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Citation de Henri-l-oiseleur


On ne peut jamais savoir ce qu’il peut advenir d’un homme qui possède à la fois une certaine conception de ses intérêts et un fusil », disait Clemenceau. J’en ai chargé un moi-même, appelé à servir mes intérêts : La Littérature à balles réelles. J’en publierai des pages ici [blog de l'auteur], de temps en temps.

Avant-propos à l’arme lourde

La jalousie m’a dicté ces pages : auteur sans lecteurs, souvent sans éditeur, l’échec m’a aigri ; il me fait à présent juger d’écrivains qui me surpassent.

Pire, je les juge fréquemment sans les avoir lus, car il en va des livres comme des bananes : la peau dit tout – je ne mange pas de fruits blets, et je ne lis pas de livres intitulés "Les lendemains avaient un goût de miel", parce que je reconnais la pourriture sans avoir besoin de la goûter, et les emprunts à Dalida quand ils se présentent.

Je ne comprends donc pas le préjugé demandant qu’on lise un livre avant d’en parler, et d’en écrire du mal, quand le regarder suffit : la couverture, le titre et la quatrième en disent beaucoup ; je vais jusqu’à faire confiance au visage de l’auteur : des trognes sont si décourageantes, elles en disent si long sur leur propriétaire qu’elles justifient amplement le « délit de sale gueule », et inversement le « crédit de belle gueule », ou, pour le dire autrement, visages et titres se marient si bien qu’il faut au moins avoir la tête de Franz-Olivier Giesbert pour oser appeler un roman "L’Amour est éternel tant qu’il dure" – mais je conviens qu’il s’agit là d’un point délicat.

On peut donc juger un livre seulement en le regardant, y compris si l’on a été jusqu’à l’ouvrir – et l’ouvrir au hasard : la ponctuation suffit à donner une idée de la virtuosité ou de la gaucherie de l’auteur ; elle enseigne par exemple cette règle intangible : une page sans point-virgule ne mérite pas d’être lue, car le point-virgule est si essentiel à la construction du raisonnement que son absence authentifie deux impuissances : celle de la phrase, donc celle de la pensée.

En somme, j’ai ceci de sympathique que j’ai l’humeur vinaigrée, que je lis rarement les livres dont je dis du mal, que je vais jusqu’à croire à la grande discrimination des visages et que j’étends cette ségrégation à la virgule.

Tout ceci mériterait d’être nuancé, bien sûr : on verra qu’il n’y a pas que de l’aigreur en moi, il y a aussi du fanatisme ; que la jalousie ne produit pas des opinions toujours torses ; que certains livres valent souvent mieux que leurs titres ; que j’ai lu, parfois jusqu’au bout, même si je suis de ceux qui pensent que trente lignes suffisent à savoir ce que vaut un écrivain, certains des ouvrages dont il sera ici question ; que je n’hésite pas à tirer à l’arme lourde sur des auteurs à peine moins confidentiels que moi. – Ainsi, mes aveux devraient libérer les lecteurs, qui pourront juger de mes opinions, sereinement, et sans se préoccuper du ressentiment qui les fit naître.



Note : "Les lendemains avaient un goût de miel", Marlène Schiappa, Charleston, 2017.
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