Du pacte conclu en silence
il s’en faut d’une étoile
tissée dans l’air
d’un fétu de paille
prêt à s’embraser
pour que nos corps puissent s’aimer
alors qu’autour de nous
tout n’est que failles.
Quand la montagne devient rose
c’est qu’il est l’heure de se taire
ou tout au moins de parler bas
avant que les feux ne s’éteignent
Quand la montagne devient rose
c’est qu’un tison contre la pierre
s’emploie à lui rendre l’éclat
qu’elle va perdre pour la peine
Quand la montagne devient rose
c’est que la nuit s’annonce claire
sertie d’innombrables carats
telle une coiffe souveraine
Quand la montagne devient rose
d’un bond je retourne en arrière
quand la vie était devant moi
alors que désormais je saigne.
J'aime l'idée
que les mots
Hôte et Otage
Hospitalité et Hostilité
aient la même étymologie
et qu'ainsi depuis l'origine
ils aillent ensemble
constituant pour chacun
l'envers et l'endroit
l'ubac et l'adret
de sa relation aux autres.
J'aime l'idée
que le poème
ne soit pas bavard
qu'il n’en dise pas trop
pas plus
mais pas moins non plus
juste ce qu’il faut
et ne se finisse
que quand rien n'est à ajouter
ni rien à retirer.
J’aime le silence
parce qu’il bruit
parce qu’il craque
et qu’il bat
on y entend
en son fin fond
le cœur du monde
à l’œuvre.
Alors qu’il pleut
cette nuit sur la ville
et qu’autour de moi
dans les flaques
et l’eau qui s’écoule
le long des trottoirs
tout brille
tout scintille
tout se reflète
mon cœur reste sec.
La pluie tombe en cascade
dru sur les toits de tôle
c’est l’averse de l’aube
qui arrose au réveil
et qui à grande eau froide
de même qu’au printemps
lave des jours d’avant.
Bienfaitrice pluie
venue de toi
de ton ciel et ta joie
de tes mots
au diapason du monde
qui ont goût de fruit
de ton souffle chaud
cette pluie m’inonde.
Avec Marina Tsvetaïeva
j‘ai sauté dans la vie
autant que dans le vide
je me suis couché
dans des ornières
face contre terre
j’ai oublié mes mots
ma voix
et suis devenu une ombre
j’ai passé des nuits d’insomnie
à compter les pas
qui mènent à la lumière
le jour venu
j’ai fixé le soleil
sans jamais cligner des yeux
je suis resté planté là
un long moment
les bras tordus de bonheur
et puis enfin repu
j’ai passé mon chemin
libre comme l’air.
J’aime l’idée
que le sens de notre vie
s’instaure
dans un rapport à l’autre
originel et fondateur
et que sans lui
nous ne serions rien.