Ils n'avaient trouvé que des camps sordides, la faim toujours, la maladie souvent, la mort Parfois mais aussi les soupçons, les brimades, les lazzis. Qu'avaient-ils donc espéré de ceux qui les avaient abreuvés de belles paroles, de promesses ardentes, avant de les accueillir vaincus, humiliés, misérables, non pas en frères, bras ouverts, mais derrière des buissons de barbelés sur des plages fouettées par la neige et lacérées par le blizzard d'un hiver lui aussi sans pitié.
Les barbelés pourtant n'avaient pas suffi à éteindre l'étincelle de fierté, cette braise dans leur regard. Ils n'avaient pas émoussé leur idéal de justice et de liberté et, le jour venu, car ce jour-là était venu, ils avaient été prêts. Ils s'étaient levés et sans rien pardonner, sans oublier ni la faim, ni les camps, ni la misère, ils avaient d'un seul geste retroussé les manches de leurs chemises, sorti de vieux fusils de leurs caches pour jeter leurs poitrines dans la ; fournaise de la Résistance -
« LA RUMEUR ? SANS NOUS !
Elle court, elle court la rumeur.
Que dit-elle ? Rien de précis, rien d’étayé, pas le plus infime embryon de preuve.
D’où vient-elle ? Nul ne le sait. Et celle qui rebondit dans notre ville d’une rue à une autre rue, de caboulot en brasserie, de commerce en boutique n’échappe pas à la règle de toute rumeur, elle se nourrit d’à-peu-près, un vulgaire bobard, ou piètre canard, comme on disait au XVIIIe siècle d’une fausse nouvelle.
Quel est son but ? Attiser les inquiétudes dans une période difficile en jetant le fumier sur un individu, ou un groupe d’individus.
Pourtant, il peut arriver qu’une rumeur ne soit ni un ragot, ni un bobard mais la toute petite partie visible d’une vérité, à l’image de ces icebergs qui dérivent sur les océans polaires et ne sont que le sommet d’immenses montagnes de glace sous-marines. Gare à qui l’oublie ! ... »
L'air était doux, l'orage avait aidé le printemps à rogner les griffes de l'hiver. Bientôt la neige irait féconder les ruisseaux qui enfanteraient des rivières à l'humeur capricieuse puis des fleuves qui désirent la mer.