Carole Bergh

Hurok ne comprenait pas pourquoi un sorcier avait appris le maniement des armes, cela lui paraissait si inutile. Certes, lui aussi avait toujours une épée à ses côtés, mais uniquement pour se débarrasser des incompétents , comme Ryll, et il aurait été incapable d'engager un combat avec elle. Bien sûr, il aurait aussi pu, d'un geste le réduire en cendre, mais c'était tellement plus agréable de sentir la lame pénétrer dans la chair, de lire la peur dans les yeux.

Ce n'est pas parce que le pouvoir s'exprime à travers nous que nous devons mépriser ceux qui en sont dépourvus, bien au contraire. Plus que quiconque, nous devons respecter la vie et vivre en harmonie avec notre environnement. Cela les sorciers de Barr-Han l'ont oublié. Sans la terre, sans la vie, il n'y a aucune magie qui puisse exister.

Avant de quitter cet endroit, Myrhel défit ce qu'il avait fait et toutes les pierres reprirent leur place, comme si rien ne s'était passé.
_ Il ne faut jamais oublier de remettre les choses en place comme on les a trouvées et de remercier la nature de nous avoir offert ses bienfaits dit-il.

_ La nature se suffit à elle-même, jeune homme Nous n'avons rien inventé, lui répondit Razel. Même notre pouvoir, dont nous sommes si fiers, n'est rien comparé à ce qu'elle peut créer. Les hommes ne sont que des grains de poussière qui se prennent pour des rocs. La véritable puissance est partout autour de nous et il suffit d'ouvrir les yeux pour s'en émerveiller.
_ Des grains de poussière qui peuvent détruire tout ce qui les entoure en quelques secondes, soupira Syrus.

_ J'étais plus insensible que toi autrefois, faisant ce qui devait être fait sans états d'âme, mais il y a une chose que tu ignores à mon sujet. Je suis né il y a moins d'un mois. Durant des siècles, je n'étais que pure magie et je n'étais pas préparé à ressentir toutes ces émotions qu'un corps peut apporter. Certains sentiments sont aussi enivrants qu'un torrent de pouvoir et cela, je l'ignorais.

Afin d'achever la cérémonie, il fallait faire pousser une plante sur la tombe et en fouillant dans la petite bourse qu'elle portait à la ceinture, Milla en sortit une graine de bourrache, qu'elle avait prévu de semer dans son ancien jardin.

Dès qu'elle fut en terre, la magie des Syrelles opéra. La graine germa et une tige s'éleva vers le ciel en se recouvrant progressivement de feuilles et de fleurs épanouies; Milla ne pouvait pas faire mieux, mais le rituel était accompli et c'était l'essentiel. Le corps retournait nourrir le terre pour la remercier de ses bienfaits et de la mort renaissait la vie afin de perpétuer le cycle naturel.

Nous ne savons rien au sujet de ces mages de Jova, mais je pense que s'ils vivaient ici autrefois, il est possible de retrouver une infime quantité de leur magie dans certains individus.Comme Ryak, cela leur permet de développer certaines aptitudes et nous pouvons vivre à côté d'eux sans nous en apercevoir.

Son regard fut attiré par une étrange pierre. Elle était aussi sombre que la nuit, aussi noire que son âme meurtrie, et il fut irrésistiblement attiré par elle.

_ Si votre mémoire vous fait défaut ou si vous avez le moindre doute, surtout ne dites rien insista Myrhel. Une lettre de plus , ou de moins, peut provoquer votre fin et celle de vos camarades.
_ Je crois qu'ils ont compris, le rassura Leora.
_ Je l'espère sinon ce sont eux qui nous tueront et non nos adversaires.

Il crut entendre un hurlement dans le lointain, mais il se dit que c’était le fruit de son imagination, créé par des peurs ancestrales qui refaisaient surface. L’époque des loups était révolue et à part les sangliers, qu’il fallait mieux éviter, les autres animaux ne représentaient pas une menace. Après de longues heures d’angoisse, il finit quand même par s’assoupir et ce fut le froid qui le ramena à la réalité. Ses vêtements étaient humides et ses membres ankylosés, mais il ne devait pas baisser les bras s’il ne voulait pas bêtement mourir à deux pas de la civilisation. Il eut beau tendre l’oreille, il n’entendit rien à part le chant des oiseaux, ce qui signifiait qu’il n’y avait pas de route à proximité, mais il gardait espoir, car il savait que le dimanche, des randonneurs en tout genre arpentaient la forêt et il finirait bien par en croiser un. Il récupéra quelques gouttes de rosée, pas assez pour apaiser sa soif, mais c’était toujours mieux que rien et il continua à avancer pour tenter de se réchauffer. Pourquoi n’avait-il pas été scout ? Il aurait su comment survivre en pleine nature, trouver les plantes comestibles, allumer un feu sans briquet et se faire un abri de fortune. Il regrettait de ne pas avoir acquis ces connaissances qui lui auraient été si utiles. Mais qui aurait pu imaginer qu’en France, à deux pas de Paris, on pouvait se retrouver si démuni ?