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Citation de mamansand72


En classe de première, Alice fait ses TPE sur les femmes et le féminisme. « Ce qui est terrible, tu sais, maman, c’est que les femmes ont peur tout le temps, partout, à toutes les époques. Évidemment, elles ont moins peur chez nous qu’en Inde ou je ne sais où, mais enfin, que ce soit conscient ou non, elles vivent dans la peur, la peur des hommes. » Je pose mon couteau à côté du petit tas d’épluchures, je m’essuie les mains. « C’est vrai, ma chérie. En même temps, les hommes aussi ont peur. Faut-il vraiment les opposer à nous ? Est-ce que… ? – Ça n’a rien à voir. La domination vient des hommes. Que certains aient peur, ok, on ne va pas pleurer pour eux. Tandis qu’une femme vit sans arrêt sous la menace, et très tôt dans sa vie. Sinon, pourquoi tu m’as appris à me défendre, quand j’étais petite ? Tu te souviens, pif paf ? » Elle mime le coup de genou. « C’est parce que tu avais peur pour moi. Parce que toutes les femmes ont peur, c’est tout. C’est tellement ordinaire, elles ont tellement intériorisé le danger que certaines n’en ont même pas conscience, et pourtant… Une femme menacée, c’est un pléonasme. — Admettons. Mais la peur de ne pas être à la hauteur, la peur de mal faire, de ne pas y arriver, la peur d’échouer, ça concerne bien les hommes aussi, non ? Vous, les filles d’aujourd’hui, vous êtes si… » Alice se lève brusquement, plonge les pommes de terre épluchées dans l’eau et me dit, son économe à la main, d’une voix qui tremble : « La différence, maman, entre hommes et femmes, tu vois, c’est que les hommes ont peur pour leur honneur, tandis que les femmes, c’est pour leur vie. Le ridicule ne tue pas, la violence, si. » Je me lève, je sais, je la prends dans mes bras, « câlin », dit-elle. Quand elle était petite, je la soulevais de terre comme rien, sa densité légère me comblait. Quelle puissance j’avais ! Maintenant, je ne peux plus, ni l’embarquer ses pieds sur les miens à grands pas de robot dans tout l’appartement. Son portable sonne, elle sort précipitamment de la cuisine en disant « allô » d’une voix séductrice. Je mets la table en chantonnant. Je trouve Alice trop radicale, intransigeante, mais notre discussion m’a rendue gaie, on discute entre filles, me dis-je.
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