Pour resituer Bettina Ballard, nom inconnu dans nos contrées, surtout soixante ans après la fin de sa carrière, disons qu'elle pourrait être la grand-mère ( la mère ?) d'Anna Wintour, la prêtresse figée du magazine Vogue, tout du moins une de ses prédécesseures dans la fonction de rédactrice de mode estimée, adulée et crainte.
Les éditions Séguier, toujours très pointues pour redonner vie à des manuscrits de personnes ayant brillé ( parfois sans trop d'éclat) dans les milieux artistiques, publient "In my fashion", souvenirs jamais traduits chez nous depuis leur parution au USA en 1960. Le livre est introduit par une préface enthousiaste de Frédéric Mitterrand qui ne dit pas moins que c'est " l'un des plus beaux livres écrit sur le Paris du XXe siècle, à l'instar de "Paris est une fête" de Hemingway " et que Bettina raconte tout cela avec précision, humour et charme.
Frédéric, on va se calmer un peu ( mais je vous comprends, une préface ça se paye, pas un lecteur même blogueur), redescendre sur terre, ranger l'argenterie et se poser deux minutes sur votre chaise longue Charlotte Perriand. On ne pourra pas enlever à ce livre son témoignage gentillet sur le monde de l'élégance parisienne dans les années 30 et 50, un monde définitivement disparu, où la vicomtesse de Machin Chose passait sa journée à être élégante, courant de manucure en bottier, de salon d'essayage ( haute couture) en soirée chez le Baron Bidule de Truc. Un univers de très grand luxe où une poignée quelques personnalités, triées sur le volet, se pavanait coupe de champagne à la main droite et la main gauche qui explorait des dessous... Ho là.... que rapporte-je là ? Non, non, rien de tout cela dans le bouquin de Bettina ! On ne couche pas chez Bettina ! On est élégant que diable ! On mange de l'omelette au caviar arrosée au champagne Lançon, on pose son séant moulé dans une robe Balenciaga, on est invité à passer le week-end dans la splendide demeure du baron de Truc Muche, on rit d'une bonne blague de la délicieuse épouse de l'ambassadeur des Etats-Unis, vous savez Betsy Rockmachin, la fille du grand industriel, une très grosse fortune, on s'extasie sur la dernière robe Schiaparelli que porte la divine Mrs Mac Michu qui a épousé Lord Mac Michu ( évidemment..) et qui a un si joli pied à terre de 256 m2 donnant sur la Concorde... Voilà, le livre c'est essentiellement une liste ininterrompue d'amis que Bettina Ballard s'est faite à Paris avec l'étiquette Vogue collée sur le front, tous plus beaux, sympathiques, brillants, drôles les uns que les autres. Un monde de luxe que la rédactrice du célèbre magazine américain adore et qu'elle ne quittera jamais même pendant la guerre. Car voyez-vous, Bettina a contribué à l'effort de guerre en s'engageant trois ans à la Croix Rouge . Cela nous vaut les pages les plus drôles du livre. Il faut la voir faire ses valises, refusant la tenue réglementaire, la troquant pour des tailleurs Chanel et prévoyant d'emporter sa cape en opossum par crainte de chambre non chauffée. Humour ? Pas sûr ..
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