Ce bref essai de cent pages est une réjouissante galerie de portraits littéraires, qui rappelle "Les quarante médaillons de l'Académie" de Barbey d'Aurevilly.
Bruno Lafourcade y énumère alphabétiquement les auteurs encensés d'aujourd'hui, pour la plupart écrivains frelatés que les médias nous vantent au détriment des vrais. S'ils le font, c'est par idéologie : tous pensent de la même façon, prêchent dans la même chapelle, ennuient leur public par les mêmes homélies. L'auteur fait une place aux lecteurs et même au site Babelio, en reproduisant les présentations les plus caricaturales de certains participants de ce site (dont une "maman de deux chats, lectrice compulsive"), ce qui inquiète sur l'état actuel de la culture (mais même le sens de ce mot a été changé et n'est plus compréhensible).
L'idée maîtresse de ce livre, est que ces auteurs ont tout misé sur la conformité idéologique, comprise comme une adhésion militante au Parti Unique du Bien. Ce faisant, ils ont tous oublié que le travail de l'écrivain de talent concerne la langue, et que son activité est une quête de la beauté, pas de la conformité aux préjugés du temps. Nous voilà revenus à la querelle des
Fleurs du Mal en 1857, à la controverse entre Hugo (son "art pour le progrès de l'humanité") et
Baudelaire. Les nains contemporains font aussi de la morale, ce qui se voit à la pauvreté de leur style, de leur lexique, de leur syntaxe : les citations dans ce livre, édifiantes et savoureuses, révèlent leur absence cruelle de talent, compensée par leur adhésion à l'idéologie dominante (une mention particulière, parmi tant d'exemples hilarants, à la romancière
Marlène Schiappa, à la lettre S du catalogue alphabétique des nullités). On écrit mal car on pense mal, on aligne les clichés parce que l'on est conformiste.
Enfin,
Bruno Lafourcade emploie le ton polémique du pamphlétaire : on aurait tort de le lui reprocher, car, d'abord, il est extrêmement drôle, comme le sont toujours les gens méchants ; ensuite, comment avoir le moindre débat avec des
Annie Ernaux, des
Edouard Louis, des BHL ou des
Sollers ? Comme
Philippe Muray et
Alain Finkielkraut l'ont vu, on ne peut pas discuter avec un militant du Bien. L'objecteur de conscience sera forcément traité en scélérat à chasser du débat public et à étouffer, comme l'ont fait
Annie Ernaux et sa bande à
Richard Millet, ou les amis de l'éditeur POL et autres Gallimarion, comme dit Lafourcade, à
Renaud Camus. Reste l'insulte, c'est le seul parti possible.