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Citations de Bruce Bégout (93)


Bruce Bégout
L’ambiance nous est immédiatement familière, c’est un mot banal que nous utilisons tous les jours. Elle peut être triste, joyeuse, amicale, hostile, etc. : elle rassure ou inquiète, attire ou repousse. Imprègne tous les lieux et les situations de la vie. Elle est là, partout, sorte de dôme invisible sous lequel se déroulent nos expériences. Il en va de l’ambiance comme du temps, tel que le définissait Saint-Augustin : quand on est dans l’ambiance, immergé en elle, on la comprend très bien, mais dès qu’on cherche à la définir, les difficultés commencent.
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L'homme d'aujourd'hui ressemble assez à une guêpe coupée en deux qui continuerait à se gaver de confiture en faisant comme si la perte de son abdomen n'avait aucune espèce d'importance.

G. Orwell - Essais, articles, lettres. I, 200
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Bruce Bégout
NOUS sommes faits de ce qui nous ronge : la nuit, le silence, la solitude.
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Mais, pour que le possible puisse un jour éclore, encore faut-il que le réel soit au minimum conservé. Or, c'est là que se situe exactement, à mon sens, le problème. La dissolution du monde actuel provoque inévitablement un holocauste des possibles qui auraient pu le transformer dans le sens d'une plus grande justice sociale et d'une amélioration durable du sort du plus grand nombre. De nos jours, tout révolutionnaire doit se faire conservateur afin de préserver la possibilité même de la révolution.
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Si Orwell insiste tant sur la décence ordinaire ("common decency") des petites gens, c'est aussi pour dénoncer, par contraste, l'indécence extraordinaire des élites politiques et intellectuelles. Il en veut tout particulièrement à une catégorie de personnes qui auraient dû, plus que toutes les autres, faire preuve d'un peu plus de décence dans ses prises de positions publiques : les intellectuels. Tout au long de son œuvre, Orwell n'a eu de cesse de critiquer les intellectuels toujours prêts à braver la morale élémentaire pour légitimer des régimes notoirement tyranniques : «La plupart des intellectuels, pour ne pas dire tous, se sont ralliés à une forme de totalitarisme ou à une autre». Le constat est brutal, mais juste, et nous n'avons pas encore mesuré toute l'indignité intellectuelle et morale qu'il souligne.
Certes, Orwell considère que la richesse prodigieuse de l'aristocratie terrienne et le goût du pouvoir de la classe dirigeante sont en eux-mêmes également indécents, mais, par-dessus-tout, il ne peut supporter la trahison des intellectuels. Souvent issus des classes moyennes, voire du peuple, ils semblaient pourtant être les mieux placés pour préserver à tout le moins une once de moralité dans un monde voué à l'exploitation des masses :

«Lorsqu'on voit des hommes hautement instruits se montrer indifférents à l'oppression et à la persécution, on se demande ce qui est le plus méprisable, leur cynisme ou leur aveuglement.» (Essais, articles et Lettres vol IV).
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Sur les murs de la ville basse, il inscrivait de nuit toujours la même phrase : "Quelque chose manque."
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Là où Joyce et Miller représentent, avec une certaine crudité réaliste, la vie ordinaire, Orwell voit en elle plus qu'un simple matériau littéraire insolite : le modèle indépassable, dans sa fragilité et sa concrétude, de toute vie, ce sans quoi on ne peut concevoir l'humanité elle-même. Et c'est justement parce qu'il la valorise ainsi, qu'il jette sur elle un regard éminemment politique. À une époque qui entendait rénover en profondeur la vie humaine dans tous ses aspects quotidiens, par une mainmise de la technique, de la science et de la bureaucratie, à une époque qui promouvait un homme nouveau, que ce soit l'ingénieur rationnel à la H.G. Wells ou le surhomme totalitaire, bref à une époque qui prétendait dépasser sans scrupules la médiocrité de la vie quotidienne, la décision de valoriser cette vie exprimait déjà une forme d'opposition. Orwell a clairement vu dans le monde ordinaire un pôle de résistance. Car ce monde n'est pas simplement à préserver comme un territoire menacé, mais il est aussi ce qui nous préserve contre la destruction de l'expérience commune et la "mobilisation générale". Ce que les formes tyranniques du pouvoir moderne humilient en effet, ce sont justement ces valeurs ordinaires des gens simples, à savoir ce qu'Orwell nomme, à partir de 1935, la "décence ordinaire" (common decency).
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D'une certaine manière, ce sens moral ne dit jamais ce qui est bien ; il perçoit seulement la nocivité du mal et tente d'en prémunir ceux qui l'éprouvent. Pour cette raison, Orwell voit avant tout dans la décence ordinaire l'expression épidermique d'une résistance à toute forme d'injustice. Elle témoigne du fait que l'homme est mû par autre chose que le seul égoïsme de son auto-conservation. Elle est antithèse sensible de la volonté de puissance entendue ici, en un sens banal et non nietzschéen, comme volonté de dominer. C'est cette répugnance préverbale de l'homme ordinaire qui s'oppose, sous la forme de l'écœurement, à toute espèce de tyrannie. Telle est, pour Orwell, l'unique raison d'espérer en un monde meilleur. Car l'espoir ne se nourrit pas de belles théories sur les lendemains qui chantent, mais surtout sur la capacité humaine de conserver son sens moral en toutes circonstances. À quoi bon rêver d'une société juste et égalitaire si elle ne permet pas à la décence commune de s'y exprimer librement ?
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«Je pense qu'en conservant l'attachement de son enfance à des réalités telles que les arbres, les poissons, les papillons et (...) les crapauds, on rend un peu plus probable la venue d'un avenir pacifique et honnête, et qu'en prêchant la doctrine selon laquelle il n'est rien d'admirable hormis l'acier et le béton, on contribue à l'avènement d'un monde où les êtres humains ne trouveront d'exutoire à leur excédent d'énergie que dans la haine et le culte du chef.»

