La lecture des "Cosaques et le Saint-Esprit" n'est certainement pas à recommander aux lectrices/-teurs de Babelio, dont l'odorat subtil détectera des "idées nauséabondes" auxquelles leurs livres favoris et parfumés ne les auront pas habitué-e-s. Ces oeuvres conformistes, et pour cette raison, largement diffusées, moissonnent tous les éloges, et se font passer pour de la littérature à peu de frais. "Les Cosaques et le Saint-Esprit" expose des idées, des réactions et des observations diamétralement opposées à ce que toute la presse autorisée répète incessamment, mais l'objectif principal n'est peut-être pas là : l'ouvrage est un recueil de brèves chroniques percutantes publiées dans la presse non autorisée et sur les réseaux sociaux, dont le format et la longueur ne se prêtent pas à de longs exposés argumentés. Ce sont des billets d'humeur, de réprobation, de colère, et d'accusations lancées au monde tel qu'il va (télé-réalité, Balance-ton-porc, macronisme, Gilets-Jaunes, incendie de Notre-Dame), et tel qu'on le trouve formidable presque partout. Or la littérature de la colère, l'usage de la colère dans la construction d'une voix littéraire, porte depuis les Romains le nom de satire. Bien sûr, qu'on ne se trompe pas sur ce mot colère, déjà récupéré et retourné par le Parti du Bien : ce qui met le satirique
Bruno Lafourcade en colère n'a rien à voir avec les indignations vertueuses que prescrit le Docteur
Stéphane Hessel dans ses ordonnances. Ce qui se produit vraiment met Lafourcade en colère, il est étranger à la stratégie gauchiste de blanchiment par la "colère", des meurtres commis par les Damnés de la Terre.
Mais le but du livre n'est peut-être pas d'exprimer une émotion. Au moyen de cette colère, le satirique dresse des portraits de personnages contemporains que tout le monde reconnaîtra, portraits peu flattés, insolents (autre mot récupéré et retourné) et cinglants : la Néo-Féministe, la Racaille, le Macroniste, le Journaliste, l'Ecrivain, le Végan, le Passeur de Migrants, l'Acteur, ("Gynocrates, dindigènes, horsolistes, terroristes de proximité") etc ... A la différence des portraits de la Bruyère, ces types humains ne sont pas rapportés à une essence immuable (sauf peut-être la soif du pouvoir et la passion de se soumettre), mais profondément ancrés dans l'actualité, connus de tous, admirés de tous ou presque.
Annie Ernaux,
Christine Angot, Joachim Son-Forget,
Nicolas Bedos, Ruth Elkrief,
Cedric Villani, Jérôme Durand et tant d'autres domestiques défilent dans ce livre réjouissant.
Le titre est une citation des derniers mots du Journal de
Léon Bloy.