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Citation de Charybde2


C’est donc à partir de l’anthropologie philosophique, de l’interrogation sur ce qui marque l’expérience humaine et la modifie, la déporte, l’affecte, que la ville est vue, parcourue, interpellée, décrite et auscultée. C’est dans cette perspective philosophique qu’il m’a semblé que la suburbia constituait un bon terrain d’analyse de cette formation hybride de l’humanité, car, à la différence des villes historiques qui ont perdu leur élan et leur attrait, elle accepte de soumettre les hommes, tous les hommes, à une prise en compte radicale de ce qui les constitue et les nie, faisant de la négativité le moteur même de son développement. Car la suburbia – ce mot qui veut dire l’extension des villes au-delà de leurs limites, la dissolution de l’urbain dans un espace sans centre ni périphérie – condense la négativité comme jamais : l’hyperconsumérisme, la pression écologique, la violence urbaine, le repli individualiste et défensif, l’enlaidissement des entrées de ville, la peur, l’isolement, le vide culturel, l’ennui. Mais, parce qu’elle laisse advenir cette négativité, elle s’y expose, y fait face et tente tant bien que mal d’inventer, parfois de façon naïve et outrancière, avec ses moyens, des formes de vie qui persistent dans cet environnement hostile ; et c’est pourquoi, en dépit des multiples reproches qu’on peut lui faire (laideur, monotonie, anomie, etc;) et qui sont souvent justifiés, elle fait pourtant preuve d’un dynamisme qui ne se contente pas de louer l’énergie pour l’énergie (le stade ultime du nihilisme qui veut que la force s’exprime quel que soit son but) mais qui, de manière dialectique, objective cette nocivité pour la dépasser. Voilà pourquoi l’esprit souffle ici dans la suburbia et continue son œuvre d’un auto-accomplissement historique vers le règne sans fin de la liberté. Lorsqu’on observe derrière son pare-brise ce monde fait de hangars et de panneaux, de ronds-points et de nœuds autoroutiers, on a peine à croire que le processus d’émancipation de l’humanité passe par là, et on se convainc plutôt que l’aliénation a enfin trouvé un territoire à sa mesure. Mais c’est tout le sens de ce livre de montrer que, malgré, ou grâce à, cet espace en apparence sans valeur, sens ou beauté, les hommes aspirent sans cesse et partout à leur liberté, même avec les pauvres moyens que l’on met à leur disposition.
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