Citation de George Orwell mentionnée par Bruce Bégout page 38.
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L'acte précède la puissance. Tout ce que je peux faire à chaque instant de mon corps, de ma pensée et de ma vie provient de ce que moi, ou un autre, a déjà fait. C'est l'activité qui établit la nouveauté dans le monde. Elle est l'institution originaire de toutes choses. Nos facultés ne servent à rien sans l'effectivité d'un passage à l'acte qui, seul, décide de ce qui est.
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La culture de la seconde moitié du XXe siècle est avant tout un enfant de la suburbia : elle a grandi dans son espace hétéroclite et bon marché, fait de centres commerciaux, de stations-service, de motels, de magasins discount, de zones géantes d'activité, de quartiers résidentiels, d'échangeurs d'autoroutes et de terrains vagues.
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Le capitalisme n'était pas un système économique qui, depuis deux siècles, avait prouvé son efficacité, mais un lent, profond et implacable enlaidissement du monde qui appauvrissait l'expérience de tout un chacun pour lui substituer une gangue ridicule de désirs mesquins et jamais satisfaits.
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Je n'ai pas renoncé à l'espoir ni au désir d'éclairer un chemin non frayé vers l'avenir. Et je sais très bien par ailleurs qu'il n'y a pas de logique implacable à l'œuvre dans l'histoire, de sorte que le caractère contingent des affaires humaines laisse toujours ouverte la possibilité de l'inattendu.
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Au fond du salon de thé encalminé dans une pénombre brune d'ambiances surannées où de vieilles rombières, tannées comme des peaux de bête ayant connu les alternances éprouvantes des hivers rudes et des étés caniculaires, font goûter à leur kiki le thé au lait qu'elles ont commandé et que ledit kiki lape avec une indifférence narquoise qui fait peine à voir, estompant dans un nuage blanc les contours de sa gueule stupide d'être sans esprit, Kate Moss feuillette un magazine de mode : l'exhibition sereine de la fausse conscience.
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Ils vivent un éternel présent, aux antipodes de toute éternité, qui absorbe les uns après les autres les instants vides et qui s'empresse de les jeter aussitôt consommés dans la poubelle de l'oubli où ces moments déchus ne formeront jamais un passé.
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C’est que, si l’on y réfléchit bien, l’homme a du mal à supporter son ouverture absolue au monde. L’absence de limites lui saute à la gorge et l’étrangle fortement. C’est cette expérience douloureuse de l’abîme sans bord ni fond qui le pousse à refouler continuellement l’espace infini et à se calfeutrer derrière les barrières matérielles et symboliques de sa propre production artificielle. L’homme ne croît et ne prospère qu’à l’intérieur de limites qu’il a lui-même érigées comme autant de murs d’enceinte qui le protègent contre l’indétermination du dehors. Le parcage est la solution pratique à la crainte paralysante de l’Illimité. Parquer les hommes comme des bêtes, c’est avouer par là même le besoin urgent de l’autodomestication.
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Je ne serais pas très loin de la vérité, me semble-t-il, si, à celui qui, d'aventure, me poserait la question de savoir ce que j'ai appris à Las Vegas, je répondais tout simplement : "rien". Par là, non seulement je voudrais dire que la ville ne ressemble elle-même à rien, pur chaos urbain, mais je signifierais aussi que je n'y ai rien vu que je n'aie déjà su.
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Bruce Bégout
TROP DE CLAIRVOYANCE ?

