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Citation de aleatoire


Ils se dégageaient furtivement de la foule, posaient l'orgue de Barbarie sur son support aux pieds croisés à un carrefour de rues, sous un ruban de ciel jaune barré par un fil télégraphique, au milieu de gens apathiques, distraitement pressés, qui avaient relevé le col de leur manteau, et ils commençaient leur musique non par le commencement mais à l'endroit où ils l'avaient interrompue la veille, ils jouaient "Daisy, Daisy, réponds moi...", tandis qu'au-dessus des cheminées gonflaient des panaches blancs de fumée. Et, chose étrange, à peine entamé, cet air sautait tout de suite dans un creux inoccupé, trouvait sa place à cette heure-ci, dans ce paysage-là, comme s'il avait depuis toujours appartenu à cette journée songeuse, abîmée en elle-même, et les pensées grises, les soucis ternes des gens pressés suivaient son rythme.
Et quand il se terminait dans un long gémissement tiré des boyaux de l'orgue de Barbarie qui entamait une toute autre musique, les pensées et les soucis s'arrêtaient un instant, comme on s'arrête au cours d'une danse pour changer de pas, puis, machinalement, ils se mettaient à tourner dans le sens opposé, au rythme de l'air nouveau sorti des tuyaux de l'instrument : "Marguerite, âme de mon âme..."
Dans la morne indifférence de la matinée, personne n'avait même remarqué que le monde avait radicalement changé de direction, qu'il ne suivait plus le rythme de "Daisy, Daisy...", mais, tout au contraire, celui de "Mar-gue-ri-te..."
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