Pour la vie, le danger manifeste qui émane de la conscience, c'est que celle-ci peut instituer, supprimer ou déplacer, selon son bon plaisir, telle ou telle chose à laquelle on est livré. C'est ainsi que prennent naissance les épidémies mentales et autres phénomènes de cette sorte. Il est bon que nous ayons en nous un appareil régulateur, notre « psychisme spinal » et notre « psychisme sympathique », susceptibles, à l'occasion, d'élever des protestations. Lorsqu'un philosophe édifie un système, ou lorsqu'un fondateur de religion en prêche une qui suscite en lui des douleurs corporelles, comme par exemple des troubles stomacaux, c'est à mes yeux le démenti le plus sévère qui puisse lui être infligé. Quelque chose doit y être en contradiction avec les vérités éternelles de la nature. C'est pourquoi je demande toujours « Est-il névrosé ou non ? » S'il est névrosé, ses affirmations les plus solennelles s'en trouvent infirmées, et il en reçoit un démenti, quand bien même il aurait la logique pour lui : le monstre en lui dit « Non ! » Lorsque je veux savoir si une vérité est bonne et salutaire, si c'est une vraie vérité, je me l'incorpore, je l'ingère, pour ainsi dire ; si elle me convient, si elle collabore harmonieusement au sein de mon organisme avec les autres éléments de mon psychisme, si je continue à bien fonctionner, à bien me porter, si rien en moi ne se révolte contre l'intruse, je me dis que c'est là une bonne vérité, qu'elle n'est pas vénéneuse, qu'elle ne me nuit pas.