des anciens amis, un peu frustes et peu cultivés et celui des nouveaux amis, qui acclament note "héros" et le complimentent.

Ensuite le seul personnage féminin m'a paru très antipathique : la pseudo diva ou actrice ratée, excentrique, essaie de manipuler ce charmant vieux monsieur qui n'est pas dupe mais tout de même.



Le vieux monsieur a des réflexions très justes sur la création, l'âge , la jeunesse qui part et ne peut revenir..... même s'il y croit un moment...Le monde a changé et les balades le long du fleuve n'apportent plus forcément l'inspiration.



En fait le principal défaut que je trouve à ce livre est que je l'ai lu juste après "Vienne au crépuscule" qui lui m'a passionné par sa justesse et son analyse de la bonne société viennoise du début du 20 eme siècle. A côté de cette peinture fine de la relation entre un homme et une femme tous les deux attachants, Gloire tardive m'a paru un peu terne, sensible souvent, parfois émouvant, un brin ironique ...... mais un peu fade.
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