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Citation de Henri-l-oiseleur


"Que c'est beau !"
J'ai publié une petite satire dans une revue : il s'agissait d'une parodie d'un auteur français, David Foenkinos ; puis ce texte a été repris sur Facebook : il y était bien précisé que j'en étais l'auteur, et que j'y parodiais M. Foenkinos.
"Que c'est beau !", a dit une dame, qui admire beaucoup M. Foenkinos.
Elle a copié mes lignes sur sa propre page en indiquant que le texte était de M. Foenkinos. Aussitôt un lecteur a félicité cette dame pour la qualité de son texte, croyant que mon texte parodiant M. Foenkinos était de la dame qui elle-même l'avait cru de M. Foenkinos.
Ici, deux hypothèses s'affrontent : la première est que les gens ne lisent pas ; la seconde que les gens lisent. Dans le premier cas, ils voient les mots s'agiter devant eux, et foncent :
"Foenkinos ? Que c'est beau !"
Dans le second cas, la dame a peut-être bien lu ma parodie et, gouvernée par une admiration où la Raison n'entre plus, elle n'a pas vu qu'elle était une charge contre M. Foenkinos ; elle en a même déduit que M. Foenkinos en était l'auteur.
Les gens liraient donc, bel et bien, mais ne comprendraient pas, tout simplement. Leur cerveau serait une tablette numérique, plane, pas du tout meuble, où les mots ne se fixeraient ni ne pénétreraient, et où le sens, immédiat et sans perspective, sans durée ni horizon, resterait à la surface. Ils balayeraient d'un doigt l'écran, et c'est le double fond, le double sens, le jeu, la dérision, la fantaisie, la métaphore, qui disparaîtraient. Ils liraient mais ne liraient pas, comme ils peuvent parler pour ne rien dire ; ils liraient même pour ne pas lire, comme ils peuvent parler pour ne pas entendre : ils produiraient un bruit de fond qui les empêcherait d'entendre et d'atteindre le sens et le fond.
Tous les ans, en hiver, on recommande aux skieurs de ne pas s'éloigner des pistes ; et, en été, aux nageurs de ne pas dépasser les limites imposées par les sauveteurs. Or, comme on sait, la violation de ces règles entraîne des accidents, des noyades, des morts. (...) Peut-être beaucoup de gens ne comprennent-ils plus, peut-être le sens ne parvient-il plus à leur cerveau, peut-être voient-ils "Attention danger" et le traduisent-ils par :
"Que c'est beau !"
Mardi 30 juillet 2019.
p. 299
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