Parfois notre clairvoyance nous inquiète. Il ne faut pas avoir peur de l'avouer : nous ne sommes dupes de rien. Les conditions cachées de notre propre existence n'ont plus de secret pour nous. Tout ce qui nous détermine et rend possible notre expérience appartient désormais au champ du bien connu. Nous savons tout de l'inconscient et de ses mécanismes obscurs, des préjugés métaphysiques, du langage et de ses pièges, des arrières-pensées des agents économiques et politiques, des présupposés de toutes sortes qui nous permettaient avant de méditer en toute quiétude; nous avons amené la critique à un point extrême d'acuité. Même tout ce qui résiste à l'explication conceptuelle s'est rendu. La vie, l'activité, l'existence, dans leur absence apparente de raisons ont connu la réassurance du concept, la maîtrise des mots et des arguments. Nous avons établi la généalogie détaillée de la morale, de la conscience, du sentiment, du savoir et du pouvoir, et le monde caché des déterminations à, sous la contrainte de notre entreprise de révélation totale, enfin levé le voile. La fabrique du social et du mental nous a divulgué tous ses mystères, à tel point que nous n'osons plus agir de peur de participer au mal que nous venons tout juste de comprendre.
Dès qu'une nouvelle injustice surgit dans le lot commun de nos souffrances, nous nous empressons de nous tourner vers nos démystificateurs professionnels qui nous ont pour ainsi dire déniaisés à propos des affaires du monde. Nous avons lu Marx et Orwell, Adorno et Marcuse, Lukàcs et Kracauer, Klemperer et Bourdieu, nous avons médité sur la culture de masse et ses séductions faciles, nous avons publiquement anatomisé le cors gisant du grand capital et ausculté avec stupeur ses entrailles fumantes, ses organes de fonctionnement sanguinolents. Nous connaissons mieux que nos pères toutes les manigances de la puissance sans but qui cherche à nous soumettre. Rien n'échappe à notre perspicacité, cette synthèse lexicographique de la perspective et de l'efficacité.
Depuis Léopardi et Nietzsche, le massacre des illusions a été notre lait quotidien et nous sommes sevrés jusqu'à l'ivresse de son ironie dévastatrice. Personne ne peut désormais le contester : nous sommes devenus objectivement des êtres hyper-intelligents, des êtres d'une finesse d'esprit folle, au courant de tout ce qui se trame, flairant dans ce qui nous entoure les entourloupes auxquelles nous ne voulons pas accorder sans reste notre crédit. Toutes les formes de tyrannie, nous les avons décortiquées; toutes les fausses promesses, nous les avons renvoyées à leurs auteurs; toutes les espèces de consolation, nous les avons contrariées. Rien n'a pu ainsi résister à notre regard perçant, à notre ton aigu et désabusé, à notre soif de savoir. Aussitôt qu'une nouvelle sorte d'imposture s'est présentée et a cherché à emporter la mise, il s'est toujours trouvé quelqu'un pour la dénoncer. Nous ne sommes donc plus dupes de rien ni de personne. Mais qu'est-ce que cela change ? Le monde tourne comme avant et même plus mal, les inégalités se creusent et les miséreux s'impatiente. A un certain stade la clairvoyance absolue confine à la soumission pure et simple. La lucidité de l'homme moderne est impotente à partir du moment où sa connaissance du mensonge ne l'incite pas à dire la vérité et surtout à vivre selon elle. Il a beau comprendre les rouages et les roueries du système qui exploite de manière éhontée sa crédulité et perpétue l'inégalité, il n'en tire aucune conséquence, mais, plein de suffisance que lui procure sa sagacité invalide, il fait "comme si de rien n'était".
De nos jours les dirigeants des multinationales citent en conseil de direction Debord, et les affaires ne s'en portent pas plus mal. Nous sommes du même acabit. Nous, les hommes sans pouvoir ni capital, nous sommes devenus des animaux ergoteurs, enfermés dans les cages dorées du discernement critique. Il n'est pas un pauvre dans le monde qui ne découvre en trépignant à sa porte, un sociologue ou un psychologue pour lui expliquer scientifiquement sa déveine.
Alors qu'elle aurait dû toucher en premier notre affectivité et susciter ce sentiment de révolte qui, seul, est le point légitime de toute action, l'injustice n'est que le prétexte au déballage de notre culture critique. Nous devons le reconnaître : nous avons tous mis notre capacité de désillusion au service du statu quo. La douleur que nous a coûtée la démystification de la société dans laquelle on vit nous a en quelque sorte exemptés de la modifier.
Notre conformisme nous a dédommagés de l'affront que notre "Kulturkritik" a fait subir à nos croyances. Mais nous n'en sommes pas quittes pour autant. Car nous souffrons d'un trop-plein de savoir, d'une overdose d'analyses, qui jamais ne débouchent sur la moindre action concrète et durable. Tout juste gesticulons-nous dans quelques manifestations printanières qui nous permettent d'inscrire en lettres majuscules sur des banderoles blanches les belles phrases que nous avons apprises.
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Mais ces ruines modernes qui composaient de plus en plus le paysage urbain ne signifiaient rien de plus que le mépris de l'époque pour toute idée de durée, l'acceptation mesquine de la précarité.
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J'ai bien conscience que le pessimisme fait essentiellement le jeu de ceux qui souhaitent que rien ne change, et aide au maintien de l'ordre. La peur à toujours été, et sera toujours, le meilleur instrument de domination. J'y songe souvent en marchant : ceux qui ne cessent de déplorer l'état du monde servent les intérêts de ceux qui le rendent déplorables.(p.49/50)
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